lundi 24 décembre 2018

La Maison du Pain



Oublions un instant, voulez-vous, les turpitudes victoriennes de Londres où malgré les efforts de Thomas Pitt et de William Monk, le crime est triomphant. Il est l'heure de céder une nouvelle fois à la magie de Noël avec cette petite friandise d'Anne Perry à savourer dans la lumière déclinante de décembre. 




A l'aube du vingtième siècle, un couple vieillissant s'offre une escapade en Palestine. Il y rencontre un astronome qui lui laisse un fragment de parchemin avant de se faire assassiner. C'est un polar mais le ciel allume tous ses feux pour éclairer la route vers Jérusalem. Beit Lechem, la "maison du pain" en hébreu, c'est là dans la Via Dolorosa que le couple doit porter le précieux document. Au cœur d'un monde menaçant, il y a cette étoile dont les hommes n'ont cessé de trahir la promesse. Joyeux Noël.




Un Noël à Jérusalem – Anne Perry – Traduit de l'anglais par Pascale Haas – 10/18 – 160 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain




vendredi 21 décembre 2018

Noir sauce piquante






Fondu au Noir, c'est au départ une association nantaise constituée de passionnés de cinéma. Ils ont désormais élargi le champ de leurs investigations en direction de la littérature, celle qu'on qualifie de "genre" avec un petit sourire en coin. Le vaisseau amiral de ce groupuscule s'appelle "L'Indic". Une belle revue papier consacrée au polar d'Asie dans sa dernière livraison. 




L'Indic 35 (décembre à février) – Association Fondu au Noir – 48 pages – 7€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 décembre 2018




jeudi 20 décembre 2018

Aventures picaresques






Au XXIIIe siècle, la Compagnie solaire des épices et liqueurs entend bien défendre ses intérêts parmi les requins du business interstellaire. À sa tête, un infatigable bourlingueur de mondes, roi du négoce, roi des roublards, dont les exploits étaient encore inédits en français. Dépaysement assuré signé par un maître du space opera, ici plus près de Falstaff que de la Guerre des étoiles… 




Aux comptoirs du cosmos - Poul Anderson - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Daniel Brèque - Le Bélial’- 267 pages - 20€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 9 juillet 2017




mercredi 19 décembre 2018

A temps perdu






Tracy, flic de Seattle, revient à Cedar Grove où vingt ans plus tôt sa sœur Sarah a disparu. On finit par redécouvrir son corps, et le suspect condamné pourrait bien ne pas être le vrai coupable. Grâce à ce personnage de femme indépendante, l'intrigue sans grande originalité est néanmoins efficace pour combler les deux heures entre Paris et Bordeaux.






Le dernier repos de Sarah – Robert Dugoni – Traduit de l'américain par Hélène Amalric – Pocket – 576 pages – 8,30€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 décembre 2018




mardi 18 décembre 2018

Police politique




Le roman de David Young nous ramène plus de trente ans en arrière dans le monde glacé de l'ère soviétique où les frontières de l'empire traversaient la ville de Berlin. Indépendante et parfois en conflit avec le "Grand Frère", l'Allemagne de l'Est ne cultivait guère sa différence en matière de sécurité. Karin Müller, l'héroïne séduisante de David Young mène une enquête difficile sur des disparitions de nouveau-nés. La recherche de la vérité en pays totalitaire est une blague dont les auteurs émargent à la Stasi, la police politique. La seule vraie police, donc. Une reconstitution passionnante.




Stasi Block – David Young – Traduit de l'anglais par Françoise Smith – 10/18 – 384 pages – 7,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 décembre 2018




lundi 17 décembre 2018

Irish Coffin






Dante, pianiste toxicomane, et Cal, ancien flic alcoolique, forment un duo de personnages tellement usés par la littérature policière qu'il est difficile de convaincre les lecteurs du caractère singulier et pourrait-on dire essentiel de cet épisode consacré au Boston des années cinquante. Une incursion brillante dans les racines de la violence irlandaise.





Les brûlures de la ville – O'Malley et Purdy – Traduit de l'américain par François Rosso – 10/18 – 328 pages – 8,80€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 décembre 2018




vendredi 14 décembre 2018

Rugby d'honneur






Claudio Fava, député italien dont le père a été assassiné par la mafia, revient sur un épisode tragique de la dictature argentine en 1978. Comment mieux comprendre l'arbitraire de cette violence qu'en suivant l'épopée minuscule d'un championnat de rugby? Après l'assassinat politique d'un joueur, l'organisation exemplaire de la résistance.







Silencios – Claudio Fava – Traduit de l'italien par Dominique Manotti et Alexandre Bilous – J'ai Lu – 128 pages – 5€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2 décembre 2018




jeudi 13 décembre 2018

Mystères de l'Ouest






En 1876 Ulysse Grant termine son deuxième mandat à la tête des USA. Au cours d’un déplacement en Illinois il échappe de justesse à un attentat, grâce à l’intervention d’un jeune agent de sécurité du formidable complexe que le président s’apprêtait à visiter, deux immenses tours jumelles venues d’un futur incertain. Un savoureux mélange de polar et d’histoire, à la sauce steampunk.




La Cité du futur - Robert Charles Wilson - Traduit de l’anglais (Canada) par Henry-Luc Planchat - Lunes d’encre/Denoël - 367 pages - 22€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 2 juillet 2017




mercredi 12 décembre 2018

Presse papier




C'est une histoire de délai. Dans le monde de la presse, c'est souvent une obsession. On dira la "dead line" pour faire chic, ce qui n'est pourtant pas la préoccupation première d'Einar, le journaliste inventé par Thorarinsson. Il a treize jours pour trois défis: rejoindre son amie banquière en fuite, accepter de devenir le patron de son journal et résoudre l'affaire de cette jeune lycéenne assassinée dans un parc. La densité de l'intrigue laisse peu de répit au lecteur aspiré dans les bas-fonds pervers d'une île apparemment si calme.



Treize jours – Arni Thorarinsson – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Métailié – 304 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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mardi 11 décembre 2018

Secrets d'alcôve






Dans ce dix-septième siècle où triomphe une raison d'état totalement confondue avec la déraison intime d'un monarque absolu, Louis Fronsac, fils de notaire et enquêteur perspicace, est une invention aussi vraie que le monde des secrets d'alcôve animé par Jean D'Aillon depuis plus d'une dizaine d'années. Parricides et maîtresses fatales sont à l'affût dans les couloirs du palais.





Menaces sur le roi – Jean d'Aillon – 10/18 – 192 pages – 6,60€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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lundi 10 décembre 2018

Sans dent dansant



Impression soleil levant au sud de la frontière mexicaine. Jedidiah Ayres, fils de pasteur texan, a davantage été bercé par les variations de Peckinpah sur la "Horde sauvage" ou "Les Chiens de paille" que par la douceur évangélique du Nouveau testament. "Les Féroces", premier roman traduit en français, est titré en référence à un groupe de prostituées assignées à résidence dans un bordel du désert mexicain. Les hommes de main d'un patron de la mafia y cuvent leur ennui et mènent un étrange ballet à coups de batte de base-ball. Quand les femmes se révoltent, chacun compte ses dents.



Les Féroces – Jedidiah Ayres – Traduit de l'américain par Antoine Chainas – Equinox Les arènes – 126 pages – 9,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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vendredi 7 décembre 2018

Quelques nouvelles de la nuit



Vous les avez déjà rencontrés. Trois héros qui ont défrayé la chronique littéraire à plusieurs reprises. Quand John Harvey nous donne de leurs nouvelles, un sentiment familier ravive le souvenir. Charlie Resnick, Jack Kiley et Frank Elder sont des personnages que leur humanité rassemble et qui peuvent même se croiser sur la page l'espace d'une intrigue mais conservent leur propre épaisseur et leur propre tempo. 





Par exemple, à l'inverse de Resnick et Elder, Kiley n'est pas un héros de roman. John Harvey l'a conçu pour de brèves apparitions, "une petite enquête et puis s'en va." C'est un ancien flic, ancien joueur de foot. Après la police et les crampons, il s'est reconverti en "privé". On le reconnait dans les bars, sa clientèle appartient au milieu du sport, sa compagne provisoire, Kate, est journaliste. 





On le suit à travers quatre moments de sa carrière d'enquêteur: une joueuse de tennis victime de chantage, une jeune prostituée menacée par un ex brutal, un entraîneur pour gamins accro aux jeux de hasard et un dernier épisode sur un trafic de réfugiés.

Frank Elder, héros de trois romans, avait fait sa première apparition dans cette nouvelle, "Plein Nord", enquête sur un massacre familial mais surtout récit de sa propre déconfiture amoureuse.

La star incontestée, c'est bien-sûr Charlie Resnick. Son tempo à lui, c'est celui du jazz qui imprime sa couleur bleu nuit à l'univers du personnage, de ses chats Pepper, Miles ou Dizzy, de la dope qui ensemence le désespoir des marginaux. Deux nouvelles à la première personne nous renvoient dans ce monde du blues. Les harmonies y sont souvent mineures mais la prose de John Harvey est de première grandeur.

Une étude en noir – John Harvey – Traduit de l'anglais par Karine Lalechère et Jean-Paul Gratias – Rivages – 336 pages – 16€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 novembre 2018



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Dexter Gordon: "Round Midnight"






jeudi 6 décembre 2018

Retour du mythe





Ce brillant essai sur un des auteurs majeurs du fantastique au début du XXè siècle se lit aussi comme un "à la manière de". L’imaginaire morbide voire maladif de Lovecraft (1890-1937) fascine autant qu’il révulse. Le livre, richement illustré et doté d’un cahier couleurs, parcourt l’œuvre pas à pas, avec une seconde naïveté, qui mêle esprit critique, fusion-adhésion passionnée et complotisme ludique: si on jouait à faire semblant d’y croire ?




Cthulhu ! - Patrick Marcel - Les Moutons électriques - 220 pages - 19€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 25 juin 2017




mercredi 5 décembre 2018

Tueurs tristes




On est en 1963, l'OAS affûte les longs couteaux à l'intention des liquidateurs de l'Algérie française. Jourdan, l'officier putschiste en cavale, intéresse la CIA. Son recruteur, un pédophile à l'histoire familiale édifiante, est passé du sud esclavagiste aux valeurs yankees de West-point. Avec Norbert, flic français au destin d'espion, on a un trio plongé dans l'histoire contemporaine où se mêlent géopolitique et pulsions abominables. Un cocktail romanesque sulfureux.




Rouge parallèle – Stéphane Keller – Toucan noir – 400 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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mardi 4 décembre 2018

Saumâtre






Le monstre médiatique avide de nouveauté occulte la permanence du drame qui se joue à quelques miles nautiques de nos côtes. Philippe Georget démarre son intrigue sur une de ces îles européennes en Méditerranée. C'est là que vit le journaliste Louka Santoro confronté à la tragédie des migrants. Roman sur les solidarités en œuvre et rapport accablant sur les trafics qui alimentent la machine du désespoir.






Amère Méditerranée – Philippe Georget – In8 – 464 pages – 22€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 18 novembre 2018




lundi 3 décembre 2018

Une douloureuse absence




Graeme Macrae Burnet est un auteur facétieux adepte de l'imposture dont Echenoz et Vilas-Matas nous détaillent la philosophie dans leur savoureux dialogue publié chez Meet en 2008. "La Disparition d'Adèle Bedeau", roman d'atmosphère de Raymond Brunet adapté au cinéma par Chabrol en 1989 existe au-delà de cette fiction éditoriale. Oublions Brunet et Chabrol qui ne servent qu'à épaissir la réalité du récit. Le roman réel nous présente un homme soupçonné du meurtre d'une serveuse dans une petite ville alsacienne. Roman morose que Chabrol aurait certainement apprécié.




La Disparition d'Adèle Bedeau – Graeme Macrae Burnet – Traduit de l'anglais par Julie Sibony – Sonatine – 384 pages – 22€ - ***
Lionel Germain




vendredi 30 novembre 2018

Trois femmes et un couffin



L'ancienne journaliste Fiona Barton avoue sur son site qu'une histoire "lui trottait dans la tête" depuis longtemps. Désormais retirée dans son petit coin de Dordogne, la voilà disponible pour réanimer à sa guise les silhouettes des faits divers.




On pourrait résumer "La Coupure" d'une formule: trois femmes et un couffin. De quoi donner un parfum de comédie à une affaire qui n'a rien d'amusant. Dans le couffin, il ne reste du bébé qu'un squelette retrouvé sur un chantier de la banlieue de Londres. Les trois femmes penchées sur ce berceau macabre ont chacune un bagage secret dont Fiona Barton ne délivre que des fragments chapitre après chapitre. 





Angela, d'abord, est la mère d'une petite fille qu'on lui a dérobée à la maternité. Emma, ensuite, est une éditrice aux relations familiales compliquées. On la surprend paniquée par la découverte de ce corps et par les investigations de Kate, une reporter à l'affût du scoop dans un journal fragilisé. Kate est celle qui va démêler peu à peu les fils qui pourraient relier les deux autres à la disparition de l'enfant. 

Mais c'est bien à la périphérie de ce mystère que Fiona Barton situe les enjeux du roman. Les trois femmes sont travaillées par des désaccords intimes qui les caractérisent. Quand Emma s'épuise dans une confrontation avec une mère enfant, Angela cherche des réponses aux questions que pose la plus terrible des absences. Kate est elle-même à la recherche d'une vérité professionnelle qui lui échappe. 

À travers ce personnage, l'auteure développe un commentaire désabusé sur l'état de la presse en général et sur l'évolution du métier de journaliste. Sa tendresse pour les arpenteurs de bitume de Fleet Street, où se concentrait naguère le fleuron de la presse britannique, est nuancée par l'inquiétude.

La Coupure – Fiona Barton – Fleuve noir – 480 pages – 20,90€ - ***
Lionel Germain




jeudi 29 novembre 2018

Poésie, science et fiction






Plume majeure de la SF américaine des années 60, Delany, afro-américain et homo, fut à l’avant-garde de tous les combats. Après avoir renouvelé le space opera, il fit une brillante carrière universitaire. Ce livre rassemble 7 textes marquants, romans ou nouvelles, empreints de son étrange poésie comme en témoigne le titre de l’un des plus célèbres, "Le temps considéré comme une hélice de pierres semi-précieuses"…




Chants de l’espace - Samuel R. Delany - Traduit de l’anglais (collectif) -  Bragelonne - 704 pages - 10€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 9 juillet 2017




mercredi 28 novembre 2018

Les travaux d'Eytan






Dans l'Antiquité, les demi-dieux descendaient de l'Olympe pour camper dans le monde ordinaire et tenter de le protéger. Eytan est un enfant polonais déporté, transformé en cobaye par les nazis. Le voilà qui combat à travers la planète les visées totalitaires d'un dangereux "Consortium". Avec ce super héros inscrit dans notre histoire contemporaine, on ne s'ennuie pas une seconde. 






Le programme D-X – David Khara – J'ai Lu – 416 pages – 7,60€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 18 novembre 2018




mardi 27 novembre 2018

Amazone interdite






Colin Niel revient en Guyane avec un nouvel épisode d'une série toujours aussi documentée. L'adjudante Angélique Blakaman, héroïne en métropole où une mission de sauvetage l'a laissée partiellement défigurée, retrouve son pays natal. Garimperos, chamanes, évangélistes, jamais ce territoire sauvage de la forêt amazonienne n'aura produit des personnages de fiction aussi denses que ceux de Colin Niel.




Sur le ciel effondré – Colin Niel – Rouergue – 512 pages – 23€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 novembre 2018




lundi 26 novembre 2018

Blanc sur Blues





Prix des lecteurs Quais du Polar/20 Minutes avec "Bondrée", Andrée A. Michaud confirme ce succès après la parution de "Rivière tremblante". Les éditions Rivages en ont profité pour inscrire dans la fournée de septembre un roman de 2010 "Lazy Bird". Les errances radiophoniques d'un animateur albinos harcelé par une mystérieuse auditrice. De Coltrane à Morrison, la poésie d'Andrée A. Michaud se nourrit d'un lyrisme sombre.





Lazy Bird – Andrée A. Michaud – Rivages noir – 500 pages – 9,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 novembre 2018




vendredi 23 novembre 2018

Romans de gare






L'idée, lumineuse, a d'abord épuisé les allées du Louvre où le crime est un des beaux-arts. Elle se projette aujourd'hui à Orsay. L'ancienne gare nous offre toute une série de romans noirs qu'ont illustrés les peintres du 19ème. Des martyrs chrétiens de Léon Bénouville à la magnifique pendule figurant l'assassin ultime, l'auteur s'attarde sur les morts sublimées par Gustave Moreau ou Cézanne. 




Scènes de crime à Orsay – Christos Markogiannakis – Le Passage – 256 pages – 22€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 novembre 2018




jeudi 22 novembre 2018

Histoire comme si






Aujourd’hui le post-apo cède la place à l’après 11 septembre. La catastrophe est déjà arrivée, en fait, et on ne la voyait pas venir. Le moyen de comprendre, c’est peut-être l’uchronie. Faisons comme si tout avait commencé un 11 août à San Francisco, et qu’on parque là-bas les musulmans dans d’anciennes réserves indiennes. Faisons comme si: hypothèse, conjecture, ce livre est une véritable expérience de pensée.




D’un feu sans flammes - Greg Hrbek - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Benjamin Fau – Phébus - 323 pages - 23 € - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 18 juin 2017




mercredi 21 novembre 2018

Eaux troubles






A travers la disparition d'un enfant près d'une rivière, la culpabilité des survivants se double d'une révélation sur l'imposture du couple. Ou plutôt sur la somme des postures avec lesquelles se constitue l'édifice familial. Quand sa validité se joue autour de l'enfant, la perte de celui-ci défait les artifices du face-à-face. Reste alors le constat cruel d'un désamour que plus rien ne maquille.  




Rivière tremblante – Andrée A. Michaud – Rivages – 368 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 28 octobre 2018




mardi 20 novembre 2018

Mauvais esprit


Il existe réellement une association "Oklahoma-Occitania", "Ok-Oc" pour les intimes. Pour en comprendre l'origine, il faut faire un peu d'histoire et notamment se rappeler nos liens avec la "Nouvelle France" qui nous fait découvrir les Indiens d'Amérique dès le 17ème Siècle.





Plus tard, en 1829, trois membres de la tribu Osage aboutirent à Montauban après deux ans d'errance à travers l'Europe. C'est sur ce terreau historique que Jubert et Séverac imaginent le retour d'un chef dans un village proche de la cité occitane. Héritier d'un lopin de terre, sa venue bouscule la région et réveille de mauvais esprits.






Wazhazhe – Jubert et Séverac – Le Passage – 320 pages – 19€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 28 octobre 2018




lundi 19 novembre 2018

De plume et de glace





Invité à servir de "nègre" à un politicien, l'écrivain new-yorkais David McCae rejoint l'Alaska où un alpiniste célèbre doit étoffer son répertoire d'éloges. Mais le porte-plume va rapidement grincer sur la glace. En savoir trop sur celui dont on est censé façonner la légende s'avère dangereux. Dans ce roman "américain", l'auteur nantais décrit avec justesse les impasses auxquelles vous condamne une mémoire sélective.




Terres fauves – Patrice Gain – Le Mot et le Reste – 208 pages – 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 4 novembre 2018




vendredi 16 novembre 2018

Tailler la route


"L'autre côté des docks", d'Ivy Pochoda nimbait Brooklyn d'une lueur fantomatique pour deux adolescentes en quête d'un ailleurs proche. Ivy Pochoda est née à Brooklyn, où les rêves de lointain peuvent se contenter des feux de Manhattan. Elle y a vécu jusqu'en 2009. Puis elle a posé son sac à Los Angeles. Chacun sait que le monde s'y est condensé dans l'illusion hollywoodienne, et c'est presque un film que ce nouveau roman dont le premier chapitre, comme un mouvement symphonique, est aussi une mise en mouvement du monde. On pense à "La la land", la scène d'ouverture qui infuse de la grâce dans la folie du siècle. Parce que Los Angeles se réduit chaque matin au monstrueux réseau routier où chaque segment figure le circuit neuronal d'une énergie sans conscience.




Tom Wolf révélait dans "Le Bûcher des vanités" le piège communautaire et la terreur panique de son "golden boy" coincé dans les phares du Bronx, Ivy Pochoda propose au contraire un personnage d'avocat soucieux d'échapper à l'enfermement auquel le condamne son mode de vie. L'occasion sera fournie par le surgissement d'un type courant nu le matin sur l'autoroute. 




La balade prend des accents plus sombres que la charmante fable de Damien Chazelle. Sur deux époques, on suit des marginaux perdus entre le désert des Mojaves, les quartiers dangereux de Los Angeles et leurs mauvais souvenirs. La liberté après laquelle on court a parfois des effets meurtriers.

Route 62 – Ivy Pochoda – Traduit de l'américain par Adélaïde Pralon – Liana Levi – 360 pages – 22€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 21 octobre 2018




jeudi 15 novembre 2018

Retour à Vénus






Vénus a fait longtemps rêver les hommes, elle est aujourd’hui tenue pour ce qu’elle est, un enfer à l’atmosphère létale. Futur proche: la technique des habitats spatiaux a permis de coloniser le système solaire. Autour de l’étoile du matin gravitent de stupéfiantes cités volantes, dont une satrapie hors du temps gouvernée par un enfant. Un subtil mélange de hard science et d’anthropologie prospective.






Le Sultan des nuages - Geoffrey A. Landis - Traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti - Une heure lumière/Le Bélial’ - 107 pages – 8,90€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 27 août 2017




mercredi 14 novembre 2018

Lendemains de fête






C'est un crime odieux dont la banalisation doit beaucoup à l'anonymat des réseaux. Louise O'Neil raconte l'histoire d'une lycéenne, jolie, "populaire", et victime d'un viol au cours d'une soirée. Les images diffusées avec leur lot de commentaires obscènes et haineux complètent l'agression. C'est la conséquence de ce point de rupture que le roman analyse avec pessimisme.





Une fille facile – Louise O'Neil – Traduit de l'anglais par Nathalie Guillaume – Éditions Stéphane Marsan – 288 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 21 octobre 2018




mardi 13 novembre 2018

Milo la poisse





Milo est un enfant harcelé, ostracisé et toujours coupable aux yeux des adultes. Claire Favan bénéficie d'une préface de son propre fils pour nous raconter les fatalités qui pèsent sur les épaules d'un jeune garçon privé de son père. Sa révolte est une succession de mauvais choix: abandon des études, fréquentations à risque et prison. Mais pour une mère, un fils sera toujours davantage victime que coupable.





Inexorable – Claire Favan – Robert Laffont La Bête noire – 384 pages – 20€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 21 octobre 2018




lundi 12 novembre 2018

Né quelque part






Le refrain nous dit que la montagne est belle. Mais les hommes et les femmes qui vivent entre les ombres de la forêt et la lumière aiguisée par les roches se méfient de l'inconnu. Cet homme, par exemple, accablé de chagrin et réfugié dans les bois après l'incendie d'une ferme. Au plus près de la terre, Alexandre Lenot restitue avec une maîtrise éblouissante la chair d'un paysage où errent des figurants tragiques.





Écorces vives – Alexandre Lenot – Actes Sud – 208 pages – 18,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 28 octobre 2018




mercredi 31 octobre 2018

Machines à rêver






Version américaine de la mythique revue française de SF "Métal Hurlant", "Heavy Metal" continue à paraître trente ans après la disparition de son modèle. Cette histoire des deux rives permet de comprendre l’impact qu’a eu le magazine aux USA en transposant d’un bloc des styles et des normes venus de l’imaginaire francophone: une esthétique qui va bouleverser les codes de la fiction.






Heavy Metal, l’autre Métal Hurlant - Nicolas Labarre - Préface de Gilles Poussin, SF Incognita/Presses Universitaires de Bordeaux - 236 pages - 25€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 18 juin 2017




mardi 30 octobre 2018

Pères et fils






Comment se fait-il qu'en 2018, on parle encore de l'Algérie avec le sentiment d'une plaie à vif? Les Français n'ont fait qu'un travail partiel de deuil et l'armée algérienne a converti le rêve d'indépendance en cauchemar sécuritaire. Adlène Meddi observe le destin tragique des fils de héros. La réponse à la question initiale, poétique et rageuse, n'est pas toujours politiquement correcte.




1994 – Adlène Meddi – Rivages – 348 pages – 20€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 21 octobre 2018




lundi 29 octobre 2018

Étroit et à l’œil






Sébastien Gendron écrit des romans pour la "jeunesse" qui ne sont pas interdits aux vieux lecteurs. L'histoire d'un pays pas plus grand que "le quartier central d'une grande ville comme un œil", encerclé par une dictature. Résistance au totalitarisme et jeux de dupes pour l'adolescent qui croit mener le bal des espions. La question centrale héritée d'Orwell est celle de la vérité vraie: "ce que je sais, c'est ce que je suis."




Kaplan – Sébastien Gendron – Syros – 256 pages – 15,95€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 octobre 2018



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vendredi 26 octobre 2018

Cavale de nuit dans les Rocheuses



Avec Benjamin Whitmer, auteur de "Cry Father" et de "Pike", deux romans dont on avait salué la rage froide, le noir est une couleur qui vient du ciel. "Évasion" vient confirmer l'inclination de l'écrivain pour les saisons glacées. Une histoire de cavale dans la grande tradition du roman américain. Une prison, douze évadés, des chasseurs d'hommes, journaliste et pistards professionnels, pas de prologue, ni de plan large en ouverture, le réel qui vous harponne dès la première phrase.




Si les chants désespérés sont les plus beaux, alors on peut dire que le roman de Whitmer est magnifique. Pas une once de lumière pour éclairer ce paysage sur lequel la neige amortit à peine les ombres. Quelque part dans le Colorado, Old Lonesome est une ville avec une prison. Et de ce lieu d'enfermement, les habitants semblent puiser une énergie sombre qui réduit le "dehors" à un reflet du cauchemar carcéral.





Avec Jim, le gardien harcelé depuis l'enfance, Whitmer dresse le portrait fascinant d'une victime quasi mutique. Résigné à cette "mort lente et suffocante" que ce Noël de la fin des années soixante n'apaise en rien, il encaisse les coups et poursuit sans passion la traque des évadés. Parmi eux, Mopar, justicier renvoyé derrière les barreaux pour avoir corrigé un flic sadique. Le monde de Whitmer est une flaque de boue dans laquelle surnagent des spectres reliés entre eux par des lambeaux d'humanité. Superbe.

Évasion – Benjamin Whitmer – Traduit de l'américain par Jacques Mailhos – Gallmeister – 416 pages – 23,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 octobre 2018



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