vendredi 29 septembre 2023

De charbon et de suie


Avec Kim Stone, l'héroïne d'Angela Marsons, nous voilà dans le Black County, le pays noir du Nord-Ouest de l'Angleterre. Une terre de charbon et de suie sur laquelle Kim tente de lutter contre les forces du "mal".
 


Encore une flic de roman noir, cabossée par une enfance passée d'une famille d'accueil à une autre. Dans cet épisode, elle est confrontée au drame de deux familles dont les petites filles, très amies, ont été enlevées contre une demande de rançon. Mais que restera-t-il des conventions sociales après l'abominable mise aux enchères de leurs enfants? C'est du polar tonique avec une héroïne qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.




Petites Filles perdues – Angela Marsons – Traduit de l'anglais (GB) par Véronique Roland – Belfond noir – 480 pages – 21,90€ - ***  
Lionel Germain



jeudi 28 septembre 2023

En attendant Gandhi




Pour retrouver la splendeur coloniale de l'Empire britannique, Abir Mukherjee ouvre le livre d'images en décembre 1921 à Calcutta. Lui-même Écossais d'origine indienne, il a fait de cette collision des cultures l'essentiel de son œuvre littéraire. Son héros, Sam Wyndham, flic blanc saturé d'opium cherche à se défaire de son addiction tout en enquêtant sur une série de meurtres qui font désordre avant l'arrivée du Prince de Galles. Épatante reconstitution du décor, des couleurs et des mouvements de foule.



Avec la permission de Gandhi - Abir Mukherjee – Traduit de l'anglais (GB) par Fanchita Gonzalez Battle – Folio – 384 pages – 9,20€ - ***
Lionel Germain



mercredi 27 septembre 2023

Avant que tout ne devienne gris



En neuf brefs chapitres au cours desquels la narratrice sillonne avec son chien les champs et les grèves d’une Angleterre intemporelle, au fil de quatre saisons, de l’automne à l’été, ce livre, demeuré inédit chez nous depuis près de 50 ans, raconte le passage d’une société ouverte à l’enfermement d’un totalitarisme insidieux. Des milices anonymes raflent les œuvres d’art, purgent la société des personnalités subversives; des survivants fondent en secret un havre de paix. Ce récit d’une énergie désespérée porté par une belle écriture est en lui-même déjà un acte de résistance.


Eux - Kay Dick - Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Patrick Imbert - Le Livre de poche - 156 pages - 8,40€ - ***
François Rahier


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mardi 26 septembre 2023

Petits monstres




L'Enfance meurtrière, c'est un sujet qu'avait traité Elizabeth George en insistant sur la possible rédemption qui s'offre aux jeunes criminels en Angleterre avec le changement d'identité. Jérôme Camut et Nathalie Hug nous proposent une vision plus sombre. À travers le parcours de Sixtine, fillette enlevée et martyrisée, se dessine le portrait d'une psychopathe en devenir. La force du roman tient au questionnement de la mère, entre recherche des causes et responsabilité. De quoi tempérer le versant glaçant du récit.


Nos âmes au diable – Jérôme Camut et Nathalie Hug – Pocket – 400 pages – 7,95€ - *** 
Lionel Germain



lundi 25 septembre 2023

Braconnage




Le souffle est encore là. Caryl Férey n'aime pas voyager, il aime s'inventer des citoyennetés provisoires pour lesquelles il sédentarise sa plume. C'est dans la zone transfrontalière du Kavango-Zambèze qu'il a posé son sac. Entre Namibie et Botswana, la Ranger Solanah Betwase est l'héroïne ce beau roman d'aventures où le Wild Bush joue aussi les premiers rôles. Un grand braconnier y livre en cinémascope un duel dans le sillage des hardes d'éléphants menacés.



Okavango – Caryl Férey – Série noire Gallimard – 528 pages – 21€ - ***  
Lionel Germain 



vendredi 22 septembre 2023

La colère comme juge


C'est parce que l'Amérique n'admet aucune nuance entre le noir et le blanc que son histoire porte une douleur contrastée qui reste plaie ouverte longtemps après la fin de l'esclavage. En restituant le South Boston des années 70, Dennis Lehane ravive la souffrance de cette séparation. 



D'un côté les quartiers blancs, des hommes et des femmes de classe très moyenne, de l'autre les quartiers noirs et leurs cohortes d'invisibles que la municipalité aimerait rendre à la lumière en menant une politique de déségrégation. Mais contraindre les écoles à rompre l'apartheid, imaginer des bus qui traversent les frontières en mélangeant les enfants des deux communautés, c'est déclarer la guerre aux Irlandais qui vivent l'entre-soi comme un de leurs derniers privilèges.


La disparition d'une jeune fille blanche et l'assassinat d'un jeune noir vont précipiter le retour de la haine. Un flic toxicomane en rémission, ancien du Vietnam "qui lui a brouillé les idées en ce qui concerne les femmes", avance dans une forêt d'indices trompeurs sur le manichéisme racial. Et surtout, Dennis Lehane offre le portrait d'une femme dont la colère s'érige en juge impitoyable, indifférente au silence auquel elle doit faire face. 

Le Silence – Dennis Lehane – Traduit de l'américain par François Happe – Gallmeister – 448 pages – 25,20€ - **** 
Lionel Germain



jeudi 21 septembre 2023

Effacement progressif


L'éditeur convoque "Walden ou la Vie dans les bois" de Thoreau pour tenter le jeu des références avec ce "Sugar Street". C'est vrai que si Jonathan Dee cultive la même distance entre son personnage et le reste du monde, l'homme en fuite qu'on découvre dans Sugar Street professe lui un propos un brin plus misanthrope que celui de Thoreau.



Pour échapper aux créanciers et à tous ceux qui ont une bonne raison de lui en vouloir, il a décidé d'un effacement progressif. Muni d'un bon pactole qui ne sera pas éternel, il procède par étapes pour se dissoudre dans un anonymat que les sociétés modernes interdisent. Jonathan Dee fustige un monde dans lequel tout ce qui est revendiqué n'est qu'une posture. Les gens sont invités à "exprimer leur vérité", à protester contre les injustices, à ne plus se taire, "nous ne nous tairons plus"…




"Quand vous êtes-vous tus? Si j'en crois mon expérience, vous n'arrêtez jamais de parler, putain. Parler, c'est de l'auto-idolâtrie. Taisez-vous un peu plus."
Un grand numéro de pessimisme littéraire. 

Sugar Street – Jonathan Dee – Traduit de l'américain par Élizabeth Peellaert – Les Escales – 224 pages – 22€ - ***  
Lionel Germain



mercredi 20 septembre 2023

"Tabarnak! Sacrament!"




Venus a bien changé depuis les "pulps" de l'âge d'or: pas de forêts géantes, d'océans mystérieux, mais un monde chauffé à blanc à l'atmosphère invivable de dioxyde de carbone, battu de pluies d'acide sulfurique. S'inspirant des programmes d'exploration de la Nasa, l'auteur imagine l'aventure d'une colonie canadienne partie explorer cet univers inhospitalier. Ce roman, écrit en anglais, où l'on jure volontiers, et en V.O., dans le parler québécois, revisite la figure littéraire du coureur de bois, ce qui lui donne un plus.


Les profondeurs de Venus - Derek Künsken - traduit de l'anglais (Canada) par Gilles Goulet - Albin Michel - 544 pages - 24,90€ - ***
François Rahier


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mardi 19 septembre 2023

Une affaire de peur


Jeune femme torturée par ses cauchemars, Abby est aussi une jeune mariée victime d'un accident. Renversée par un bus, entre la vie et la mort, son mari va tenter de comprendre les raisons qui provoquent chez elle une frayeur permanente. Sa confession est lente et difficile, comparable au travail de l'analyse qui fait remonter un refoulé familial très toxique.



C'est donc en premier sa peur à elle qui émerge, peur d'un père paranoïaque et jaloux, vétéran animé par une violence dont la mère cherche à se protéger en le tenant à distance. Mais également la peur éprouvée par le père après l'opération "choc et stupeur en Irak" censée terroriser l'ennemi. Cette peur est le fruit d'une illusion sur la réalité du monde. Elle  est liée au doute, à l'incertitude que Joyce Carol Oates entretient en donnant à chaque voix une égalité dans le traitement de la vraisemblance.



Se nourrissant de la distribution littéraire des mensonges, les personnages ne perçoivent le réel qu'à travers le récit d'un "autre", récit organisé autour de ses propres désirs et des silences qui les rendent possibles. 

Poursuite – Joyce Carol Oates – Traduit de l'américain par Christine Auché – Éditions Philippe Rey – 224 pages – 20€ - **** 
Lionel Germain




lundi 18 septembre 2023

Mauvais genre au féminin


Avec ce premier roman qui projette une lumière noire sur une jeune fille logée dans un corps masculin, Alana S. Portero explore les contraintes du paraître dans un quartier populaire de Madrid. La posture détermine votre sauvegarde, et si “Alejandro” n'arrive pas à prononcer ce qui la désigne dans le cadre familial, elle est pourtant destinée à traverser l'enfance avec cette convention qui la mutile.


"Pour moi, petite travestie incognito d'un quartier populaire qui n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle allait devenir, contempler Boy George dans toute sa joyeuse féminité ou Prince en bas résille, c'était comme apercevoir des lucioles dans une grotte noire et humide."

Le milieu ouvrier de San Blas accumule les failles dans lesquelles la jeunesse des années 90 va se perdre. Au cœur du désenchantement postfranquiste, la narratrice voit ses amis disparaître, victimes du SIDA et des surdoses. 



Elle paiera sa mue au prix fort, physiquement et sexuellement, mais sa victoire sera de pouvoir affronter enfin la lumière du jour en talons aiguille. Un très beau roman sur la traversée du miroir.

La mauvaise habitude – Alana S. Portero – Traduit de l'espagnol par Margot Nguyen Béraud – Flammarion – 272 pages – 22,50€ - **** – 
Lionel Germain


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version papier


 

vendredi 15 septembre 2023

Philippe Curval: Le réel et la fiction


Disparu cet été à 93 ans, Philippe Curval était un petit peu la mémoire de la SF française: ne côtoyait-il pas Boris Vian à l’exposition "Présence du futur" en 1953? Avec Klein, Goimard et quelques autres, il avait participé à l’aventure des revues "Fiction" et "Satellite", qui renouvelèrent le genre après la guerre. À mi-chemin de la satire et du cauchemar, entre insolite et anticipation, ses romans ("Cette chère humanité", "Lothar Blues"), ses nouvelles ("On est bien seul dans l’univers"), n’ont cessé de dénoncer les pouvoirs politiques et religieux qui piègent le réel. 


Affirmant les droits de l’être humain sur sa sexualité, ce domaine réservé de l’intimité sur lequel veulent faire pression tous les totalitarismes, son œuvre dessinait les contours d’une utopie libertaire dont témoignait en particulier, récemment, "Le paquebot immobile". Conçu lors d’un séjour à l’hôpital, son tout dernier roman brosse le portrait d’une héroïne avant-gardiste et libre, une "extra-fiction" réinventant l’histoire familiale des Tronche. Curval était né Philippe Tronche, à Paris, le 27 décembre 1929.



Tronche-Rosépine - Philippe Curval - La Volte - 224 pages - 18,50 €
François Rahier



jeudi 14 septembre 2023

Poker menteur


Premier roman de Jean-Claude Bartoll, ancien grand reporter et scénariste, "Tuez Skripal!" s'inscrit aussi dans cette nouvelle collection "Espionnage" de Gallimard patronnée par Marc Dugain. 



Avec des personnages fictifs membres d'une agence européenne de renseignement, il tente le décryptage d'une affaire bien réelle, l'empoisonnement supposé de Serguei Skripal et de sa fille Ioulia. Supposé parce que Jean-Claude Bartoll s'emploie à déconstruire la version officielle de 2018 et à éclairer la personnalité de l'espion russe. Une passionnante partie de poker menteur entre Theresa May et Vladimir Poutine.




Tuez Skripal – Jean-Claude Bartoll – Espionnage Gallimard – 466 pages – 22€ - ***
Lionel Germain


 

mercredi 13 septembre 2023

Détectives de l'impossible




Il y a près de soixante ans, l’auteur, sous le pseudo de Claude Vauzière, inventait pour Marabout une équipe d’enquêteurs du paranormal. Ufologiste convaincu, il mêlait souvent fiction et réalité avec une secrète complaisance. Le cycle jamais achevé est repris dans ce volume avec un inédit, et une savante préface. Comment l’héritage des Templiers conduit à une chasse à l’antigravitation puis à la fondation d’une organisation secrète de sauveurs de l’humanité: à déguster au second degré comme une vieille anisette.



Les dossiers du Glaive - Jimmy Guieu - Rivière blanche - 298 pages - 20€ - ***
François Rahier



mardi 12 septembre 2023

Une fenêtre ouverte




C'est en découvrant, sur un exemplaire de l'Illustration de 1886, la "scène de crime" où Jules Watrin est défenestré que Pascal Dessaint eut l'envie de s'emparer du fait-divers pour en retranscrire le caractère social. On dirait sociétal aujourd'hui comme en 2015 quand la lutte des classes produit un incident majeur pour deux cadres d'Air France bousculés rudement par des syndicalistes. Jules Watrin était sous-directeur des mines de Decazeville. 




Le souffle de "Germinal" traverse une région marquée par la grève et les hommes en armes qui l'assiègent. Dans ce livre préfacé par François Guérif, Pascal Dessaint mène une enquête dépassionnée mais passionnante. 

1886 – Pascal Dessaint – Rivages – 272 pages – 21€ - **** 
Lionel Germain




lundi 11 septembre 2023

Face cachée




Comment expliquer la disparition du marié le premier matin de ce qui ressemble à un voyage de noces à Lisbonne? Chris Pavone construit la réponse à cette interrogation à travers le regard apparemment très troublé de l'épouse. C'est bien un jeu d'apparences qu'il nous propose. Et on s'y perd en conjectures quand une demande de rançon parvient à la jeune femme. L'homme qui s'est évaporé avait une face cachée qui remue du monde au plus haut niveau des États-Unis. Suspense intégral jusqu'à la dernière ligne de l'épilogue.



Deux nuits à Lisbonne – Chris Pavone – Traduit de l'américain par Karine Lalechère - Série noire Gallimard – 540 pages – 24€ - *** 
Lionel Germain 



vendredi 8 septembre 2023

Du monde aux basques



Laurence a beau s'appeler Etcheverry, elle n'a de basque que le nom de son mari. Elle a accepté de quitter la Somme pour les rives de l'Adour après une mutation de celui-ci, et la voici "inspectrice" au commissariat de Bayonne. La mort de Martin Gozategui, ancien champion de cesta punta, accélère son intégration. Alain Gardinier nous offre davantage qu'un dépliant touristique, une immersion culturelle qui nous remet en mémoire le destin voyageur de beaucoup de Basques, notamment vers la Floride. Une intrigue policière à savourer en dégustant avec modération un verre d'Irouléguy. 


Vengeance au fronton – Alain Gardinier – Presses de la Cité – 224 pages – 21€ - ***
Lionel Germain



jeudi 7 septembre 2023

Fais-moi mal!





Raconté à la première personne, ce roman obsessionnel nous condamne aux confidences d'une femme attachée au sens propre à sa perte. Bousculée d'abord avec son consentement, elle revient au mal dans les bras d'un détraqué qui récidive et l'entraîne à se détruire chaque jour un peu plus. La vraie performance, c'est celle de Déborah Kay Davies qui réussit à transformer en évidence le cauchemar qu'elle nous décrit. Sado, maso, mais pas que… Noir, ça, c'est certain.



Déliquescence – Deborah Kay Davies – Traduit de l'anglais (GB) par Jean Esch – Le Masque – 240 pages – 8,30€ - *** 
Lionel Germain



mercredi 6 septembre 2023

Du Golem au Juif errant


1916: Amsterdam est devenue la plaque tournante de l’émigration européenne. Rien d’étonnant à ce que s’y côtoient les fantômes de la "Mitteleuropa" à feu et à sang. Chef de file de l’expressionnisme pragois, ami de Rilke et de Brod, inspirateur de Kafka, l’auteur du "Golem" excelle à convoquer cette humanité interlope, charlatans, illuminés, aristocrates ou escrocs, pris dans le tourbillon de la guerre et désespérément en quête d’un ailleurs. Le visage vert enturbanné de noir d’Ahasvérus, le juif errant qui hante ces pages, sera-t-il le viatique du jeune couple épris d’absolu autour duquel le livre prend subtilement la forme d’un labyrinthe initiatique?


Le visage vert - Gustav Meyrink - Traduit de l’allemand par A. D. Sampieri - Éditions du Rocher - 261 pages – 18,30€ - ***
François Rahier





mardi 5 septembre 2023

Salles obscures



N'éteignez pas tout de suite la lumière après avoir franchi l'épilogue du dernier roman de Bernard Minier. Cette plongée dans le cinéma d'horreur en compagnie de son héros Martin Servaz est éprouvante. Le simple nom du réalisateur Morbius Delacroix inspire déjà de vives inquiétudes mais Bernard Minier manie le sabre et le goupillon qui symbolisent chacune de ses escapades dans la noirceur de l'âme humaine. Violence ritualisée, théories du complot et blessures de l'enfance ponctuent cette intrigue où les salles obscures ne promettent qu'un supplément de ténèbres.


Un œil dans la nuit – Bernard Minier – XO éditions – 506 pages – 22,90€ - *** 
Lionel Germain



lundi 4 septembre 2023

Cauchemar résidentiel



Quand Darren Booth et Jodie emménagent à Lowland Way, le petit quartier résidentiel de Londres se transforme en "quartier" tout court. Darren le mécano apprécie une musique proche du grincement de ferraille. De quoi faire convulser le couple assigné au vacarme derrière le mur mitoyen. Les travaux de rénovation ajoutent leur petite louche de décibels, et cerise sur le pudding, l'effondrement d'un échafaudage masque un crime dont les coupables sont vite trouvés. Entre lutte des classes et haines feutrées, portrait critique d'une cohabitation indésirable. 



Bien sous tous rapports – Louise Candlish – Traduit de l'anglais (GB) par Caroline Richard – Sonatine – 408 pages – 24,50€ - **
Lionel Germain


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vendredi 1 septembre 2023

Mouroir d'eau




Prodigieuse traversée de toutes les perversions humaines rassemblées sous un ciel de pluie à Bogota. Santiago Gamboa navigue par vent fort sur un pays qui n'en finit pas de ravauder son déchirement existentiel. Grâce à l'enquête d'un procureur aidé d'une journaliste et d'une "guérillera", l'auteur essaie de démontrer que le pire est systémique même si on est en droit de douter de l'humaine condition en parcourant le catalogue des atrocités commises par chacune des parties du conflit colombien. 



Farc ou paramilitaires, on hésite à décerner la palme du plus féroce. Et surtout, en devenant le protagoniste de son propre livre, matrice d'une intrigue empruntée à un autre de ses polars, Santiago Gamboa, écrivain et presque suspect, se projette à la troisième personne pour troubler les frontières du réel. Comme si celui-ci était condamné à ne pas s'émanciper du roman. Vertigineux et brillant.

Colombian Psycho – Santiago Gamboa – Traduit de l'espagnol (Colombie) par François Gaudry – Métailié - 592 pages – 23€ - **** 
Lionel Germain