L’Australie, à l’instar d’Israël, est une nouvelle pépinière de séries, aussi variées qu’attractives. On peut, entre autres, s’attarder sur "Profession: reporter", "Mystery Road", "Upright", "The Slap" ou "Deadloch". Toutes nous font découvrir les faces contrastées de ce continent, de Sydney à Perth, de l’Outback à la Tasmanie.
C’est au nord de la province du Queensland, dans la petite ville d’Ashford, que nous transporte la saison 1 de "Black Snow". En 1994, une professeure de lycée propose à ses élèves "collés" de créer une capsule temporelle pour célébrer le centenaire de l’établissement en 2019. Parmi eux, Isabel Baker (Talija Blackman-Corowa), adolescente noire de 17 ans, est retrouvée assassinée quelques jours plus tard.
Ce crime, qui a profondément choqué la petite ville et dévasté la communauté australienne des mers du Sud à laquelle appartenait Isabel, laisse la famille broyée de chagrin. L’affaire n’a jamais été résolue, le tueur jamais retrouvé, laissant la communauté dans l’angoisse et l’incompréhension, créant une suspicion dans toute la ville, brisant l’harmonie mise des années à se construire.
Vingt-cinq ans plus tard, les anciens élèves ouvrent la capsule et, parmi les objets déposés à l’époque, découvrent une lettre d’Isabel dans laquelle elle évoque "des prédateurs déguisés en amis", des gens "qui se nourrissent de la souffrance" et une menace imminente pesant sur elle.
Le shérif de l’époque avait immédiatement ciblé un éventuel vagabond. Désormais, c’est à James Cormack (Travis Fimmel, "Dune", "Vikings"), policier de Brisbane spécialisé dans les cold cases, de faire émerger la vérité, après réouverture de l’enquête, avec l’assistance de Hazel (Jemmason Power), la sœur d’Isabel. Au mystère du crime, s’ajoute celui de ce flic tourmenté au regard hypnotique. Obsessionnel et pugnace, dévoué et compulsif, quelles anciennes blessures cache-il ?
Tout au long de cette enquête où se confrontent les secrets enfouis et les fantômes du passé d’Ashford, où tout le monde peut être coupable, les obstacles vont s’accumuler sur son chemin, surtout lorsqu’il s’agit d’interroger sinon de harceler le petit groupe de jeunes de l’époque. L’histoire personnelle de James, interférant avec l’intrigue, apporte une substance supplémentaire à la série, construite en flash-backs fréquents et bien orchestrés.
Dans une atmosphère envoûtante et mystérieuse, au fur et à mesure que se révèlent les secrets et les mensonges de la petite communauté. "Black Snow" prend alors plus d’envergure lorsqu’elle élargit son propos en évoquant le "blackbirding", le trafic, dans la deuxième moitié du XIXème siècle, des esclaves calédoniens vers les plantations de sucre du Queensland. Et qu’elle se fait le miroir des rapports entre Australiens blancs et descendants des îles Pacifique.
Un substrat historique pour une série dont l’intérêt et le suspense, bien alimentés et ne se démentant pas, s’achèvent sur un dénouement pas inattendu mais habilement amené, dans un dernier épisode où domine l’émotion, un brin convenu et consensuel. Une série des antipodes, prégnante, à suivre.
Black Snow – 2 saisons, 2 x 6 épisodes (50 mn) – Polar+, C+Séries - ***
Créée par Lucas Taylor, Beatrix Christian, Boyd Quakawoot
Réalisée par Sian Davies, Matthew Saville
Avec Travis Fimmel, Talija Blackman-Corowa, Jemmason Power, Seini Willett, Gulliver McGrath, Eden Cassidy, Jimi Bani
Alain Barnoud