samedi 28 décembre 2019

Ondes de choc-Polar Express






Ondes de choc – Jack O'Connell – traduit de l'américain par Gérard de Chergé – Rivages noir – 528 pages – 10,70€ - réédition de "La mort sur les ondes" paru en 1994 sous une autre traduction



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samedi 21 décembre 2019

Frères ennemis colombiens


Après la Nouvelle Zélande, l'Afrique du Sud et l'Argentine, c'est en Colombie que Caryl Férey a posé son sac. Malgré l'accord conclu avec les FARC par Uribe, le jeu politique est toujours dominé par la "Violencia".
  




On la retrouve dans "Paz" sous la forme épurée d'une "tragédie familiale". Saul Bagader est le Procureur de la Fiscalia. Issu d'une famille d'éleveurs propriétaires terriens proche d'Uribe, il est en première ligne contre les "narcos" et a contribué à en finir avec le système des "faux positifs", trafic de primes distribuées aux miliciens fournisseurs de cadavres de guérilleros. 




Associé à ce père tout puissant, Lautaro Bagader, à la tête d'une brigade d'élite de Bogota enquête sur une série de meurtres qui reproduisent les horreurs de la "Violencia". Seul rescapé d'une unité des Forces spéciales opposées au Front 26 des FARC, il est aussi en première ligne contre son propre frère, Angel, un ancien des FARC, libéré sous une identité d'emprunt après avoir été condamné tous les jours à un simulacre d'exécution.

Des femmes magnifiques, une jeune travailleuse sociale impliquée dans la réinsertion des miliciens démobilisés et une journaliste d'investigation, accompagnent le combat à distance des deux frères. Caryl Férey nourrit sans faiblesse plus de cinq cents pages d'une densité exceptionnelle et nous plonge jusqu'aux racines d'un des systèmes les plus inégalitaires au monde.

Paz – Caryl Férey – Série noire Gallimard – 536 pages – 22€ - ****
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 15 décembre 2019



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vendredi 20 décembre 2019

Féminicides




Inspiré d'un fait-divers, le roman de Liam McIlvanney nous renvoie en 1969 dans la grisaille de Glasgow. Des femmes meurent assassinées par un "gentleman" que de rares témoins décrivent sous un jour flatteur. Ce beau garçon est rebaptisé le "Quaker" pour sa manie de citer la Bible. Il est le signe trompeur d'une ville qui se délabre en cherchant à sauver les apparences. La mafia rôde sur les décombres industriels. Les hommes mauvais mènent le bal, et hélas, comme toujours, à la fin ce sont les femmes qui meurent.



Le Quaker – Liam McIlvanney – Traduit de l'anglais par David Fauquemberg – Métailié – 400 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 1er décembre 2019



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jeudi 19 décembre 2019

Le Mythe revisité





Depuis le film tiré de son premier opus, avec Tom Cruise et Brad Pitt, excusez du peu, Anne Rice est devenue LA référence en littérature vampirique. Mais de qui ou de quoi Lestat est-il le nom? Ce dandy bisexuel né au XVIIIe, et qui flirte de nos jours avec le Death Metal, est-il le fils spirituel de Dracula, un démon issu d’une création parallèle, ou la métaphore des angoisses de l’homme contemporain?





Prince Lestat - Anne Rice - Traduit de l'américain par Éric Betsch -  J’ai lu - 699 pages – 9,40€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 4 février 2018





mercredi 18 décembre 2019

Du plomb dans l'aile


Pascal Dessaint vit à Toulouse mais il est resté fidèle à cette région du Nord qui l’a vu naître. Il lui rendait hommage dans "Le chemin s'arrêtera là". Un mélange de fascination pour la beauté de ses paysages et de colère pour le saccage auquel les hommes la condamnent.



Dans son dernier roman, Anatole y est un personnage de chasseur hypothétique. Il a épuisé ses rêves d’hécatombe en les réduisant à des figurines d’oiseaux sculptés dans le bois. Son territoire est composé d’un mobile home, d’une cabane à frites désossée et d’une belle caravane. Ça diffuse une mélodie douce-amère esquissée sur les accords mineurs d’un jazz manouche. Le vieil Anatole s’accorde au vagabond Loïk en escale dans la cabane à frites qu’il a retapée. 




La narratrice, Lucille, institutrice dévouée aux hommes échoués sur ce rivage du nord, donne le tempo de cette petite musique de nuit. Préoccupée par les naufragés de l’exil, elle est la troisième locataire de ce hameau fragmenté par la menace d’un autre monde, ordonné, besogneux et sous surveillance. 

C'est dans ce décor que Pascal Dessaint ravaude les destins tragiques de son trio. Les hiboux nichent à proximité des dunes, l’amitié d’un flic n’est pas une promesse de bonheur, et surtout, comme les derniers oiseaux du littoral, les rêves de liberté ont pris du plomb dans l’aile. 

L'horizon qui nous manque – Pascal Dessaint – Rivages – 220 pages - 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 1er décembre 2019



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mardi 17 décembre 2019

Alger rouge sang



Comment échapper à la lancinante rengaine des Tornados après avoir refermé le livre de Stéphane Keller? L'intrigue démarre quelques années plus tôt, bien avant le lancement du premier satellite dédié au projet Telstar. En décembre 1956, l'Algérie est en proie à la violence. Dans ce chaos révolutionnaire, des jeunes filles sont tuées de façon suspecte. On retrouve les personnages de "Rouge parallèle", le capitaine Jourdan, Norbert, l'apprenti flic, et surtout le très inquiétant colonel Hollyman en charge de troubler les cartes et les pistes.



Telstar - Stéphane Keller – Toucan noir – 456 pages – 15€ - ***
Lionel Germain




lundi 16 décembre 2019

Flic de nuit



Les flics de nuit animent symboliquement un certain romantisme noir. Au cinéma, l'un des plus emblématiques de cette race de chasseurs est le Bad Lieutenant d'Abel Ferrara auquel Harvey Keitel prête son charme ambigu. Le héros de Joseph Knox, l'inspecteur Aidan Waits, est apparu une première fois dans "Sirènes". Les nuits de Manchester sont aussi dangereuses que les nuits américaines. Après la découverte d'un corps mutilé dans la chambre d'un palace désaffecté, Aidan Waits côtoie les spectres qui rôdent autour de sa propre enfance.  




Chambre 413 – Joseph Knox – Traduit de l'anglais par Fabienne Gondrand – Le Masque – 384 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 novembre 2019



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samedi 14 décembre 2019

Face au récif




Lascar fait le bateau-taxi pour emmener les surfeurs de passage à la rencontre de la "Vague". On est sur la presqu’île de Tahiti et la vague en question est un prédateur sans rival. Ingrid Astier nous décrit la fable nocturne du mirage polynésien. L’arrivée de Taj, sportif arrogant venu se mesurer au monstre va révéler une civilisation en péril, menacée par l’abandon des traditions et par l’autre vague, de drogue et d’alcool, qui submerge les consciences.




La vague – Ingrid Astier – Equinox  Les Arènes – 416 pages – 20€ - ***
Lionel Germain




vendredi 13 décembre 2019

Réchauffé





Polar chinois à l'américaine qui a la malchance (sans qu'on puisse en imputer la faute au traducteur Hubert Tézenas) d'être la version anglaise du chinois. Premier tome d'une trilogie, le texte ne passionne guère par son intrigue à tiroirs où un flic enquête sur la résurgence d'un "cold case" de meurtres en série dans la ville de Chengdu. Reste l'aspect documentaire sur la police chinoise.




Avis de décès – Zhou Haohui – Traduction établie par Hubert Tézenas à partir de la version en anglais – Sonatine – 352 pages – 21€ - *
Lionel Germain




jeudi 12 décembre 2019

Baleine blanche





Buveur assidu et lecteur impénitent d’Hemingway dont "Le Vieil homme et la mer" est toujours à portée de sa main, Murray a cru voir un jour une baleine au fond du lac d’Annecy. Persuadé qu’il ne faut jamais abandonner ses rêves, et prendre le temps de regarder pour voir vraiment, il persiste et signe et s’attire bien sûr maint quolibet. Un petit chef d’œuvre de poésie et d’humour, aux lisières du fantastique.




La Baleine du lac d’Annecy - par Jean-Marie Gourio - Papillon/Julliard - 152 pages - 14€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 mai 2018




mercredi 11 décembre 2019

Pastorale





Armand Gamache, jeune retraité de la police du Québec, enquête pour une femme peintre dont le mari a disparu dans la petite commune de Three Pines, véritable havre de paix à laquelle contribue la vie routinière des habitants. C'est dans cette peinture des paysages bucoliques que Louise Penny est au meilleur de la littérature. 






Un long retour – Louise Penny – Traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul gagné – Actes Sud – 432 pages – 23€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 17 novembre 2019



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mardi 10 décembre 2019

Père et fille





Le père est flic, la fille est journaliste. L'un est soupçonné d'avoir truqué une enquête pour coller en prison le suspect idéal, l'autre fouine sur une affaire de meurtre. Et même si on peut s'étonner des liens qui apparaissent entre les deux affaires, on est séduit par la présence de ces deux personnages à peine plus compliqués que la moyenne d'entre nous. En Norvège, la pluie d'automne est vraiment un antidépresseur. 




Les chiens de chasse – Jorn Lier Horst – Traduit du norvégien par Hélène Hervin - Folio – 464 pages – 8,40€ - ***
Lionel Germain





lundi 9 décembre 2019

Panier perché





Pourquoi les “nègres” se traitent-ils de “nègres”? Dans ce roman où le personnage principal évoque celui du "Bûcher des vanités" de Tom Wolfe, la question est centrale. Patron charismatique propriétaire d'une équipe de Basket, Jay Gladstone condense les haines d'une Amérique fracturée à l'extrême. Difficile de ne pas accepter cette "mécanique de la chute" individuelle comme une métaphore d'un effondrement plus général. 




Mécanique de la chute – Seth Greenland – Traduit de l'américain par Jean Esch – Liana Levi – 672 pages – 24€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 17 novembre 2019



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samedi 7 décembre 2019

Mauvais vents du Nouveau Monde


La "tempête" de James Ellroy est une lessiveuse dans laquelle bouillonne le linge sale de l'Amérique. Alors que la Californie agonise aujourd'hui sous les flammes, la nuit de la Saint Sylvestre 1941, des trombes d'eau s'abattent sur une ville réinventée. Los Angeles est un mirage. On y voit flotter les ombres d'une légende dont Ellroy garnit la trame avec les fils noirs du réel sans jamais laisser ses personnages de fiction démériter devant les poids lourds de la grande Histoire.



On retrouve par exemple Dudley Smith, Sergent du LAPD, déjà présent dans plusieurs épisodes du premier Quatuor. Dans une fumerie d'opium de "Perfidia", il revisite son parcours au cœur de la violence séparatiste des années vingt à Dublin avec Joe Kennedy. Celui-ci évoque la prospérité des entrepreneurs du crime grâce à la Prohibition avant de lui affirmer: "Je peux te faire entrer dans la police. Tu pourras baiser des vedettes de cinéma"





Quand la "Tempête" jette ses premières bourrasques le 31 décembre 1941, Dudley Smith le survivant trinque à cette nouvelle année avec des archevêques érotomanes et racistes. L'un reluque sa compagne, l'autre le serveur, tandis qu'un troisième alimente la tribune de haine contre "les rouges et les youpins".
  
Les femmes ont encore droit aux premiers rôles avec l'insoumise Kay Lake, la fille qui défilait avec les socialistes avant de vouloir s'enrôler en vain dans les Marines. Son journal est toujours la clé de voute de ce second volet. Avec également la surprenante Joan Conville, ancienne infirmière de nuit et désormais chimiste médico-légal du LAPD. Elle fonce à travers la pluie à "son rendez-vous avec l'Histoire".
  
Los Angeles n'est pas un lieu de hasard. On y a inventé le mensonge industriel. On y a fabriqué le mythe d'une Amérique puissante et sûre de ses valeurs. Dans une intrigue de polar, on poursuit les tueurs. Chez Ellroy, les justiciers sont des mercenaires sans scrupules appointés par une mafia galonnée dont Dudley Smith est l'un des parrains. Le vrai sujet, c'est cette ville qui crache les vivants et les morts dans un torrent de boue, qui usine le rêve avec des dormeurs au bord de l'overdose. Ellroy pratique le dépeçage organisé du récit officiel, et c'est une magnifique leçon de littérature porteuse des mauvais vents du Nouveau Monde.

La tempête qui vient – James Ellroy – Traduit de l’américain par Sophie Aslanides et Jean-Paul Gratias – Rivages noir – 398 pages – 24,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 novembre 2019



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vendredi 6 décembre 2019

Guerre de l'ombre




Il existe de multiples façons de raconter la grande Histoire. L'idée même de "raconter" suggère la réorganisation des faits historiques à la sauce romanesque. Et Dan Fesperman en reporter aguerri n'oublie jamais ses personnages pour éclairer ce mois de février 1942 à New-York. A travers les yeux d'un jeune flic et d'un mystérieux écrivain public, on découvre les manigances des défenseurs de l'Allemagne nazie. Excellente fiction au cœur du réel.




L'écrivain public – Dan Fesperman – Traduit de l'américain par Jean-Luc Piningre – 10/18 – 500 pages – 8,80€ - *** 
Lionel Germain




jeudi 5 décembre 2019

Juste la fin du monde





La Guerre après la dernière guerre - Benedk Totth - Traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Husvai et Charles Zaremba - Actes Sud - 208 pages - 21,50€ - *****

François Rahier - Sud-Ouest dimanche - 3 novembre 2019




Vintage fiction





Il fit partie des obscurs, des sans grades, sans lesquels la SF ne serait pas ce qu’elle est. Auteur-phare des pulps des années 40, il a été le premier américain à être publié chez nous dans la mythique collection "Anticipation" du Fleuve noir. Avec ses histoires de savants barges et de réalité truquée, ce recueil éveille en nous le bon vieux "sense of wonder" lié à l’âge d’or du genre.





Un rat dans le crâne - Rog Phillips - Nouvelles traduites de l’américain par Martine Blond et Richard D. Nolane - L’Œil du Sphinx - 132 pages - 10€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 28 janvier 2018





mercredi 4 décembre 2019

Voix du saigneur



Mystère d'une voix prisonnière de la petite boîte et qui pourtant suggère une évasion hors des représentations de l'image, fantasmes provoqués par les chuchotements suaves à l'heure bleue quand l'auditeur bascule entre deux mondes, la radio interroge cette part de l'ombre qui fascine aussi les écrivains. De l'autre côté de la ligne, un type perd les pédales et rétablit la donne en ajoutant son absence à l'autre. La peur naît de cette rencontre entre la voix du fantasme ordinaire et celle du psychopathe qui utilise le téléphone pour torturer sa victime. Radio Panique de Stuart Kaminski (Série noire) jouait sur ce registre et avec "La Mort sur les ondes" de Jack O'Connell, les éditions Rivages proposent une nouvelle version d'un thriller de 1994 sur l'univers de la radio.




Un fou du F.B.I. a juré de démasquer pour les faire périr par le feu les groupuscules anarchistes qui piratent régulièrement les stations officielles. Le flic fou cauchemarde sur l'absence de sa femme à laquelle il écrit de longues lettres qu'elle ne lira jamais. L'absence d'ailleurs est au centre de ce roman dont l'héroïne, l'inspecteur Hannah Shaw, semble une créature de Lenore, l'héroïne d'un roman précédent de O'Connell, "B.P.9". 




Lenore, flic également à la brigade des stups, a disparu et Hannah se projette en elle à travers le journal qui lui parvient par bribes. Mise en abîme et jeux de miroir aux reflets trompeurs, voilà un roman passionnant sur la liberté d'expression et la quête identitaire.

Ondes de choc – Jack O'Connell – traduit de l'américain par Gérard de Chergé – Rivages noir – 528 pages – 10,70€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – Juin 1994 et 17 novembre 2019



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mardi 3 décembre 2019

Fin de série





Avec ce dernier épisode que Lagercrantz s’était promis d’écrire, on retrouve évidemment Lisbeth et Blomkvist, les héros de Stieg Larsson, mais ils sentent beaucoup moins le soufre qu’au départ. L’enquête sur un SDF amputé de ses doigts et orteils nous hisse au sommet glacé de l’Himalaya, et le thriller lui aussi reste malgré tout au-dessus de la moyenne.  






Millénium 6 – La fille qui devait mourir – David Lagercrantz – Traduit du suédois par Esther Semarge – Actes Sud – 368 pages – 23€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 3 novembre 2019



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lundi 2 décembre 2019

Grand noir canadien





Maud Tabachnik a écrit plus d’une trentaine de polars pionniers pour leur casting féminin. Dans ce dernier roman, c’est une femme profileuse qui tient la vedette. Lou Grynspan travaille pour la police canadienne dans la petite ville de Woodfall. L’ouragan a mis dehors quatre détenus, violeurs, pédophiles et assassins désormais en cavale.  Grand Nord très noir et gros frissons.





Jours de glace – Maud Tabachnik – City éditions – 322 pages – 19,50€ - **
 Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 3 novembre 2019



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