mercredi 30 novembre 2022

L'homme qui aimait les arbres


Presque un livre de saison, l’été indien, les érables à perte de vue qui incendient l’horizon, des forêts qui ont brulé, déjà, la chasse, la pêche, l’odeur du bacon grillé au petit matin. La nature vierge, et en face des hommes qui l’aiment, d’autres qui ont fait un pas de côté, et c’est comme ça qu’on rencontre le mal peut-être. Ce florilège du grand auteur canadien a un siècle, et pas une ride. On rapproche Blackwood de Lovecraft, mais ici c’est à J. O. Curwood que l’on pense, d’abord. L’horreur est un point de vue. Parfois il est difficile à l’homme d’appréhender le mystère qui git au fond des choses.


La Forêt pourpre - Algernon Blackwood - Traduit de l’anglais (Canada) par Romane Baleynaud - L’Arbre vengeur - 203 pages - 20€ - ****
François Rahier



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lundi 28 novembre 2022

Mortelles randonneuses


Comme l'indique malicieusement le sous-titre des polars publiés par les éditions Lajouanie, "roman pas policier mais presque…", le livre d'Yvan Robin prend davantage ses repères dans le noir bitumineux que dans la grisaille procédurière d'une série B. 

On se perd en frissonnant à la périphérie d'un village où la forêt inspire sa propre légende à la mode du Gévaudan. On partage la frayeur de Souleymane, clandestin traqué et en fuite perpétuelle devant l'interdiction de séjour. L'organisateur de cette "vigilance citoyenne" chargée de traquer les intrus, c'est le mari de Blanche. Quant à l'épouse brimée, elle s'apprête à basculer dans une radicalité contrainte pour échapper au machisme local. 




De l'employé de mairie au médecin de famille en passant par l'agriculteur ou l'instit, tous les hommes ont la colère ciblée contre l'étranger qui rôde sur leur territoire. Yvan Robin a la phrase leste et la syntaxe à vif pour décrire la curée qui se prépare. Mais c'est sans compter sur les femmes. Quand elles se mettent en mouvement derrière celle qui devient "la Fauve", les proies se transforment en mortelles randonneuses.




La Fauve – Yvan Robin – La Jouanie – 176 pages – 15€ - ***
Lionel Germain 



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version papier




vendredi 25 novembre 2022

La vengeance du Petit Poucet


Colin Niel, dont le roman "Seules les bêtes " a été adapté au cinéma par Dominique Moll, est aussi le chroniqueur des lointains avec sa série guyanaise dont le titre "Obia" en 2015 a collectionné les prix. Un décor qu'on retrouve dans "Darwyne" et qui abrite les protagonistes d'une intrigue éprouvante. 



Un enfant handicapé de 10 ans, sa mère Yolande et Johnson, le huitième beau-père, forment une famille dysfonctionnelle au cœur de la jungle amazonienne. Le petit Darwyne Massily est un fils amoureux de sa mère qui l'humilie avec une constance et une férocité glaçante. Le huitième beau-père n'est pas un mauvais bougre mais la maltraitance est presque un héritage impossible à refuser. Pour Mathurine, qui travaille au service de la protection de l'enfance, la mission est difficile. 



Derrière le bidonville, il y a la jungle dont l'enfant handicapé expertise la faune et la flore. Colin Niel en fait un refuge meurtrier qui renverse la logique du conte. Que sont devenus les sept premiers beaux-pères? Roman sans concession sur la violence familiale, "Darwyne" est aussi le magnifique portrait d'un enfant sauvage.

Darwyne – Colin Niel – Rouergue – 288 pages – 21,50€ - **** 
Livre de poche – 320 pages – 8,90€ 
Lionel Germain 



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version papier







mercredi 23 novembre 2022

La Dame de l'espace


Qu’elle ait scénarisé pour Howard Hawks des films éminemment genrés, un polar, plusieurs westerns dont l’iconique "Rio Bravo", n’étonne plus aujourd’hui. Leigh Brackett a été aussi pour beaucoup dans le succès de "L’Empire contre-attaque" de George Lucas dont elle a écrit le script. Son sens du merveilleux imprégnait déjà l’intégrale de son cycle de Mars réédité en ce moment: chefs d’œuvre de fantasy davantage que de SF, ces romans et ces nouvelles nous font parcourir les contrées du rêve, magnifiées par le romantisme visionnaire d’un véritable écrivain. Michael Moorcock signe une préface éclairante au recueil. 


Le Grand Livre de Mars - Leigh Brackett - Textes français revus par P.-P. Durastanti - Le Bélial’ - 548 pages – 24,90€ - **** 
François Rahier




lundi 21 novembre 2022

Ventouses de plateau


Certains métiers gagnent à être connus. Ceux du cinéma offrent un éventail de carrières parfois loin des projecteurs comme ce job de "ventouse". "La ventouse, comme une ventouse à chiottes. Sûrement que ça vient de là d'ailleurs, parce qu'on se tape le boulot le plus merdique de l'usine à rêves: garder les places vides dans les rues pour que les camions de tournage se garent." Didier occupe la place depuis vingt-ans. Et Simon François a su trouver le ton et le tempo d'un polar dans l'air du temps, forcément maussade quand on met son nez dans les combines des gens puissants.


Le prologue dans les coulisses de certains riads de Marrakech donne un indice sur l'étendue du chantage envisagé par un flic marocain, et le meurtre d'une vedette du grand écran offre à une journaliste l'occasion d'une enquête à hauts risques. Avec l'aide de la "ventouse", bien décidée à échapper à cette relégation, ils vont remuer la boue dans des milieux où la fortune est un gage d'impunité. Pour son premier roman, Simon François, chef monteur et réalisateur, nous offre un personnage sympathique, inattendu et à fleur-de-peau.



Les portes étroites – Simon François – Le Masque – 264 pages – 20€ - ***
Lionel Germain



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version papier




vendredi 18 novembre 2022

Cloaque à clics



Quand Jakub Szamalek s'attaque aux abysses du Darknet, il y va avec une certaine expertise des profondeurs. Archéologue de formation, il est aussi dans le trio de créateurs du jeu vidéo "The Witcher". "Tu sais qui" est le premier volet d'une trilogie où apparaît la jeune journaliste Julita. Son enquête sur un accident de la route fatal à un acteur célèbre permet de comprendre une partie du monde de la presse polonais réduit à sa version en ligne. Pour des milliers de "clics" à convertir en zlotys, on y défie la concurrence avec des annonces scandaleuses. Suspense efficace sur la spirale effrayante du harcèlement cyber.


Tu sais qui – Jakub Szamalek –Traduit du polonais par Kamil Barbarski - Métailié noir – 464 pages – 22,90€ - ***  
Lionel Germain 



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mercredi 16 novembre 2022

Un bonheur insoutenable



Hazel est mariée au PDG de Gogol Tech, un empire technologique qui, après avoir révolutionné la communication, veut changer la vie et faire évoluer l’amour, proposant de connecter le cerveau des amants en créant un réseau à deux. La jeune femme fuit ce bonheur insoutenable et se réfugie chez son père… Dans le vrai monde? Elle s’aperçoit que son mari lui a implanté une puce à son insu et trouve son géniteur en train de déballer la poupée gonflable qu’il vient d’acheter pour ses vieux jours! Cette comédie grinçante sur un monde obnubilé par la technique et la prospérité vient d’être adaptée en série TV.


Made for love - Alissa Nutting - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Catherine Richard-Mas – Gaïa - 327 pages – 22,50€ - ***
François Rahier




lundi 14 novembre 2022

Zofia mène l'enquête


Bovary sans le désir amoureux, c'est un peu le portrait paradoxal qu'on pourrait faire de l'héroïne de ce roman polonais écrit sous pseudonyme. On est à Cracovie en 1893 et Zofia est une femme au foyer mariée à un prof d'université, un poste prestigieux dans cette ville au confluent de trois empires promis à la disparition. Le désir de Zofia se consume dans la quête de respectabilité. La voilà par intérêt engagée dans une cause caritative. Et c'est au cœur d'une maison de retraite que la mort d'une résidente la transforme en détective amateur. Ce roman est le premier d'une série située à Cracovie au 19e siècle. 


Madame Mohr a disparu – Maryla Szymiczkowa – Traduit du polonais par Marie Furman-Bouvard – Agullo – 352 pages – 21,50€ - **
Lionel Germain




mercredi 9 novembre 2022

l'homme machine et les sous-êtres



Ce texte emblématique de l’âge d’or des pulps est paru en 1932 dans la revue Amazing Stories  dirigée par l’inventeur de la "scientifiction" Hugo Gernsback. Une préface érudite de Francis Saint-Martin met en évidence tout l’intérêt de cette dystopie qui se déroule sur fond de lutte des classes: une planète lointaine perdue dans la nuit des temps ou les brumes de l’avenir, une guerre sociale, et l’intervention de machines surpuissantes et autonomes qui deviennent vite une menace pour l’homme. Le livre est édité par les étudiants de la licence professionnelle Métiers du Livre de l’IUT Bordeaux-Montaigne.


La Révolte d’Ardathia - Francis Flagg – Traduit de l'américain par France-Marie Watkins et Georges H. Gallet - L’Apprentie - 117 pages – 9,90 € - ****
François Rahier