A
l'opposé du bruit et de la fureur des grands romans régionalistes américains,
Lori Roy restitue les effets trompeurs du silence et des non-dits meurtriers.
Pour
fuir les Nègres de Detroit et les émeutes raciales de 1967, Arthur Scott, sa
femme Celia, leurs deux filles Evie et Elaine, et leur fils Daniel, se replient
dans la ferme familiale du Kansas où vit toujours la mère d'Arthur. Lui va
passer d'un boulot d'ouvrier dans la sous-traitance automobile à un job
d'entretien des routes du comté mais pour Célia, c'est la découverte d'un
univers qu'elle redoute. A peine arrivée, elle se sent observée à la messe par les
autres femmes. Chapeau à voilette et jupe plissée contre foulard à fleurs et
robes évasées aux hanches. Le Kansas est synonyme de cette étrangeté à laquelle
rien ne semble pouvoir se soumettre en elle.
Et
c'est à la sortie de cette messe que le shérif annonce la disparition
inquiétante d'une fillette. Tandis que les soupçons se portent sur le beau
frère, violent avec sa femme, que sa propre fille, Evie, se prend au jeu des
ressemblances avec une tante disparue, et que son fils Daniel attend vainement
d'être adoubé par son propre père, Celia interroge ses capacités d'enracinement
dans cette nature secrète et hostile. Un présent de narration inscrit avec une
belle justesse son personnage dans l'énigme d'un monde qui s'oppose au souvenir
rassurant de Detroit.
Bent Road – Lori Roy –
Traduit de l'américain par Valérie Bourgeois – Le Masque – 320 pages – 19,50€ -
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Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 8 septembre 2013
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