C'est sans doute l'un des romans les plus effrayants de 2024. Au-delà du suspense inhérent au genre, l'effroi se cache dans la certitude que le roman nous décrit avec une précision parfois à la limite du voyeurisme l'arrière-plan encore invisible du monde réel. Invisible pour quelques privilégiés du monde occidental, mais pour combien de temps?
Depuis la péninsule du Yucatan, on assiste à l'émergence d'un nouveau cartel de la drogue, le "cartel 1011". Meurtres, intimidation, enlèvement, viol, prostitution forcée, une vraie jouissance du mal anime les acteurs de ce cartel. On peut reprocher à Mattias Köping de ne pas manier l'ellipse mais on peut aussi s'interroger sur notre refus de "voir" la réalité en face. En aval de toutes ces horreurs, les lessiveuses de luxe des criminels finissent par se confondre avec les façades de nos institutions.
"Employeur modèle, le cartel pourvoyait des milliers d'emplois légaux partout dans le monde. (…) Pour parvenir à ses fins, le cartel recourait à pas moins de dix experts-comptables salariés à plein temps, résidant sur cinq continents."
Une galerie de personnages plus sombres les uns que les autres pourraient dissuader le lecteur dépressif. L'auteur a eu la grande sagesse de nous offrir une respiration admirable avec le portrait d'un Padre obstinément à la recherche des âmes perdues. Premier volet prometteur d'une série proche dans un autre domaine de celui "D'argent et de sang" de Fabrice Arfi.
Les Bâtisseurs - Mattias Köping – Flammarion – 623 pages – 23€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain