Dans "Infidèles" ("Faithless"), le réalisateur suédois Tomas Alfredson adapte, pour une série en six épisodes, un scénario original – le plus autobiographique - qu’Ingmar Bergman écrivit dans les années 70, avant son décès. Intitulé "Infidèle" (sans "s"), cette histoire a été transposée sous le même nom au cinéma en 2000 par Liv Ullman, qui fut sa muse et sa compagne.
Une histoire vraie, vécue par Ingmar Bergman, évoquant le souvenir d’une passion de jeunesse marquée par un adultère et le fantôme d’une ancienne conquête. Tomas Alfredson ("Morse", "La Taupe") et la scénariste Sara Johnsen reprennent à leur compte cet épisode de la vie du réalisateur suédois, marié à cinq reprises, en la remodelant et en la modernisant en un récit choral où le point de vue de chacun importe dans ce triangle amoureux classique.
David Howard (Gustav Lindh), jeune metteur en scène et réalisateur de cinéma en vogue, tout juste divorcé, décide de revenir habiter à Stockholm. Il y retrouve Markus Vogler (August Wittgenstein), un cher ami d’enfance, musicien de jazz reconnu, marié à Marianne (Frida Gustavsson), comédienne, et Isabel (Poppy Klinterberg Hardy) leur fille d’une dizaine d’années.
Une petite bande d’adultes bohèmes et sans contraintes apparentes se crée, mais qui va, à force de rapprochements entre David et Marianne par le biais du théâtre et du cinéma, prendre un chemin très particulier. Une attirance réciproque qui va faire basculer leurs vies. Celle de Markus, trop absorbé par son travail, et surtout celle d’Isabel, imaginative et sensible, amoureuse-enfant de David. Son cocon affectif va exploser, elle dont la présence souligne ce que les adultes refusent de voir: l’impact de leurs actes au-delà d’eux-mêmes. Elle deviendra l’enjeu stratégique du divorce.
Le thème du triangle amoureux prend son originalité, et en cela se renouvelle dans son narratif, grâce à un bond dans le temps. L’histoire se raconte alors sur une période différente, quelques décennies plus tard, lorsque David et Marianne se retrouvent: triste vie de deux vieillards isolés portant le poids de leurs souvenirs, passion dont le passé remonte à la surface et ouvre les yeux de David sur cette relation et les dégâts qu’elle a pu causer.
Chez Tomas Alfredson, cette liaison est essentiellement le fruit d’une folle attirance sensuelle et sexuelle réciproque, d’un puissant désir charnel, qui ne se concentre pas uniquement sur la culpabilité masculine comme chez le maître suédois. La femme elle-même subit les ravages de ses choix, de ses erreurs et de leurs conséquences.
Les personnages ne sont pas figés dans un rôle de coupables ou de victimes, traversés, tels qu’ils apparaissent, par leurs contradictions. Avec pour conséquence qu’une décision intime peut, avec tout son lot de désillusions, se répercuter sur une vie entière.
Lena Endre, qui fut Marianne chez Liv Ullman et proche d’Ingmar Bergman, et reprend ce rôle, mais en septuagénaire cette fois, ajuste avec clairvoyance les points de vue et les comparaisons possibles avec la série de Tomas Alfredson: qu’importe le format, pourvu qu’on touche à l’essentiel, les films d’Ingmar Bergman interrogeant sur "comment vivre ensemble malgré toutes nos peurs et notre méconnaissance de nous-mêmes. C’est une question qui se posera toujours". On peut patiemment mais résolument plonger dans les dédales du désir et de la mémoire de ce couple bergmanien.
Infidèles – 1 saison, 6 épisodes (45 mn) – Arte.TV - ****
Créée par Sara Johnsen
Réalisée par Tomas Alfredson
Avec Frida Gustavsson, Gustav Lindh, August Wittgenstein, Poppy Klintenberg Hardy, Lena Endre, Jesper Christensen, Malin Crépin, Léonie Vincent
Alain Barnoud
Alain Barnoud