vendredi 31 mai 2013

Dernière saison à Nottingham

 
 
 Le roman noir chez John Harvey s'apparente à une quête d'indices comparables à ces symptômes que l'on gratte au scalpel pour identifier les racines de nos douleurs. Dans un mouvement contraire à celui des archéologues qui braquent leur lampe de poche dans un puits noir pour éclairer des civilisations disparues, Harvey fait remonter cette lumière sombre sous laquelle se révèle le grain ultime de ses personnages et des lieux où ils vivent.
 
 
 "D'ombre et de lumière" est le dernier volet d'une trilogie consacrée au policier Frank Elder. Après avoir mis sérieusement sa fille en danger en résolvant une affaire criminelle, il a pris sa retraite en Cornouailles et c'est à la demande de son ex-femme qu'il accepte de revenir à Nottingham pour essayer de localiser Claire, une femme disparue brusquement. On la retrouve assassinée d'une bien curieuse façon dans son propre lit.
 
 Pour Frank Elder, cette enquête sur des violences parentales est l'occasion d'un retour au Nottingham d'avant l'effritement des rêves et des possibles. L'époque où il forme une famille avec Joanne, sa femme, et Katherine, sa fille. Où il travaille sans succès sur un meurtre dont le modus operandi est le même que celui de Claire. De ce va et vient permanent entre plusieurs épisodes du passé émerge une nouvelle vision du monde, affligée par la puissance des déterminations.
 
D'ombre et de lumière - John Harvey - Rivages - 345 pages - 20 euros
Lionel Germain – d'après un article de Sud-Ouest-dimanche - Août 2008
 
 
 
John Harvey sur le site des éditions Rivages
 
 
 
 

jeudi 30 mai 2013

Crime de chant

 
 
 
 Le journaliste Norek a fait son apparition dans "Qui a tué l'ayatollah Kanuni". On le retrouve dans cette enquête iranienne alors que les interdits s'accumulent et que donner un concert est une provocation. Elle sera fatale à Roxana, la chanteuse de retour à Ispahan après un long exil américain. Comme dans le premier épisode, Naïri Nahapétian favorise l'immersion dans l'intimité de ses personnages et dévoile les perversions du régime incapable d'endiguer la corruption et les trafics en tous genres. Elle s'en explique avec beaucoup d'humour dans une courte intervention pour la librairie Mollat.
 
 
Dernier refrain à Ispahan - Naïri Nahapétian – Liana Levi – 220 pages – 15,50€ - **
Lionel Germain
 
 
Naïri Nahapétian pour la librairie Mollat (deux minutes sans pub sur Daily Motion)



mercredi 29 mai 2013

Atelier d'écriture





 
 Les années de plomb italiennes ont ranimé bien des débats en France quand Cesare Battisti a vu son immunité remise en cause. Le héros de cette série noire, Filippo Zuliani, est un délinquant ordinaire dont le chemin va justement croiser celui plus singulier des "politiques". Son évasion et son exil nous renvoient au souvenir de Battisti mais c'est la confusion des rôles qui passionne Dominique Manotti. En devenant écrivain, il refaçonne la mémoire collective et réinvente la partition d'une vie  dont la petite musique ne plait pas à tout le monde.
 
 
 
L'évasion – Dominique Manotti – Série noire Gallimard – 211 pages – 16,90€ - **
Lionel Germain



mardi 28 mai 2013

"Raconte pas ta vie"




 Quand Marcel Duhamel écrit ses mémoires au début des années soixante-dix, il s'empare d'une injonction que lui, créateur de la célèbre Série noire, aimait renvoyer aux auteurs de romans policiers (on ne disait pas encore "polar" à l'époque). "Raconte pas ta vie", elle n'intéresse personne. Raconte nous des histoires qui nous arrachent à la narcolepsie quotidienne.
 
 
 
 Sauf que certains écrivains n'ont pas de meilleures histoires à raconter que celles qu'ils ont vécues. Même si Sam Millar a prouvé le contraire en publiant les romans noirs aussi terribles que "Redemption Factory" ou "Poussière tu seras", sa biographie est un vrai polar ou un polar vrai.
 
 De cette haine paradoxale du catholique contre Dieu et les prêtres, forgée à l'heure où  l'église s'accommodait en silence de la mise à mort de Bobby Sands dans les geôles britanniques, à l'étourdissante virée américaine et ses dégâts collatéraux, il reste l'itinéraire d'un enfant perdu. Subissant la terreur de son père et la cruelle absence de sa mère, il découvre qu'il n'est qu'un "Taig", l'équivalent aux yeux des protestants de ce qu'est un nègre au pays de l'Oncle Sam.
 
 Les histoires de braquage finissent mal en général. Celle de la Brinks n'échappe pas à la règle et le rôle de l'auteur est sans doute contestable. Il n'empêche qu'une vie aussi rocambolesque ne pouvait échapper à Patrick Raynal, traducteur de Sam Millar pour les éditions du Seuil et ancien patron de la Série noire.
 
On the Brinks – Sam Millar – traduit de l'anglais par Patrick Raynal – Seuil – 368 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain



lundi 27 mai 2013

La mort en héritage


L'Espagne a connu l'hiver avant nous dans cette première moitié du vingtième siècle et sa saison froide a duré beaucoup plus longtemps que la nôtre. Le roman de Victor del Arbol nous ramène à cette paix armée trompeuse imposée par la dictature.
  
 

Deux femmes au cœur de la tourmente symbolisent la difficulté de solder l'héritage franquiste. La première, Isabel, a trompé son mari pour un espion du régime. Elle est arrêtée en 1941, au moment où elle fuyait au Portugal avec son fils de dix ans, Andres, le petit samouraï amoureux de sa maman. La seconde, Maria, est en 1976 une avocate contrainte de se séparer de Lorenzo, un mari violent membre des services de sécurité.
 



Alors que la dictature a basculé, un nouveau coup d'état se trame dans les premiers mois de 1981 et Lorenzo confie à son ex-femme un dossier d'où s'échappent de manière très concertée les mauvais génies du drame espagnol.
 
Si les femmes transmettent la vie, la mort moissonne avec entrain. Victor del Arbol construit des personnages dont la vérité reste intacte malgré le poids écrasant de l'Histoire. D'ailleurs, d'où vient-elle cette tristesse du samouraï? Empruntée à la double personnalité d'un guerrier japonais du XVIIème siècle qui avait peur de la mort et se prêta pourtant au rituel d'un suicide douloureux, elle accompagne la détermination du vengeur comme un symptôme d'enfance trahie.
 
La tristesse du Samouraï – Victor del Arbol – Traduit de l'espagnol par Claude Bleton – Babel noir – 475 pages – 8,70€
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 26 mai 2013
 
 
 
Cinquième titre sélectionné pour le Prix Polar Lire en poche Gradignan – Sud-Ouest 2013.
 
 
 
Lire aussi dans Sud-Ouest
 
 
 
 

vendredi 24 mai 2013

Chute des corps




 Pilote d'hélicoptère au Vietnam, Joe Cullen a massacré des femmes et des enfants sans trop se poser de questions sur les ordres qu'on lui donnait. Revenu à la vie civile, il trouve un job de convoyeur d'armes pour les contras et il assiste, en complice involontaire, à l'assassinat d'un prêtre contestataire qu'on balance en plein vol. C'est ce crime particulier qui lui est insupportable.
 
 
 
 Une prostituée l'éconduit après une première tentative de confession. Un vieux prêtre de New-York lui refuse aussi l'absolution parce qu'il ne croit pas en Dieu. Quant à la police, elle s'empresse d'enterrer l'affaire dont les prolongements pourraient compromettre de hauts responsables du gouvernement. Joe Cullen n'est pas un saint mais la rencontre avec le petit "padre" irlandais le mènera au martyre. Il se bat davantage pour se réconcilier avec sa conscience que contre la part d'ombre de l'Amérique.
 
 
 Écrivain progressiste et engagé, Howard Fast écrivit à plus de 75 ans ce superbe roman dont les accents métaphysiques font parfois songer à la "Puissance et la Gloire" de Graham Greene.
 
La confession de Joe Cullen – Howard Fast – L'Atalante février 1991 - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – mars 1991



jeudi 23 mai 2013

Beaux mecs





 Du cinoche en ouverture avec une scène qu'on se repasse parce qu'elle est huilée comme une bielle de locomotive à vapeur. 13 juin 1971 à Los Angeles, concert de Frank Sinatra. Pendant qu'un mafieux applaudit sur les derniers accords de Lady is a Tramp, une équipe de pieds-nickelés français lui dérobe une toile de maître. Rançon, cavale, espace temps lelouchien et collision quarante ans plus tard avec le destin d'un barman. C'est ficelé au cordeau.




Les ronds dans l'eau – Hervé Commère – Fleuve noir – 283 pages – 18 euros - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 12 juin 2011



Retrouvez les autres livres de Hervé Commère sur Black-Libelle.







mercredi 22 mai 2013

Abandon de caveau





 
 
 Née sous le signe du labyrinthe et des moissons,  le jeune lieutenant de police Ariane Messidor enquête "sur ce qui se passe derrière les apparences". La disparition d'une dépouille le jour de l'enterrement suscite une pléthore d'hypothèses. Le préposé des pompes funèbres jure qu'il a vu le défunt préférer la malle au cercueil. Il aurait lâchement fui ses funérailles comme on abandonne sa conjointe au moment des noces dans les comédies romantiques. Ariane déroule le fil de cet imbroglio avec une certaine grâce.
 
 
 
Never mort – Odile Barski – Le Masque – 283 pages – 6 euros - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 15 mai 2011
 
 
 
Never mort a été Masque de l'année 2011
 
 
Odile Barski, scénariste entre autres de Violette Nozière, a sa page sur Wikipédia.
 
 
Avant Never mort, Ariane Messidor avait été l'héroïne de deux autres aventures: (Site des éditions du Masque)
 
 



mardi 21 mai 2013

La trêve du confesseur





 
 
 Son frère est mort, c'est une certitude mais Erlendur continue d'interroger la montagne. Est-il seulement vivant, ce fantôme incapable de s'arracher aux ruines de son enfance? Sa prétendue soumission au réel est une feinte qui lui permet de gratter avec ses ongles à la recherche du moindre fragment d'os. Chaque enquête est un subterfuge pour continuer à renifler l'absence. La sentir, c'est se réduire soi-même à cette présence spectrale que le vent déplace sur le flanc muet des montagnes.
 
 
 
 
Étranges rivages – Arnaldur Indridason – Traduit de l'islandais par Éric Boury - Métailié – 300 pages – 19,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 19 mai 2013



lundi 20 mai 2013

La clé des songes

 
 
 La meilleure façon de frissonner, c'est de mettre une page de Fitzek devant l'autre et de recommencer. Oubliez les ambitions critiques du roman noir, ici c'est la trop humaine inconstance de l'âme qu'on interroge. Le cauchemar littéraire exige un décor sur mesure. Par exemple, une clinique psychiatrique au sommet d'une colline artificielle érigée au lendemain de la guerre avec les gravats des bombardements. Même ce quartier bien réel de Berlin se transforme sous la plume de Fitzek en réminiscence de film expressionniste.
 
 
 
 Au présent, un professeur explique à deux étudiants volontaires le cadre d'une expérience qui leur impose de lire le dossier médical d'un  patient. Cette lecture nous renvoie quelques années plus tôt dans cette clinique isolée du reste du monde par une tempête de neige. Caspar, le patient amnésique, se méfie de son psychiatre mais une menace plus grave surgit au cœur de la nuit. Débarqué d'une ambulance accidentée, voilà peut-être Le Briseur d'Âmes, un psychopathe dont le programme consiste à réduire les gens à l'état de légume sans blessure physique apparente. Mais qui est Caspar? Et à quoi rime cette expérience?
 
 
 
 Le prince allemand du train fantôme travaille le temps comme une pâte, jouant avec l'élasticité des peurs et la contraction brutale qu'elle inflige à nos nerfs. Un beau tour de manège.
 
Le briseur d'âmes – Sebastian Fitzek – Traduit de l'allemand par Penny Lewis – Livre de poche – 310 pages – 6,90€ -
Lionel Germain
 
 
 
Roman sélectionné pour le prix polar Lire en poche-Gradignan-Sud-Ouest 2013.
 
 
 
Lire aussi dans Sud-Ouest.



vendredi 17 mai 2013

Témoins coupables





 
 
 Le fait-divers a défrayé la presse new-yorkaise dans les années soixante. Ryan David Jahn en a reconstitué la chronologie. Une jeune femme est agressée par un délinquant sexuel devant son immeuble. Les témoins nombreux ont tous une bonne raison de rester passifs. C'est du moins ce que ce roman polyphonique permet de comprendre, les ressorts de l'impuissance et l'alchimie intime qui transforme en lâches des hommes et des femmes affectueux et honnêtes.
 
 
 
 
 
De bons voisins – Ryan David Jahn – Babel noir – traduit de l'américain par Simon Baril – 270 pages – 7,70 euros - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 11 mars 2012 pour l'édition grand format



jeudi 16 mai 2013

Mauvaise pioche




 
 
 
 
 Mehdi est tombé pour avoir passé de la dope à son frère en taule. A Saint-Denis, même sans passer tes exams de dealer, tu finiras par décrocher la case prison. Il suffit d'un peu de piston, un nom arabe, c'est un gros plus, et de la famille dans le "bizness". Pour le cimetière, on trouve aussi des parcours d'excellence. Piquer le magot d'un trafiquant notoire, par exemple. Rachid Santaki danse sur le ring pour oublier la mauvaise pioche.
 
 
 
 
Flic ou caillera – Rachid Santaki – Éditions du Masque – 275 pages – 16€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 12 mai 2013



mercredi 15 mai 2013

Noir et Blanc





 
 
 On a les héros qu'on mérite. Deux anciens trafiquants d'armes reconvertis dans le business de la sécurité symbolisent cette Afrique du Sud où l'arc-en-ciel a déserté les townships. Mace est blanc, Pylon est noir et les deux ont du mal à s'affranchir des méthodes qu'ils utilisaient autrefois. Mike Nicol jette un regard acide sur cette classe moyenne noire, bunkérisée à son tour, et dévoilant le faux nez de l'apartheid derrière lequel se cache la férocité des rapports de classe.
 
 
 
 
La Dette – Mike Nicol – Ombres Noires - Traduit de l'anglais par Estelle Roudet – 560 pages – 22€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 12 mai 2013



mardi 14 mai 2013

Roman moite





 
 
 Dans la langueur singapourienne, l'expatriation se caractérise par une grande fluidité affective. Elsa Marpeau y introduit le corps étranger désirable, l'Arabe blond, oxymore et symptôme d'une dissolution de cette société coloniale. A ses phrases qui se fragmentent sans jamais trouver la cohérence d'une œuvre, elle abandonne le soin de recomposer une histoire dédiée à "la chair entre horreur et beauté". Et c'est le singulier privilège du poète que de réenchanter les ténèbres.
 
 
 
 
 
L'expatriée – Elsa Marpeau – Série noire Gallimard – 258 pages – 17,90€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 12 mai 2013



lundi 13 mai 2013

Chauds, les glaçons!




M.J. McGrath a choisi L'île de Craig, au nord du cercle arctique, pour cadre de ses intrigues policières.
 
 
 Alcoolique repentie, divorcée d'un mari porté sur la bouteille, son héroïne de la communauté inuite, Edie Kiglagut, se partage entre des activités de guide et un poste d'enseignante à mi-temps où elle se préoccupe davantage d'apprendre à ses élèves le dépeçage des phoques que le maniement de la langue anglaise. Au cours d'une expédition, la mort "accidentelle" d'un touriste atteint d'une balle et la disparition d'un autre en pleine tempête de neige, vont provoquer la tentative de suicide de Joe, son beau-fils, coresponsable du raid. Malgré une overdose suspecte, le Conseil des Anciens aimerait enterrer l'affaire. Il n'y-a d'ailleurs qu'une brigade de deux policiers indigènes sur un territoire aussi étendu que la Grande Bretagne.
 
 Rien n'est idyllique dans la gestion des Anciens. Alcoolisme, chômage, indifférence calculée d'Ottawa, M.J. McGrath nous parle d'un monde dont la disparition est programmée, et derrière l'affaire criminelle, se dessine le roman noir d'un peuple condamné à sombrer avec le dernier ours. Parce que le réchauffement climatique désormais indiscutable n'attire pas que les touristes. Les multinationales pistent de mystérieux astroblèmes, trous de météorites censés masquer l'emplacement des meilleurs gisements de gaz. Le feu couve sous la glace.
 
Chaleur blanche – M.J. McGrath – Pocket thriller – 480 pages – 7,60€ -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 12 mai 2013
 
 
Roman sélectionné pour le prix polar Lire en poche-Gradignan-Sud-Ouest 2013
 
 
Lire aussi dans Sud-Ouest.



vendredi 10 mai 2013

Les oreilles du diable





 L'Espagne franquiste dans les années soixante. Un couple de Suédois s'est installé sur les hauteurs d'un village de pêcheurs. Un exilé allemand les a rejoints et ils forment une communauté paisible, intégrée en apparence à la population misérable qui survit d'une pêche artisanale.

 
 
 Jusqu'au jour où la jeune femme est violée et son compagnon assassiné. Après le classement de l'affaire, ne reste que l'Allemand,  étrangement absent à lui-même et pourtant convaincu que la seule justification de son existence consiste à venger la mort de ses amis. L'énigme de ce personnage est inscrite dans les non-dits qui lui ont permis de survivre aux horreurs de sa propre guerre.
 
 Dès le premier chapitre, Per Walhöö nous offre une séquence dialoguée absolument fabuleuse entre le sergent de la garde civile et ce peintre allemand à la dérive. Ce garde civil qui jouera un rôle décisif dans le scénario noir de l'exilé est d'une vérité surprenante. A la fois rouage de la dictature et père de famille empathique et humain, il symbolise cette terreur assoupie sous la canicule mais dont chaque sursaut est d'une mortelle efficacité. Les dernières scènes d'interrogatoire avec le sergent sont d'une âpreté magnifique.
 
 L'Allemand n'est pas un taiseux de circonstance cher au polar contemporain, c'est un condamné à mort qui s'abandonne aux oreilles du diable. Un très grand roman noir.
 
Le camion – Per Wahlöö (1962) – Rivages – Traduit du suédois par Philippe Bouquet – 366 pages – 9,65€ - ***
Lionel Germain



jeudi 9 mai 2013

Court-métrage





Petite friandise offerte (presque) aux voyageurs du métro, aux usagers du TER ou des TGV, les petits polars du Monde fabriquent du court-métrage de luxe. Daeninckx se permet même une reconstitution historique dans le décor de rêve de la Riviera française. Mafieux, gestapistes et collaborateurs vivent leurs derniers moments de bonheur dans les palaces. La Bugatti d'un journaliste dévertébré chavire avec sa belle mais c'est tout un monde qui fait naufrage.





Les négatifs de la canebière – Didier Daeninckx – Illustration de Loustal – Les petits polars du Monde/ SNCF – 60 pages – 2€ - **
Lionel Germain



Le dernier roman de Didier Daeninckx, Têtes de Maures, vient de paraître aux éditions de L'Archipel.




mercredi 8 mai 2013

Barbaque





 
 
 Au cours d'une scène de torture, un militant de l'IRA va mourir pour une trahison qu'il n'a pas commise. Vingt ans plus tard, un ange gardien assez inquiétant veille sur le fils qu'une famille de cinglés a embauché dans ses abattoirs. Le ruissellement de la barbaque n'y évoque jamais la promesse d'un festin mais la menace d'une fureur sans merci. Violence et rédemption ne sont pas de vains mots pour l'auteur, ancien taulard, dont le parcours chaotique raconté dans "On the Brinks" (Seuil) donne un excellent scénario de polar.
 
 
 
Redemption factory – Sam Millar – Fayard noir – 330 pages – 19 euros - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 13 février 2011



mardi 7 mai 2013

Police du chiffre





 
 
 Ça sonne forcément juste quand Olivier Norek nous emmène en salle d'autopsie. Il est flic comme son héros, Victor Coste, capitaine de police au groupe crime du SDPJ 93.  Et c'est en vrai romancier qu'il nous raconte l'improbable résurrection sur la table du légiste d'un grand Black halluciné tout droit sorti d'un polar de Chester Himes. Une vingtaine de disparitions mystérieuses regroupées sous le nom de code 93 empoisonnent les statistiques. C'est du brutal.
 
 
 
 
Code 93 – Olivier Norek – Michel Lafon - 363 pages – 18,95€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 5 mai 2013



lundi 6 mai 2013

Mémoire d'os




 Les éditions du Seuil viennent de publier "On the Brinks", le récit autobiographique de Sam Millar. Après quoi, on comprend mieux l'origine de cette violence nord-irlandaise. Des geôles britanniques réservées aux têtes brûlées de l'IRA au casse de la Brinks à New-York, elle percute le lecteur de "Redemption Factory".
 
 
 
 Patrick Raynal, ex-patron de la Série noire, a traduit et révélé cet auteur chez Fayard avec "Poussière tu seras". Loin du polar lambda sur la disparition mystérieuse d'un adolescent de 14 ans, Adrian Calvert, le roman installe dès les premiers chapitres une ambiance poisseuse dans un décor à la Tim Burton.
 
 Deux barbiers de Belfast distribuent les frissons à l'ouverture, Joe Harris l'homme au coupe-chou, et Jeremiah, éborgné à la naissance par une sage-femme un peu pompette et inexpérimentée. Ces deux là n'ont pas que des bonbons à offrir aux enfants sages. Un héros bancal, Jack Calvert, ex flic et peintre amateur, essaie de racheter un passé d'ivrogne en retrouvant son fils. Lequel ramasse des fragments d'os dans les bois comme on va aux champignons, pendant que Judith, la femme toxicomane de Jeremiah, inflige des sévices d'une rare cruauté à son cher époux.
 
 Leurs secrets ont tous un rapport avec ce mélange de culpabilité et de perversion sexuelle conçue dans la moiteur d'un confessionnal de préférence assez proche d'un pensionnat. Ce qu'on pourrait appeler la malédiction irlandaise.
 
Poussière tu seras – Sam Millar – Traduit de l'anglais par Patrick Raynal – Points Seuil – 350 pages – 6,60€
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 5 mai 2013
 
 
Deuxième auteur sélectionné pour le prix polar Lire en poche-Gradignan Sud-Ouest 2013
 
 
 
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