Begaarts-Plage, quelque part sur la Côte Atlantique, ressemble à une des petites villes qu'on trouve entre la Gironde et le Pays basque. "Quatre mille deux cents habitants, (…) touristes et bars à tapas l'été, solitude, chômage, mort programmée du peu d'industrie locale et désœuvrement l'hiver." Émilie, fille du pays, a travaillé comme infirmière dans un hôpital proche. La vie rêvée jusqu'à l'accident qui pulvérise les apparences d'un monde presque parfait.
Inscrite au cœur d'un soir de 14 juillet, la scène d'ouverture est une promesse d'insouciance que dément le surgissement des personnages. Simon Diez, d'abord, en quête de chair fraîche, "bang, bang, bang", Émilie ensuite, boiteuse, regard de braise. Après les derniers pétards, le face à face de séduction se solde d'une balle dans la jambe de Simon dont Émilie fait son prisonnier. Le décor désormais, c'est le mobile-home d'un chenil dans la pinède. La responsable de cette violence, une femme de "bientôt quarante ans, (…) survivant dans une caravane miteuse entourée de quarante-sept clébards."
Marin Ledun affiche sa volonté de "déconstruire" les évidences en exfiltrant assez rapidement son bourreau du thriller vers le roman social. La détresse d'Émilie renvoie à une violence organisée, parfois silencieuse, bien ancrée dans cette France dite "périphérique". Victime d'une sortie de route qui lui a coûté sa jambe gauche, elle "se trompe de colère", selon la formule d'Hervé LeCorre mais exprime son désarroi à la manière des "white trash" de la littérature américaine.
En douce - Marin Ledun – Ombres noires – 256 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 11 septembre 2016