vendredi 10 mai 2013

Les oreilles du diable





 L'Espagne franquiste dans les années soixante. Un couple de Suédois s'est installé sur les hauteurs d'un village de pêcheurs. Un exilé allemand les a rejoints et ils forment une communauté paisible, intégrée en apparence à la population misérable qui survit d'une pêche artisanale.

 
 
 Jusqu'au jour où la jeune femme est violée et son compagnon assassiné. Après le classement de l'affaire, ne reste que l'Allemand,  étrangement absent à lui-même et pourtant convaincu que la seule justification de son existence consiste à venger la mort de ses amis. L'énigme de ce personnage est inscrite dans les non-dits qui lui ont permis de survivre aux horreurs de sa propre guerre.
 
 Dès le premier chapitre, Per Walhöö nous offre une séquence dialoguée absolument fabuleuse entre le sergent de la garde civile et ce peintre allemand à la dérive. Ce garde civil qui jouera un rôle décisif dans le scénario noir de l'exilé est d'une vérité surprenante. A la fois rouage de la dictature et père de famille empathique et humain, il symbolise cette terreur assoupie sous la canicule mais dont chaque sursaut est d'une mortelle efficacité. Les dernières scènes d'interrogatoire avec le sergent sont d'une âpreté magnifique.
 
 L'Allemand n'est pas un taiseux de circonstance cher au polar contemporain, c'est un condamné à mort qui s'abandonne aux oreilles du diable. Un très grand roman noir.
 
Le camion – Per Wahlöö (1962) – Rivages – Traduit du suédois par Philippe Bouquet – 366 pages – 9,65€ - ***
Lionel Germain