L'œuvre autour de la détective privée Claire DeWitt sent la poudre des vieux 9mm et la naphtaline qui protège les "Pulps" des années vingt du siècle dernier. Comme en psychanalyse avec les freudiens "canal historique", les détectives privés de Sara Gran courtisent des maîtres titulaires de chapelles plus ou moins hostiles les unes envers les autres.
Adepte du criminologue français Jacques Silette, un producteur d'aphorismes qui comblent son désarroi existentiel, Claire DeWitt appartient à une école dont les congrès attirent une foule de dix personnes. Sa vie commencée dans les faubourgs de Brooklyn est consacrée à "l'interprétation d'un cauchemar", avec ses phases résilientes qui masquent des rebonds de terreur. Dans un cauchemar, on ne se reconnaît pas. On est comme une entité impalpable en mouvement sur un territoire que le rêveur semble avoir dessiné lui-même.
Dans le troisième épisode de ses divagations, Sara Gran mêle habilement les ingrédients du roman noir violent et les déductions hilarantes sur trois périodes de la vie de Claire: le présent où elle survit en dure-à-cuire à une tentative de meurtre, le retour sur la disparition mystérieuse de son amie d'enfance et la parenthèse californienne pour valider son affiliation à l'ordre des détectives. Une multitude de flash-back pour une carrière recomposée avec ce soupçon de folie qui caractérise le monde imaginaire des héros de papier.
Du sang sur l'asphalte – Sara Gran – Traduit de l'américain par Claire Breton – Le Masque – 288 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 26 janvier 2020Lire aussi dans Sud-Ouest