Consacré par le film que Denis Villeneuve tira de l’une de ses nouvelles, "Premier contact", l’américain Ted Chiang propose dans ce nouveau recueil neuf histoires qui sont autant d’expériences de pensée, immergeant le lecteur dans la vision du monde d’un robot, la difficile gestion par des éducateurs du cycle de vie des objets logiciels – en l’occurrence des organismes digitaux évoluant en environnement numérique, ou encore une cosmogonie délirante prenant au sérieux la vision pré copernicienne des choses.
L’écriture, froide et d’une précision clinique, livre des constats implacables. Parfois, cependant, elle emprunte son style à des registres apparemment désuets, des Mille et une nuits aux Confessions de Saint-Augustin, poursuivant son questionnement sur le posthumain et les réalités augmentées.
Saad Hossain s’inspire lui aussi des mythologies de l’Orient, mais c’est à Dacca qu’il nous entraîne, l’immense métropole bengali grouillante d’humanité, ses jets privés et ses rickshaws, et ses pauvres d’entre les pauvres qu’un destin d’esclaves exile aux rivages du Golfe persique.
Sur ce capharnaüm plus vrai que nature de petites embrouilles familiales ou d’arnaques aux dimensions de l’univers règne la Cabale, le conseil d’administration secret d’une maffia surnaturelle, un conglomérat de djinns et d’humains qui étend son filet du sous-continent indien au Brésil et a des antennes jusqu’à New York ou au cœur de la City.
N’est pas Harry Potter qui veut, et le jeune héros du roman subit plus qu’il ne la maîtrise une ascendance surnaturelle. Son voyage initiatique, que l’auteur ornemente d’emprunts débridés à la SF et à la fantasy fait de ce récit picaresque écrit d’une plume alerte n’hésitant pas à employer un langage souvent très vert, une grande fête baroque, infiniment jouissive.
Expiration - Ted Chiang - Nouvelles traduites de l’anglais (États-Unis) par Théophile Sersiron – Denoël - 453 pages - 23€ -
Djinn City - Saad Z. Hossain - Traduit de l’anglais (Bangladesh) – Agullo - 568 pages -22,50 € - ****
François Rahier
François Rahier
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