"Contrairement à la victime, vous éprouvez la terreur à distance, vous n'êtes pas en proie à l'horrible morsure de l'angoisse et, contrairement à l'agresseur, vous n'êtes exposé à aucune punition." C'est dans l'introduction de "Scènes de crime au Louvre" que Christos Markogiannakis donne la clé du "criminart" où le meurtre se réduit à une "excitation sublimée et purement esthétique."
De la salle 3 du rez-de-chaussée du Louvre où trône la stèle du roi Hammurabi qui inventa le premier code pénal dix-huit siècles avant J.C., à cette Médée furieuse de la salle 62 immortalisée par Delacroix, en passant par le premier étage et le tableau de David sur les licteurs rapportant à Brutus les corps de ses fils, ce sont près d'une trentaine d'œuvres qui sont soumises à l'analyse du criminologue.
La mythologie, l'Antiquité et l'Histoire (forcément tragique ajouterait Raymond Aron), offrent un personnel qualifié dans la démesure et la singularité de l'horreur. Pères, mères, fils et frères jaloux, se disputent les premiers rôles auxquels les peintres arrachent une vérité troublante parce qu'intemporelle et calquée sur le flux vulgaire de nos propres tourments.
Dans cette collection d'atrocités, comment ne pas tomber en arrêt devant le portrait de Salomé par Bernardino Luini. Le tableau du début du XVIe Siècle nous la montre détournant le regard de la monstruosité qu'on lui offre sur un plateau, la tête de Jean Baptiste. Elle n'est pas la criminelle mais la médiatrice d'un crime exigé par Hérodiade, sa mère. Pour percer le secret de ce regard, rendez-vous au premier étage de la grande Galerie du Louvre. Avec désormais un guide indispensable.
Scènes de crime au Louvre – Christos Markogiannakis – Traduit du grec par Christophe Jouanlanne - Le Passage – 192 pages – 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 11 juin 2017