samedi 16 juillet 2022

10 Incontournables au féminin

 




Pour répondre à Caroline de Benedetti sur Fondu au Noir :

Impossible de ne pas faire redondance avec les listes qui vont tourner. Et impossible de se satisfaire d'une liste de 10. Donc voici dix autrices parmi les incontournables sans ordre de préférence.

Agatha Christie - Pour ce qui nous reste d'enfance et le souvenir de la lampe de poche sous l'oreiller - "Les Dix Petits Nègres" et "Le Meurtre de Roger Ackroyd".

Vera Caspary - Laura 

Ruth Rendell - Sans dommage apparent (avec Wexford)
               Une mort obsédante

Patricia Highsmith - Le journal d'Edith
                     Les Ripley


Dans les autrices contemporaines:

Sophie Loubière - Cinq cartes brûlées

Elsa Marpeau - Son autre mort

Amy Jo Burns - Les femmes n'ont pas d'histoire

Jessica Moor - Les femmes qui craignaient les hommes

Joyce Carol Oates - Un livre de martyrs américains 

Elizabeth George - Pour l'ensemble de l'œuvre avec Barbara et Linley




vendredi 8 juillet 2022

Douce France




Le Progrès de Lyon en a fait ses gros titres: "Les époux Delhomme ont été assassinés". En 1951, les flics ont encore des vélos. L'inspecteur Michel qui pédale vers la scène de crime est la première énigme du roman de François Médéline. Il est en chasse avec trop d'élan pour coïncider avec l'ardeur bureaucratique de l'institution policière. Et les époux Delhomme avaient une fille, une fillette de 11 ans qui a disparu et dont l'inspecteur cherche la trace.




Sans qu'on puisse en dire trop sur ses motivations, ce flic est assurément le coup de maître de François Médéline. Davantage que le barnum sinistre de la Collaboration, c'est l'universalisme de la cruauté qui crache ses personnages.

Les larmes du Reich – François Médéline – 10/18 – 198 pages – 14,90€ - *** 
Lionel Germain 




jeudi 7 juillet 2022

Un cœur en peine


L'écriture est un mystère. La puissance romanesque échappe aux sciences dures qui voudraient s'aviser de mettre cette énigme à la merci d'un algorithme. Les ateliers d'écriture ne fabriquent pas des écrivains et le héros "absent" de Gwenaële Robert concentre toutes les vertus de cette fonction sans programme. 



Pierre Le Guellec, Prix Nobel de littérature, n'apparaîtra nulle-part, ni à Stockholm ni à Saint-Malo où la légende des "terre-neuvas" se confond avec la sienne. C'est une attachée de presse formée à la vieille école qui mène l'enquête sur cette disparition. Marie est liée à l'écrivain par un pacte secret. Son cœur en peine interroge les ressorts intimes qui transforment un homme en écrivain. Fuyez les mensonges biographiques, lisez les livres! 



Le Dernier des écrivains – Gwenaële Robert – Presses de la Cité Terre sombre – 208 pages – 20€ - *** 
Lionel Germain 




mercredi 6 juillet 2022

Einstein et le joueur de Go cosmique


Auteur du best-seller "Le problème à trois corps", mêlant pages d’histoire sur la Chine des années noires, conjecture scientifique et questionnement métaphysique, Liu Cixin, qui écrit depuis plus de trente ans, est finalement peu connu en France et dans le monde, même si Obama est allé le saluer à Pékin. 



Nombre de ses publications demeurent inédites, d’où l’événement que constitue la publication en français d’un premier volume de ses nouvelles. Des textes courts, jouant avec les codes, science ou fantaisie, maniant l’ironie dans l’hommage aux icones du genre, Arthur Clarke, Fredric Brown ou Jules Verne, ou de véritables petits romans, "Terre errante" par exemple, récemment adapté au cinéma dans le premier blockbuster chinois. 




Invités d’honneur de certaines de ces fictions, Stephen Hawking ou Einstein y tiennent un rôle et redisent leur questionnement angoissé sur le but de l’univers ou la possibilité d’une équation ultime. Si Dieu joue aux dés, ce n’est pas à notre manière à nous, occidentaux. Ici le tragique est empreint d’une petite touche de taoïsme.

L’Équateur d’Einstein - Liu Cixin - Nouvelles traduites du chinois par Gwennaël Gaffric - Actes Sud - 558 pages – 24,80€ - ***
François Rahier



 

mardi 5 juillet 2022

Une session en enfer



Dans ce vestibule, patientent "les âmes qui n'ont jamais fait la différence entre le bien et le mal". Les deux personnages du premier roman de Manfred Kahn, Victor et Josepha, n'ont en commun que la noirceur des souvenirs qui les piègent dans un petit village de montagne. Lui survit dans la permanence des ombres que le terrorisme a jetées sur sa vie; elle, est enchaînée à la violence de son mari. Des nuits de terreur policière au Maroc à la férocité des chasseurs du hameau, c'est l'enfer qui rythme ce magnifique voyage vers la lumière.



Le vestibule des lâches – Manfred Kahn – Rivages noir – 304 pages – 20€ - ***
Lionel Germain 




lundi 4 juillet 2022

Le chemin des sources


Tous les 13 janvier, Parme fête son protecteur Saint-Hilaire. Ou devrait le fêter, "parce qu'on a peur de nos souvenirs" dit le commissaire Soneri. Le héros de Valerio Varesi appartient davantage au passé de Parme qu'à son avenir. 


Quand le corps d'un homme assassiné refait surface sous le plus vieux pont de la ville, le commissaire prend tout naturellement le chemin vers la source, retrouve la froidure rebelle de la montagne, et s'immobilise dans un trou perdu des Apennins, bloqué par les intempéries. Sans loi sur les sentiers de contrebande, et sous la seule foi vacillante du curé du village, les nouveaux criminels ne respectent plus grand-chose. Le prêtre lui-même est assigné à ce paysage de brumes pour des raisons mystérieuses. 



Si Soneri manifeste une inquiétude profonde pour le changement de paradigme, il gratte néanmoins les ombres, délivre quelques vérités passagères avant de retourner à son propre crépuscule où s'insinue "une insupportable odeur de morgue". Pessimiste et rythmé par la nostalgie d'une Émilie-Romagne en train de disparaître.

La Main de Dieu – Valerio Varesi – Traduit de l'italien par Florence Rigollet – Agullo – 368 pages – 21,50€ - *** 
Lionel Germain



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version papier




vendredi 1 juillet 2022

Des fourmis dans les doigts


Tous les Bordelais amateurs de littérature policière connaissent Anselme Viloc, le sympathique et doux rêveur "flic de papier" de Guy Rechenmann. Préfacé par Didier Daeninckx, voici un surprenant pas de côté littéraire qui écarte provisoirement Anselme pour mettre en lumière Léonard, personnage secondaire de la série, dessinateur et médium dont on ignorait les ressorts intimes. Et c'est justement cette intimité du personnage que Guy Rechenmann explore en laissant la parole au narrateur. L'occasion pour nous de faire un voyage extraordinaire dans les années cinquante.



Avant d'être le petit "Neuilly" bordelais, Caudéran était un village. Tout un monde de petits commerçants assez fortunés s'emparait peu à peu du quartier au milieu du Vingtième Siècle. Parmi eux les parents de ce Léonard, dont le nom n'est que le pseudonyme attribué bien plus tard par l'institution policière, et toute cette bande d'amis qui fondent et animent les territoires de l'enfance. 





On les retrouve en culottes courtes, "Leonard", fils d'un VRP en confiserie, et son pote Lucien, fils unique d'un droguiste veuf, aussi opposés qu'inséparables, et surtout fascinés en cette année 1956 par l'arrivée d'une nouvelle famille dans le voisinage. 

Une famille italienne avec une fille Lucia dont le charme se brise sous un foulard dissimulant un bec-de-lièvre. En faisant le portrait de la belle inconnue, les doigts de "Léonard" ont frémi. Le pressentiment d'une malédiction accompagne ces exilés dont "Léonard" et Lucien vont passer la fin des années cinquante à déchiffrer le secret.

Si cette extravagante histoire de Lucia Fancini nous révèle un pan méconnu de notre histoire: le rôle important de la Grèce dans la lutte contre l'Allemagne nazie, elle ouvre aussi une parenthèse enchantée sur l'insouciance de l'après-guerre et l'impertinence joyeuse d'une enfance caudéranaise.

L'extravagante histoire de Lucia Fancini – Guy Rechenmann – Cairn – 262 pages – 10,50€ - ***
Lionel Germain