Inspiré de faits réels, le roman de Sam Hawken raconte le sort tragique des femmes de Juarez.
Cet
État du Mexique a beau s'appeler Chihuahua, il n'évoque pas une seule seconde
la tendresse d'un chiot dans son panier. A portée de jumelles des mirages du
Nord, séparée du Texas par un fleuve au nom mythique, le Rio Bravo, Ciudad
Juarez offre ses propres mirages aux hommes perdus des villes frontières. Drogue,
prostitution, la balance commerciale pose des vies sur ses plateaux pour
arracher un équilibre terrifiant. En dix ans, plus de quatre cents femmes ont
disparu et on a créé ce mot de "feminicidios" pour qualifier les
meurtres dont elles sont victimes.
Sam
Hawken leur dédie ce roman. A travers deux personnages, un boxeur américain de
seconde zone et un flic mexicain alcoolique, on s'aventure d'une manière
radicale sur la scène de crime. Et à y regarder de plus près, Juarez n'est que
ça, une scène de crime. On y meurt pour une poignée de pesos, on y survit en
lâchant ses dollars.
Quand les "maquiladoras", usines de
sous-traitance pour les Américains, maintiennent la pulsation vitale de la
ville de un à trois dollars de l'heure, les narco-trafiquants viennent cueillir
leurs proies aux portes du bagne. Justice, police, tout est à vendre et chacun
a son prix. Les héros de Sam Hawken sont deux épaves en quête d'une rédemption
impossible. Parce qu'à Juarez, les hommes et les femmes ne s'appartiennent plus,
maquignons ou détenteurs précaires d'une
vie humaine dont le cours fluctue inexorablement à la baisse.
Les disparues de Juarez – Sam Hawken – Traduit de l'américain par Mireille Vignol – Belfond – 395 pages – 21€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2012
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