Dans le dernier roman de Guy Rechenmann, les aventures d'Anselme Viloc prennent leurs distances avec la morosité contemporaine en se repliant dans la vallée de la Chartreuse au 13ème siècle. En 1248, un mystérieux "dépeceur" sème l'effroi au sein des sept paroisses qui se partagent le versant savoyard. Six jeunes filles assassinées et mutilées dont on retrouve les corps les soirs de pleine lune. On soupçonne le loup-garou que seule une balle en argent pourrait éliminer. Mais l'apocalypse se manifeste sous la forme d'un glissement de terrain qui engloutit des milliers de villageois tout en épargnant le village de Myans et ses moines.
C'est dans cette vallée savoyarde meurtrie qu'Anselme Viloc a vécu une partie de son enfance. Adopté après une errance de plusieurs années dans une multitude de centres sociaux, Anselme est initié par son père adoptif à la beauté troublante du paysage où survit "le mystère du dépeceur de filles corrélé ou non" à une non moins mystérieuse "disparition de bébés". Pour ce "flic de papier", titulaire du bureau des rêves, le présent rime avec la douceur aquitaine du Bassin d'Arcachon, un présent de narration à réinsérer à la fin de ce vingtième siècle qui nous paraît déjà si loin.
"L'imaginaire consiste à mettre du désordre dans la réalité", nous dit Guy Rechenmann. Cette jolie formule s'actualise dans le chaos émotionnel éprouvé par Viloc après le naufrage d'un chalutier sur lequel sa femme avait embarqué. Mais que les gastronomes se rassurent, les fourneaux du poète leur ont mitonné une surprise du chef interdite aux papilles trop sensibles. De quoi mériter pleinement cette "étoile en enfer".
Une étoile en enfer – Guy Rechenmann – Cairn – 296 pages – 11€ - ***
Lionel Germain