De la mythologie à la science-fiction de l’âge d’or, on peut mesurer combien notre vision de l’univers a été façonnée par l’imaginaire: les noms des constellations d’abord, puis la vision fantasmée de Vénus ou de Mars, chez Edgar Rice Burroughs, Leigh Brackett ou même Asimov – qui était un scientifique – dans ses romans pour la jeunesse: les océans de Vénus, les hommes rouges de Mars etc.
Plus récemment, faute d’observation directe par exemple des exoplanètes dont les télescopes spatiaux sont encore incapables de nous donner des images, des "vues d’artistes", illustrant les livres et les revues scientifiques, sont venues relayer, compléter ou "augmenter" cet imaginaire.
Stimulant l’imagination du lecteur, ce sont aussi des "fantaisies" au sens grec du terme, la représentation de choses extraordinaires propres à frapper l’imagination. Kant a bien montré comment la raison pouvait être au service de l’imagination dans la création artistique, et, dans la démarche scientifique, comment l’imagination pouvait être au service de la raison. Le voyage de découverte auquel nous convie Philip Plait avec ce livre passionnant est un peu du même ordre.
Dans cette découverte immersive et vivante du cosmos l’auteur, astronome passionné de SF qui a travaillé au sein de l’équipe du télescope spatial Hubble et anime le blog de vulgarisation scientifique "Bad Astronomy", s’inspire des dernières découvertes scientifiques pour nous transporter dans certains des sites les plus spectaculaires que l’espace pourrait nous offrir: la Terre vue de la Lune, le monde des anneaux de Saturne, des planètes gravitant autour de naines rouges ou encore "le ciel de Tatooine" inspiré de "Star Wars", les amas globulaires, les pouponnières d’étoiles que sont les nébuleuses, les trous noirs etc.
Dans chaque chapitre, un rédactionnel mi-science mi-fiction entraîne le lecteur dans un de ces sites et le prend par la main pour lui expliquer, chemin faisant, que s’il est sur Pluton, par exemple, aux confins du système solaire, sa combinaison spatiale bénéficie d’une très haute technologie, surtout au niveau des bottes, parce qu’il fait – 228° juste sous les semelles.
Progressant avec beaucoup de pédagogie, l’auteur amène ensuite son lecteur à comprendre le système fort complexe qui régit, toujours sur Pluton, le réseau des segments polygonaux de glace d’azote flottant au-dessus d’un épais lac d’azote liquide, ou, schémas à l’appui, les interactions entre l’orbite de Pluton et celle de son gros satellite Charon: mais Charon est-il encore un satellite? Et comme les passionnés d’astronomie le savent, peut-on encore dire que Pluton est une planète?
Jusque très récemment, les planètes orbitant dans un système binaire relevaient de la SF. Mais Philip Plait explique dans un autre chapitre que nous pouvons observer maintenant de nombreux systèmes semblables à Tatooine, avec des soleils jumeaux: "Si nous parvenons un jour à nous affranchir des chaînes qui nous attachent à la Terre et à nous aventurer dans la galaxie, nos descendants pourraient admirer en personne des doubles couchers de soleil, comme Luke Skywalker".
S’il est un peu dérouté par des explications parfois très techniques, et des schémas quelquefois abstraits, le lecteur candide trouvera une respiration dans le cahier central qui contient 8 pages d’illustrations couleurs, des images d’une beauté fascinante issues des services d’imagerie de la NASA ou de l’ESA, des photos, des vraies, ou des images composites réalisées à partir de clichés pris par des sondes spatiales, et pas de "vues d’artistes" à l’exception d’une seule, à la fin, le disque d’accrétion d’un trou noir, et le diagramme du système exoplanétaire TRAPPIST-1 découvert en 1999.
Expert en images lui aussi, Régis Hautière, auteur de bandes dessinées et scénariste entre autres de la série Eco-SF "Aquablue", signe la préface.
Ciels extraterrestres - Philip Plait - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Émilie Martin du Fou – Préface de Régis Hautière – Éditions Blueman – 334 pages – 20 € (ebook : 12,99 €) - ***
François Rahier
François Rahier