Saint-Amand-La-Givray porte bien son nom. Entre l'étang et les pentes du Crêt du Fou, on se congèle les neurones dans le bar de l'Indiana où Otis prépare son doctorat de tatoueur. Otis doit beaucoup à sa mère, la patronne du bar, et très peu au prince du Rythm and blues. Il s'est fait quelques ennemis en massacrant les chiens du voisinage pour s'entraîner à ses gravures sur peau. Son seul ami s'appelle Marvin.
Il est un peu plus décérébré que les autres pensionnaires de l'Indiana mais très fidèle. Difficile de contrarier son mètre quatre-vingt-dix de viande et de contenir son impatience à exhiber le futur tatouage de son pote. Tandis que Marvin rêve d'un aigle imprimé sur sa couenne, Otis bave devant la plus belle fille du coin, Ella pour les intimes, Piggy pour les jaloux. Otis découvre l'ampleur de son cauchemar quand sa mère lui apprend au détour d'une gueule de bois qu'il a tué sa belle et que grâce à Marvin, elle a pu planquer le cadavre dans la cave.
Assigné à résidence, il devient médium et découvre alors, en tatouant, le destin contraire de ses clients: pompier allumé, gendarme couché et désespérés anonymes.
Fermeture d'usine, chômage, ça pourrait être une chienne de vie à la Frank Bill, tellement on renifle le sud des États-Unis dans ce premier roman d'une Orléanaise qui a dû pas mal biberonner Faulkner dans sa jeunesse. Mais malgré des têtes de chapitre inspirées du juke-box anglo-saxon, elle nous assène avec vigueur le portrait d'une France sinistrée, condamnée au grattage sur un bout de comptoir.
Reste la question récurrente des polars de bonne facture: Que faire du corps? Dans un style très punchy, Alexandra Appers dissout la graisse et revitalise le genre.
Un mort de trop – Alexandra Appers – Ring – 263 pages – 19,95€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 3 août 2014