Un siècle après sa mort, l’immense Joseph Conrad n’avait pas encore été intégralement traduit en français. Publié en 1901, ce récit prophétique injustement oublié sorti en librairie en ce début d’année dénonce les techniques de désinformation qui ne cessent de menacer les démocraties.
Écrit avec Ford Madox Ford, ami et collaborateur de Conrad, le roman permet de prendre en considération le talent visionnaire d’un auteur à qui en 1970 Coppola empruntera le sujet de son film Apocalypse now. Il y a un lien entre les deux, puisque le personnage du financier qui veut s’emparer ici du Groenland est inspiré du roi belge Léopold II dont Conrad avait pu mesurer la folie mégalomane lors de son séjour au Congo en 1890, séjour à l’origine du récit adapté par Coppola.
Entre uchronie et satire, le roman révèle la profonde empathie avec le réel d’un auteur qui continue de sonder les abysses de l’âme humaine; c’est en même temps un livre qui résonne étrangement avec notre actualité.
Les Héritiers du monde - Joseph Conrad et Ford Madox Ford - Traduit de l’anglais par Paul Decottignies - Le Rouge et le Noir/Arfuyen, 284 pages, 19,50 € - ****
François Rahier
François Rahier