Lorsque le charismatique président de Nokia, Kari Kairamo (Kristo Salminen) se suicide le 11 décembre 1988, l’entreprise de téléphonie – outre le caoutchouc et le papier – tremblait déjà sur ses bases. Finies les fêtes annuelles de célébration des résultats, comme celle d’avril 1988, où tout l’état-major se gargarise: d’excellents en apparence, les résultats en question ont sombré dans le rouge vif. Car si 1987 avait été une année de forte expansion et d’acquisitions, notamment dans le secteur de l’électronique grand public, ces acquisitions multisectorielles et internationales ont généré un endettement colossal que les banques ne veulent plus assumer.
L’action s’est effondrée, des décisions stratégiques sont à prendre. Vendre le secteur "papier", dont Nokia fut un acteur majeur, pour faire rentrer du cash, il n’en est pas question pour Kari Kairamo dont la grande devise d’homme visionnaire, créatif et fantasque, était "Investing in people", "Investir dans l’humain".
Dès après son décès, il faut très vite se recentrer sur les industries du futur, essentiellement la téléphonie mobile. Nokia était déjà engagée dans cette voie en 1987 grâce à son téléphone portable de pointe le "Cityman", de la taille d’une chaussure. Mais la concurrence était cependant rude, principalement avec Motorola et son "Micro Tac", deux fois moins lourd.
Un trio de choc composé d’un cadre ambitieux et clairvoyant Jorma Ollila (Sampo Sarkola), d’un ingénieur surdoué, workaholic et tête brûlée, Risto Salminen (Aku Sipola) et d’une jeune juriste déterminée, Katarina Tammi (Satu Tuuli Karhu), va mettre toute son énergie – et même au-delà – pour relever le défi de la miniaturisation et du passage capital de l’analogique NMT au numérique GSM. Tous trois persuadés que l’entreprise peut devenir un des très grands de la téléphonie mondiale et qu’elle doit choisir entre la faillite ou le génie, ils veulent redéfinir et opérer des choix stratégiques majeurs.
Une vraie course d’obstacles, passionnante, qui met en relief les relations humaines, les luttes personnelles, les alliances et les doutes. Une tension qui va croissant lorsqu’il faut affronter un procès à haut risque contre le géant américain Motorola, pour contrefaçon et violation de droit. Dans ce duel au couteau, ce David contre Goliath version tech, Katarina va démontrer toute son ingéniosité, faisant preuve d’une maîtrise et d’un talent exceptionnel, avec l’aide efficace de son collègue – et vieil ami de fac – Aki Makkonen (Emil Kihlström).
Le génie, c’est celui de Risto et de son équipe de geeks azimutés, "le gang de Salo" (petite ville à l’Est d’Helsinki) acharnés au travail, et dont le cri de guerre est NO-KI-A ! Dans le cadre du programme "Objectif Europe Juillet 91", ils veulent être les leaders dans le développement du premier mobile GSM numérique. Ce sera le mythique Nokia GSM 101.
Pour cela, il faut investir et lors d’une réunion houleuse, c’est une pression maximale que, Risto, pilote du projet, met sur Jorma, trop sur la réserve à son goût. Ce dernier, lors d’un CA déterminant, obtiendra gain de cause, grâce à sa vision de l’avenir et à son pouvoir de persuasion. Ce sera alors le début de la prodigieuse aventure de cette marque qui a fait connaître la Finlande dans le monde entier.
Bien que mêlant business, ambition et bouleversements personnels, "Made in Finland", avec son aspect documentaire, ne s’inscrit pas dans la même lignée que les séries américaines consacrées aux start-up qui ont marqué leur époque, telles "WeCrashed"(sur WeWork), "The Dropout" (sur Theranos) ou "Super Pumped" (sur Uber). Pas d’approche clinquante, pas de mystère, une saga haletante et fascinante, témoignant de l’histoire de la tech mondiale, mais aussi de l’authenticité d’un pays qui, avec son flegme et son esprit pince-sans-rire, donne toujours l’impression de se moquer de ses propres défauts.
Made in Finland – 1 saison, 6 épisodes (50 mn) – Arte.TV - ***
Créée par Maarit Lalli, Kaarina Hazard, Jyrki Väisänen, Lassi Vierikko, Leo Viirret
Réalisée par Maarit Lalli
Avec Sampo Sarkola, Aku Sipola, Satu Tuuli Karhu, Kristo Salminen, Emil Kihlström, Oona Airola, Niina Nurminen
Alain Barnoud
Alain Barnoud