En écho au livre de James Sallis, "Le Tueur se meurt", grand prix de littérature policière 2013, retrouvons l'écrivain argentin José Pablo Feinmann, auteur d'une très belle variation sur le thème du tueur en fin de parcours.
Mendizabal, un tueur indépendant, est chargé d'assassiner un homme à Buenos-Aires. C'est un professionnel consciencieux et réputé. Certains contrats qu'il a honorés sont cités en exemple par les membres de l'Organisation. Seulement voilà, il a cinquante ans et même si le rite obsessionnel qui le conduit à apprivoiser les habitudes et les lieux que fréquente sa future victime fonctionne parfaitement, on sent qu'un désarroi profond l'empêche d'agir.
Mendizabal cherche moins à donner la mort qu'à s'emparer de la vie de Rodolfo Külpe, un homme d'une trentaine d'années dont nous ne savons pas grand-chose. Il multiplie les photos et les intrusions clandestines dans l'appartement de Külpe. Il vole les mégots de sa maîtresse, il en jalouse l'ardeur, cherche à séduire une ancienne relation de sa cible, s'englue dans une impuissance qui le prive de sommeil pendant que l'Organisation s'impatiente.
Dans "Un Tueur récalcitrant", Howard Fast proposait une parabole assez comparable dans laquelle il dénonçait une société calquée sur les systèmes de prédation. Jose Pablo Feinmann symbolise cette chaîne du vivant par l'arme qu'utilise Mendizabal. C'est un vieux Lüger ayant sans doute appartenu à un officier prussien. Il a déjà tué beaucoup d'hommes "et peut-être cet officier prussien lui-même". Le bourreau pleure.
Les derniers jours de la victime – José Pablo Feinmann – Albin Michel – *** -(chez les bouquinistes avec un peu de chance ou en ligne en format livre de poche)
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – juin 1991