Les deux premiers romans de Barouk Salamé, s'inscrivaient avec brio dans la lignée du polar érudit. Que ce soit sur l'origine de l'Islam ou les liens entre les trois grandes religions monothéistes, les aventures du commissaire Sarfaty étaient ponctuées d'analyses passionnantes et parfois iconoclastes.
"Une guerre de génies, de héros et de lâches" offre une pause au flic juif, le temps d'évoquer son enfance algérienne et de briser une fois de plus quelques uns des tabous qui empoisonnent la période de la guerre.
Comme en écho à "Rue Darwin", le roman de Boualem Sansal, une figure féminine s'impose au lecteur de Barouk Salamé, laissant entrevoir la puissance matriarcale à l'œuvre dans les deux communautés. Car si Djeda, la grand-mère de Yazid dominait son village grâce au bordel familial, celle de Serjoun, la belle juive Rebecca Ben Bajou, est elle une héroïne de la guerre d'indépendance, arrimée au sort de Messali Hadj, le mauvais cheval de la révolution algérienne.
La fracture entre le MNA et le FLN est tragique au sein même de la famille Ben Bajou. Elle oppose la grand-mère à son fils sans que la caution du FLN permette à celui-ci d'échapper au nettoyage "ethnique" imposé par les tenants d'une Algérie musulmane. Coincée entre les ultras de l'Algérie française et les intégristes du FLN, rebaptisée Sarfaty pour se soustraire aux balles de l'OAS, la tribu Ben Bajou sera finalement contrainte à l'exil.
Un excellent roman documentaire qui fait sauter les verrous de l'Histoire officielle.
Une guerre de génies, de héros et de lâches – Barouk Salamé – Rivages – 280 pages – 18,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 29 avril 2012