mardi 15 octobre 2024

Parfum de poudre et de poussière


À la recherche d'une épopée, quel pays mieux que le Liban rassemble entre ses frontières longtemps incertaines la violence et les oppositions d'une humanité en colère. Après la trilogie Benlazar, dans laquelle il racontait les années noires de l'Algérie contemporaine, Frédéric Paulin a calé sa caméra dans le Beyrouth de la fin des années 70. 



Précisément le 13 avril 1975 quand les communautés s'affrontent en arrière-plan d'une guerre plus générale entre Israël et les pays arabes. Pour incarner ces haines communautaires, l'auteur a multiplié les angles: du Chrétien Michel Nada, avocat réfugié en France et frère d'un milicien, au personnage de Zia, jeune femme, interprète un temps à l'ambassade de France avant d'être elle aussi happée par la violence du mouvement chiite auquel elle appartient. 


En coulisses mais de façon active, Philippe Kellermann diplomate amoureux du Liban cherche à impliquer le gouvernement français dans le sauvetage du pays alors que la DGSE est également à la manœuvre. 

On retrouve les intrigues amoureuses qui font le sel du feuilleton et les méandres idéologiques dans lesquels se perdent les principaux acteurs du drame. Comment réparer la fracture qui sépare Chrétiens et Musulmans après Chatila?

"Tous ces morts, des femmes, des enfants, des vieillards. Ces tortures et ces corps enterrés à la va-vite (…). Ces bulldozers qui ont aplani les lieux comme pour effacer les crimes."

A la même époque, les choses changent en France aussi. Ce sont les lois Auroux sur les rapports sociaux et les mouvements de grève qu'elles provoquent, le regard nouveau sur les travailleurs émigrés dont les autorités instrumentalisent à l'intention de l'opinion publique les influences étrangères qui les manipuleraient. "La grève n'est plus ouvrière, elle est musulmane."

Toute une tranche d'histoire qui viendra buter sur l'horreur du Drakkar à Beyrouth où une soixantaine de parachutistes français trouvèrent la mort. Un grand roman au parfum de poudre et de poussière.

Nul ennemi comme un frère - Frédéric Paulin – Agullo – 472 pages – 23,50€ - ****  
Lionel Germain


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