Personnage central de l'œuvre d'Indridason, le commissaire Erlendur s'est fait la malle depuis deux épisodes. Quel est le sens de cette disparition? A quoi joue le romancier quand il efface le personnage "récurrent" autour duquel est censé s'organiser l'univers des autres protagonistes?
En
l'absence d'Erlendur, dont les vacances se prolongent, c'est Sigurdur Oli qui
tient la boutique policière avec Elinborg, la femme de l'équipe. On retrouve
les échos des affaires précédentes et Indridason en profite pour approfondir le
personnage de Sigurdur Oli, notamment les rapports compliqués qu'il entretient
avec son ex et le regard partagé entre effroi et compassion qu'il porte sur son
père atteint d'un cancer de la prostate.
Bien-sûr, il y a cette enquête qui remue les eaux troubles de la finance, mais aussi passionnante qu'elle soit, le lecteur en est subtilement détourné le temps d'un coup de fil d'Eva Lind, la fille d'Erlendur, cherchant à savoir si son père a donné de ses nouvelles. Et c'est là qu'on réalise l'habileté d'Indridason.
Pour le lecteur, le monde s'organise autour de cette absence forcément anecdotique si on change de point de vue. Cette feinte nous promène du monde du roman, autarcique et centré sur la figure du héros, à un pseudo roman du monde dont le surgissement et la pertinence se nourrissent en secret de la disparition d'Erlendur. A chaque nouvel épisode sans Erlendur, le lecteur est livré à cette illusion que le monde peut continuer sans lui, que sa vie ou sa mort sont sans effet sur le réel, que dans le roman à venir se recroiseront sans fin les mêmes terreurs et les mêmes personnages. Et pourtant, une seule question vient au lecteur au moment de refermer le livre: Mais où est donc Erlendur?
La muraille de lave – Arnaldur Indridason – traduit de l'islandais par Éric Boury – Métailié – 319 pages – 19,50€ - ****
Lionel Germain