L'enfer
n'est pas très loin et il n'est pas du tout pavé de bonnes intentions. Les haines
recuites n'en finissent pas de se caraméliser dans ce chaudron du Sud de
l'Indiana. C'est de là que Frank Bill nous envoie ses chroniques, pas vraiment
des nouvelles puisque le décor et les personnages se retrouvent d'un texte à
l'autre. La bière brûle comme de l'acide et la famille est un sac de crotales.
Des clans néanderthaliens s'observent avec furie, certains vendent leur fille
pour boucler les fins de mois. Des flics bourrés croisent des chasseurs de
cerfs défoncés à la meth.
Dans
ce fatras de tripes et de sueur émergent des personnages émouvants, comme ce
vétéran halluciné qui collectionne les oreilles de ses concitoyens, héritage
d'un cauchemar acquis auprès des talibans. Ou cet autre vétéran d'une guerre
encore plus ancienne. Son petit fils n'est pas pressé de faire sa connaissance
après le portrait qu'en a dressé sa mère: un abruti qui a passé sa vie à
tabasser sa femme pendant que ses deux fillettes s'abreuvaient d'une violence
simulée en regardant Tom et Jerry. Et pourtant, sans jamais s'excuser, le vieil
homme a sa propre souffrance dont il voudrait se délivrer.
Un
premier texte à découvrir, dans la grande tradition des auteurs du Sud.
Chiennes
de vie – Frank Bill – traduit de l'américain par Isabelle Maillet – Série noire
Gallimard – 247 pages – 21€ - ***
Lionel Germain