Dans les quartiers sud de Chicago, Joe Meno installe le décor d'un roman initiatique où le héros, Brian, hésite entre un destin de star punk et celui d'amoureux transi d'une petite furie aux cheveux roses. L'auteur analyse les limites du bonheur tribal quand la recherche de singularité se heurte aux exigences d'un nouveau conformisme.
La Crête des damnés – Joe Meno – Traduit de l'américain par Estelle Flory – Agullo – 384 pages – 22€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 15 septembre 2019 Lire aussi dans Sud-Ouest
Le petit arpent du bon dieu américain a été le premier à délivrer les démons d’une humanité qui se rêvait jusque-là angélique. Dans ce deuxième roman de Joe Meno publié par Nadège Agullo, le cadre faussement bucolique d’une petite ville de l’Indiana offre toutes les nuances du désespoir social. Un père, sa fille et son petit-fils s’abiment dans le vide existentiel jusqu’à l’arrivée rédemptrice d’une jument.
Prodiges et miracles – Joe Meno – Traduit de l’américain par Morgane Saysana – Agullo – 376 pages – 22€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 30 septembre 2018 Lire aussi dans Sud-Ouest
"C'était une sorte de petit ronflement de colibri à la fois triste et plaisant, un son chuchoté qui me donnait l'impression d'être à la maison. Alors je me réjouis de partager cette pièce tout exiguë avec un autre détenu, de l'entendre aux prises avec ses cauchemars et sa culpabilité pesante."
Là où on attend une histoire de "bad guy" avec la sortie de prison de Luce Lemay, jeune braqueur responsable de la mort d'un bébé renversé dans son landau, Joe Meno nous cueille à contre-sens en nous proposant un personnage tendre et attachant. "Folsom Prison Blues" de Johnny Cash donne l'humeur de fond et la petite ville de l'Illinois coïncide dans ses moindres impasses avec le désespoir de cette rengaine.
Comme dans toutes les rengaines, revient l'embrouille autour d'une femme dont la beauté est proportionnelle à la menace qu'elle représente. Elle s'appelle Charlene et Luce Lemay ferait bien d'éviter son sillage. Joe Meno distribue les indices avec une innocence feinte. Après avoir collé entre les pattes de son personnage un gros idiot à la Steinbeck, il laisse le décor et les indigènes transformer le moindre sourire de Luce en circonstance aggravante.
Étrange histoire d'amour dans laquelle on échoue entre deux mondes. D'abord celui minéral et froid des anciens détenus en liberté conditionnelle, aussi prévisible qu'un rapport de flic sur les chances de réinsertion d'un gamin sans diplôme dans un bled sans avenir. L'autre monde, enfin, celui de Luce Lemay, bercé de rêves et d'espoir, porté par une énergie souriante capable de redonner des couleurs à la grisaille pluvieuse de l'Illinois. "Far from Folson prison"…
Le blues de La Harpie – Joe Meno – Traduit de l'américain par Morgane Saysana – Agullo – 310 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 29 janvier 2017