Une figure simenonienne engagée au-delà du raisonnable dans le désir de comprendre les victimes et les assassins, tel est le personnage de juge imaginé par Giorgio Fontana. On est à Milan en 1981 et Giacomo Colnaghi enquête sur l'assassinat d'un notable de la Démocratie chrétienne par les brigades rouges. Un défi d'impartialité qui ramène au réel de cette frontière entre deux forteresses: l'une qui prétend puiser sa force dans le droit, l'autre qui légitime sa violence contre un état "partisan et inique".
Au terme de cette rencontre impossible entre le juge et l'assassin, il y a le refus de Colnaghi d'accepter la qualité de "résistant" dont se prévaut le jeune brigadiste. Parce qu'on comprend assez vite que la mémoire du père, "résistant" véritable, torturé par les vrais fascistes et tombé sous leurs balles en cherchant à leur échapper anime l'intransigeance de Colnaghi. Dans un état de droit aussi défaillant que les autres à endiguer ses propres turpitudes, cette référence maintient le "petit" juge debout.
Mort d'un homme heureux – Giorgio Fontana – Traduit de l'italien par François Bouchard – Seuil – 320 pages – 21€ - ****
Lionel Germain