Le phénomène J. K. Rowling est-il en train de se répéter? Traduite dans 27 pays, vendue à plus d’un million d’exemplaires dans le monde, adaptée en bd par Corbeyran et bientôt en "anime" façon manga, cette saga qui est l’œuvre de deux autrices françaises vivant à Strasbourg a d’abord été publiée à compte d’auteur devant le refus successif de plusieurs maisons d’édition. Un véritable conte de fées éditorial!
L’histoire de cette lycéenne qui découvre qu’elle vient d’un autre monde n’est pas que la version fille de "Harry Potter": dans ce dernier volume, le sentiment de l’exil, la perte liée à l’âge adulte font la différence. "Si nous n’avions pas espéré, nous n’aurions pas vécu. Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Je sais seulement que la vie recèle bonheurs et malheurs, beautés et laideurs, bontés et infamies, et que tout cela s’équilibre grâce à l’espoir!" Et que de jolies trouvailles d’écriture, empruntant à l’alsacien, à l’espagnol ou au japonais!
Oksa Pollock/L’ultime espérance - Anne Plichota et Cendrine Wolf - XO éditions - 352 pages - 20,90 € (intégrale disponible en 7 volumes au format poche chez Pocket jeunesse) François Rahier
Quel bonheur de retrouver Fin Macleod, le héros que Peter May a mis en scène dans sa trilogie écossaise il y a plus d'une dizaine d'années. Si Fin abandonne Glasgow et rejoint les Hébrides c'est pour défendre l'honneur de son fils.
On a retrouvé le corps d'une jeune militante de la cause environnementale sur la côte ouest de Lewis et c'est Fionnlagh le coupable présumé. Un fils que tout accable dans ce décor proche du "loch noir" qui fait rêver mais dont la beauté masque de plus en plus difficilement la catastrophe écologique provoquée par l'élevage du saumon. L'invasion des poux de mer n'épargne pas les saumons sauvages qui viennent frayer et les enjeux économiques sont parfois des pousse-au-crime.
Loch noir - Peter May – Traduit de l'anglais (Écosse) par Ariane Bataille – Rouergue noir – 368 pages – 22,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 août 2025
Nasir "Naz" Khan (Riz Ahmed), étudiant issu d’une famille pakistanaise modeste et sans histoires du Queens, emprunte un soir sans autorisation le taxi de son père pour se rendre à une fête à Manhattan où il se retrouve bientôt un peu perdu. Il est accosté par une très belle jeune femme de son âge, Andrea Cornish (Sofia Black-D’Elia), qui monte dans le taxi, lui propose de la drogue et lui demande de la conduire chez elle, dans une maison des beaux quartiers.
Après une nuit d’alcool, de défonce et de sexe sauvage, il découvre Andrea baignant dans son sang, tuée de 22 coups de couteau. Paniqué, Naz prend la fuite mais est bientôt arrêté et confondu par la police comme unique suspect. Sans le moindre souvenir de ce qui s’est passé, après la découverte sur lui d’un large couteau, il est incarcéré à la prison de Rykers, un des pires établissements pénitentiaires de l’est américain.
John Stone (John Turturro), avocat à la petite semaine, présent dans le commissariat lors de l’arrestation de Naz, va prendre le dossier en main. Le moteur de la série n’est pas tant la question de la culpabilité de Naz ou d’autre(s) – les scénaristes semant le doute et initiant quelques fausses pistes – que la personnalité des personnages clés.
John Stone, bien sûr, à l’allure de sdf, en sandales à cause d'un eczéma des pieds, avocat miteux qui va être le seul à vraiment mener l’enquête. L’inspecteur Dennis Box également (Bill Camp), en préretraite mais en charge du dossier, dont l’enquête vise à apporter un nouvel éclairage sur les preuves existantes et sur le sens à leur donner. Un homme intraitable mais empathique, accrocheur et plein d’une force tranquille.
Naz, le triste "héros" du drame, qui apparaît tout d’abord comme timide, sensible et réservé, puis interroge sur sa possible culpabilité et sur son côté sombre. Un côté sombre qui se dévoile lors de son passage en prison.
La série, à plusieurs égards, sert à ses auteurs de terrain d’exploration du fonctionnement de la justice américaine et des conséquences de l’enquête plus importantes que le profil du meurtrier présumé lui-même – du multiculturalisme et du racisme anti-musulman, des clivages sociologiques et des différences de classe.
Les certitudes des divers acteurs du drame vont se trouver bousculées, chacun en chemin découvrant ses remises en cause à assumer, ses limites, sa part d’humanité et son cynisme. Que ce soit en mal ou en bien, personne ne sortira indemne de cette tragédie.
Les deux acteurs majeurs, John Turturro et Riz Ahmed, transcendent à eux seuls la série par leur palette de jeu, le premier en juriste défenseur solitaire, désabusé et faussement maladroit, le second en accusé vulnérable à la psychologie complexe et à la violence inquiétante.