Vous les avez déjà rencontrés. Trois héros qui ont défrayé la chronique littéraire à plusieurs reprises. Quand John Harvey nous donne de leurs nouvelles, un sentiment familier ravive le souvenir. Charlie Resnick, Jack Kiley et Frank Elder sont des personnages que leur humanité rassemble et qui peuvent même se croiser sur la page l'espace d'une intrigue mais conservent leur propre épaisseur et leur propre tempo.
Par exemple, à l'inverse de Resnick et Elder, Kiley n'est pas un héros de roman. John Harvey l'a conçu pour de brèves apparitions, "une petite enquête et puis s'en va." C'est un ancien flic, ancien joueur de foot. Après la police et les crampons, il s'est reconverti en "privé". On le reconnait dans les bars, sa clientèle appartient au milieu du sport, sa compagne provisoire, Kate, est journaliste.
On le suit à travers quatre moments de sa carrière d'enquêteur: une joueuse de tennis victime de chantage, une jeune prostituée menacée par un ex brutal, un entraîneur pour gamins accro aux jeux de hasard et un dernier épisode sur un trafic de réfugiés.
Frank Elder, héros de trois romans, avait fait sa première apparition dans cette nouvelle, "Plein Nord", enquête sur un massacre familial mais surtout récit de sa propre déconfiture amoureuse.
La star incontestée, c'est bien-sûr Charlie Resnick. Son tempo à lui, c'est celui du jazz qui imprime sa couleur bleu nuit à l'univers du personnage, de ses chats Pepper, Miles ou Dizzy, de la dope qui ensemence le désespoir des marginaux. Deux nouvelles à la première personne nous renvoient dans ce monde du blues. Les harmonies y sont souvent mineures mais la prose de John Harvey est de première grandeur.
Une étude en noir – John Harvey – Traduit de l'anglais par Karine Lalechère et Jean-Paul Gratias – Rivages – 336 pages – 16€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 novembre 2018Lire aussi dans Sud-Ouest
Dexter Gordon: "Round Midnight"