La Géorgie où Peter Farris nous invite à rencontrer ses personnages est un décor quasi intemporel. Les centaines d'hectares qui appartiennent à la famille Pelham, figure centrale du dernier roman publié en France, semblent hors d'atteinte des malédictions promises par les climatologues. Une nature sauvage où patrouillent les sangliers, les tatous et bien-sûr les cerfs attirés par la profusion des glands au pied d'un chêne plus fertile que les autres.
On a pu découvrir avec "Le Diable en personne" que ce décor n'a rien du paradis originel. Le cauchemar américain est toujours provoqué par l'acharnement des hommes à construire un enfer sur mesure. Et c'est souvent du côté des hommes de Dieu que le mal prend forme.
Dans la famille Pelham, il y a le père, amoureux de son domaine et désireux de le transmettre à son fils avec les valeurs qui s'imposent: respect du monde vivant et respect de l'animal qu'on tue pour se nourrir. Notamment le grand cerf, jamais considéré comme un trophée, simplement comme un tribut nécessaire à la survie du prédateur.
Mais dans la famille Pelham, il y a également la belle-mère et cet oncle prédicateur évangéliste dont l'église est une tire-lire cynique et malveillante. Quand le père meurt d'un "accident" provoqué, le fils affronte la cupidité du pasteur et ne doit son salut qu'à la rencontre d'un vagabond installé sur ses terres. Crime et rédemption, Peter Farris préserve l'espérance d'une humanité solidaire et humble face à la magie sans cesse renouvelée de la nature sauvage.
Les mangeurs d'argile – Peter Farris – Traduit de l'américain par Anatole Pons – Gallmeister – 336 pages – 23€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 1er septembre 2019Lire aussi dans Sud-Ouest