Iris, maillon faible de l'appétit glouton des moteurs de recherche s'est laissé ensorceler par une annonce publicitaire pour une île où le réel est en suspens. Avec son mari, Paul, sa fille Lou, et son fils Stanislas, ils ont "cent ans à eux tous", un siècle de modernité largué sur la magie intemporelle d'un monde "qui a gardé la trace de ce qu'il fut au premier jour."
Sauf qu'à peine arrivé au paradis, Paul a une lueur de conscience qui le fait s'interroger sur les conditions du retour. "Quel retour?", dans cette réponse esquissée en forme de question par le contact bodybuildé de l'accueil se profile enfin la véritable promesse d'un cauchemar aseptisé.
Faux roman fantastique que les quinze dernières lignes renvoient à l'absurdité ordinaire du monde, cet "Aller simple pour Nomad Island" en restitue l'inquiétante atmosphère proche souvent du climat qui faisait le charme de la série culte "Le Prisonnier".
Prisonniers, les touristes le sont bel et bien. Paul et sa famille découvrent des résidents qui n'ont même plus le souvenir du jour de leur arrivée. Planqué derrière des lunettes noires, le personnel indigène est mutique et Paul et son fils vont devoir se poser en résistants dans un univers programmé pour annihiler toute volonté singulière.
Joseph Inacardona pratique habilement le contre-pied littéraire dans cette fable sur le déterminisme social. Il nous présente le miroir de ce point ultime où nous logeons l'insignifiance de nos désirs. Au paradis, si toute demande est vaine, c'est bien parce que nous y sommes déjà morts.
Aller simple pour Nomad Island – Joseph Incardona – Seuil – 208 pages – 19€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 novembre 2014