mardi 30 novembre 2021

Susan est revenue





Eh bien oui, elle est toujours là, Susan. Fine psychologue, elle donne même de bons conseils à Spenser qui enquête sur la disparition d'une jeune prostituée dans "La chair et le pognon". Conseils qui s'avèreront judicieux également dans une autre affaire. La mort d'un journaliste victime de son flair autour d'un gros trafic de cocaïne à Wheaton, un petit bled du Massachussetts où les gens se montrent très antipathiques. 




La vie sentimentale du privé de Boston est un peu morne dans ces deux épisodes ce qui donne une légère impression de routine. Quand Susan ne le fait pas souffrir, Spenser a du mal à sortir du lot. 
(à suivre




La chair et le pognon – De quoi il se mêle? – Robert Brown Parker – Série noire (1987) - **
Lionel Germain




lundi 29 novembre 2021

Susan reviendra-t-elle?


Trois romans publiés chez Mazarine et dans la Série noire donne un premier aperçu de Spenser, le privé de Robert Brown-Parker. L'intérêt réside bien-sûr dans la chronologie. "Le Disparu" a été écrit en 1974. Le détective est à la recherche d'un adolescent fugueur. Un schéma classique et une des toutes premières enquêtes de Spenser qui nous renseigne sur sa rencontre avec Susan Silverman. La jeune femme est conseillère d'éducation dans un collège. Leur amitié amoureuse dure encore dix ans plus tard. Traversée d'espoir et de crises, elle est pratiquement le véritable sujet des livres qui vont suivre. Au-delà des intrigues, on comprend surtout que Spenser évolue, souffre, se pose des questions au sujet de sa liaison avec la jeune femme. Elle aussi s'interroge, mesure les risques d'une vie commune et choisit finalement de mener une existence indépendante.



Dans "Base-ball boum", Spenser cherche à découvrir si Marty Rabb, la jeune idole du base-ball, est en cheville avec le Milieu pour truquer ses matches. Il sera amené au cours de son enquête à tuer deux hommes, et ne s'en sortira moralement que grâce au réconfort que lui apporte Susan. "Spenser, tu es un cas type pour le mouvement féministe. Un prisonnier de la mystique mâle. Ce dont je suis sûre, c'est que tu me plairais moins si cela ne te tourmentait pas d'avoir tué ces deux hommes."



En 1984, les choses ont bien changé. "À coups de goupillons" commence par la remise des diplômes sur le campus de Harvard. Susan a été reçue à son doctorat de psychologie clinique. Elle repart pour Washington et Spenser encaisse mal de se retrouver seul à Boston. Heureusement, Paul Giacomin arrive pour lui tenir compagnie. Paul est un danseur revenu à la vie après l'intervention de Spenser dans "Printemps pourri". Paul, Spenser et Susan formaient presque une famille. Pour tromper l'ennui et la déprime, Spenser enquête sur la disparition d'une danseuse de la troupe de Paul, victime probable d'une secte religieuse. On suit agréablement les péripéties de l'intrigue, mais au bout du compte, Susan reviendra-t-elle? 
(à suivre)



Le Disparu (Mazarine - 1974 et réédition 10/18 - 1990) – Base-ball boum (Série noire - 1984) – À coups de goupillons (Série noire - 1985) - Robert Brown Parker - ***
Lionel Germain




samedi 27 novembre 2021

Bavard et ricochets


Un avocat accusé de meurtre et incapable de rassembler les cinq millions de dollars de caution, c'est le portrait peu enviable de Mickey Haller. Son nouveau  statut de prisonnier permet à ce bavard professionnel de tester l'ordinaire de ses clients. Mickey Haller est un héros de substitution. L'auteur l'a créé pour compléter la famille recomposée de Harry Bosch. Et Harry Bosch, son demi-frère, apparaît discrètement, un peu comme une illusion d'optique dont le ricochet nous abandonne au deuxième rebond dans les remous existentiels de l'avocat. Lequel est accusé d'avoir tué un escroc retrouvé dans le coffre de sa voiture.



Mickey Haller parle beaucoup. Son innocence ne fait pas de doute pour le lecteur mais les faits sont cruels. L'escroc était un de ses clients avec lequel il avait un sacré contentieux. Et pour l'enfoncer davantage, le FBI semble jouer un drôle de jeu. Question plaidoirie et effets de manche, on peut compter sur le talent de Michael Connelly, à une époque chroniqueur judiciaire pour le Los Angeles Times. Son savoir-faire est un des atouts de ce polar plaisant. 




L'innocence et la loi – Michael Connelly – Traduit de l'américain par Robert Pépin – Calmann-Lévy noir – 504 pages – 21,90€ - **
Lionel Germain



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vendredi 26 novembre 2021

Trois îles et un cercueil

 
"C'était un homme qui aimait les îles". La première que choisit le narrateur est couvertes de pruneliers, de primevères et de jacinthes bleues. On y trouve une ferme et trois chaumières. Mais cette petite communauté se refuse à l'harmonie et coûte cher à son propriétaire qui la revend. 



La deuxième île, plus petite, sur laquelle il emménage avec cinq personnes à son service laisse entrevoir un bref instant l'idée du bonheur. Face à la mer, l'écrivain se pose la question et ajoute: "Je suis transformé en rêve." Et puis il y a cette jeune fille pour laquelle il succombe en se sentant déjà empli d'une mort sans volupté. Fuyant son enfant et la promesse d'un foyer, il abandonne encore sa maîtresse pour une autre île, la troisième. 



Le voilà dans une petite maison près d'une plage de galets, avec des moutons et un chat. Même ces animaux ne tardent pas à lui faire horreur. Les oiseaux ne font plus escale. L'hiver n'est pas qu'une saison. Bientôt, une lumière grise et glacée fige le décor.

On peut faire l'exégèse de cette nouvelle, chercher à comprendre ce qui nous échappe toujours dans la quête d'idéal, mais reste encore à s'abandonner à la puissance poétique du texte qui ramène dans ces trois vagues successives les vapeurs navrées de l'existence.

L'homme qui aimait les îles – D.H. Lawrence – Traduit de l'anglais par Catherine Delavallade – L'arbuste véhément éditions de l'Arbre vengeur - 100 pages – 6€ - ***
Lionel Germain




jeudi 25 novembre 2021

Une femme en colère


C'est une déclaration d'intention: les éditions Dalva se proposent de "mettre à l'honneur des autrices contemporaines", et dans la livraison d'automne, on s'arrêtera sur cette "Étrangère" d'Olga Merino, un roman aux couleurs de l'Espagne, brûlantes et sèches. 




Angie a été la compagne à Londres d'un peintre disparu tragiquement. De retour en Espagne, elle est une étrangère dans son propre village, et son désir de liberté se heurte aux préjugés qui animent la guerre de succession après la mort d'un grand propriétaire. Un roman féministe sur fond de lutte des classes.





L'Étrangère – Olga Merino - Traduit de l'espagnol par Aline Velasco – Dalva éditions – 288 pages – 21,90€ - ***
Lionel Germain 




mercredi 24 novembre 2021

Un nouveau regard




Quand il s’agit d’un des plus vieux thèmes de la SF – les robots du tchèque Karel Čapek ont eu cent ans l’an dernier – nul doute qu’il faille  revoir nos copies, jusqu’au changement de paradigme. L’intérêt de ce nouveau dossier est double: il propose d’abord des visions alternatives sur l’IA, le robot, l’homme et la machine; ensuite il croise les regards. Le passionnant débat qu’il propose via zoom entre trois auteurs, un français, une chinoise et un japonais, esquisse un nouvel imaginaire des rapports homme-machine dans un cadre qui ne serait pas forcément dystopique.


Intelligence Artificielle et Science-Fiction - dossier coordonné par Denis Taillandier - Revue Galaxies n° 71 - 192 pages - 11€ - sur commande en  librairie ou sur le site de galaxies-sf.com (non sécurisé) 
François Rahier



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mardi 23 novembre 2021

Chasse gardée



Quand il ne nous perd pas dans la jungle guyanaise, Colin Niel aime prendre de la hauteur. "Seules les bêtes", adapté par Dominik Moll, était un magnifique roman choral dans l'âpreté du Causse. "Entre fauves" nous entraîne du désert de Kaokoland en Namibie à la Vallée d'Aspe où Cannellito, dernier représentant des ours pyrénéens a disparu. C'est encore à plusieurs voix que se raconte cette traque entre Martin, le garde du Parc national des Pyrénées, et Appoline, la chasseuse de fauves. Avec en surplomb, le souffle brûlant d'un lion en cavale dans le désert de Namibie.

Entre fauves – Colin Niel – Rouergue noir – 352 pages – 21€ - *** 
Lionel Germain





lundi 22 novembre 2021

Disparitions inquiétantes




Le titre annonce la couleur un peu brutalement dans cette affaire de disparitions d'adolescents une nuit de fête de la musique. Qui sont les ravisseurs? Où est passé Rafaël qui manque encore à l'appel? Et qu'est-il arrivé à Roxane dont la mère est morte quand elle avait cinq ans, précipitée sous un train en présence de sa fille? Toutes ces questions ne trouvent que des réponses partielles et la "cannibale" dont le portrait se dessine peu à peu a tout du personnage récurrent qui hantera le prochain épisode. 



Cannibale – Danielle Thiéry – Syros – 384 pages – 16,95€ - *** – 
Lionel Germain




samedi 20 novembre 2021

Une odeur de forêt


"Le shérif Gains a l'air d'un bout de bois sculpté qu'on a laissé sous la pluie. (…) il émane de lui une odeur de forêt, toute de résine et de feu de bois, qui, obscurément, lui donne l'air d'un vieillard."



Le roman d'Anna Bailey emprunte son titre original et ses fragrances à un coin perdu d'Amérique, les Tall Bones du Colorado. Alors que la nuit s'apprête à napper les bois de ses ombres, la jeune Abigail s'échappe du feu de camp autour duquel dansent et s'amusent les lycéens. Il y a l'alcool, les rires et les coyotes qui rôdent. Sa disparition après un dernier regard à son amie Emma entrouvre les portes de l'enceinte familiale où le père fait régner une loi violente. 




Anna Bailey qui a vécu dans une petite communauté religieuse du Colorado, exsude la substance toxique de ces bourgades rurales. Homosexualité, marginalité sociale: derrière les prêches compassionnels du pasteur de l'église baptiste se fomentent les projets d'exclusion, et sous la plume talentueuse de cette jeune autrice, les paysages bucoliques se chargent soudain des humeurs de l'automne pour féconder haine et rancœur.

Une pluie de septembre – Anna Bailey – Traduit de l'anglais par Héloïse Esquié – Sonatine – 408 pages – 21€ - ***
Lionel Germain



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vendredi 19 novembre 2021

Tapis vert au noir



Dans les romans d'Edyr Augusto, il n'y a pas vraiment de gentils. L'écrivain peut-être? C'est à lui qu'un caïd raconte l'histoire de ce coin de Brésil aussi accueillant qu'une mare de piranhas. La prohibition a toujours fait la fortune des gangsters. Ici, c'est le casino clandestin qui enrichit le maître des lieux. Des histoires de bandits voués à la cupidité, au crime, parfois à l'amour mais surtout à la fatalité des morts subites, des destins raccourcis par la reine des tapis verts: la malchance. 


Casino Amazonie – Edyr Augusto – Traduit du brésilien par Diniz Galhos – Asphalte – 208 pages – 20€ - *** 
Lionel Germain





jeudi 18 novembre 2021

Exercice de stylet





L'inspecteur s'appelle Gamelle, les victimes se comptent par dizaines aux arrêts de bus et aux passages piétons, et l'adjoint de l'inspecteur est un cul-de-jatte. L'assassin manie son poignard sans volupté mais la beauté est dans la répétition qu'exige un monde pétri de transgressions inesthétiques. Burlesque et acide.





Un flic bien trop honnête – Franz Bartelt – Seuil Cadre noir – 176 pages – 17,50€ - **
Lionel Germain




mercredi 17 novembre 2021

Les aventuriers de la Cité perdue


De la Colombie des narcotrafiquants ou des FARC en voie de repentance aux forêts andines regorgeant de mythes ou de leurres, ce roman haletant, flirtant avec le fantastique et l’ésotérisme peut se lire aussi comme un guide de voyage à haut risque. Escorté d’un bon garde du corps, on y apprend comment déguster une "bandera paisa", le plat national, ou fumer le puro de là-bas – moins bon que le cubain, en buvant force "Vive 100". Et le rêve des cités d’or, poursuivi par les anciens conquistadors, Indiana Jones ou le colonel Fawcett qui fut son modèle, reprend les hommes. Au risque de se perdre, ou de tout perdre.


Comuna 13 - Philippe Ward - Cal Ana/Rivière blanche - 280 pages - 20€
François Rahier



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mardi 16 novembre 2021

Enfants volés


Tout est tellement terrible dans la Shoha qu'on a du mal à en isoler un épisode sans le mettre en perspective avec la "solution finale". Robert et Gérard Finaly ne sont qu'en apparence des miraculés du massacre. 


Enfants juifs confiés à une femme qui crut les sauver en les baptisant, ils furent l'objet d'un marchandage sordide pendant huit ans, de 1945 à 1953. Marie Cosnay nous raconte la crise diplomatique que provoqua une tante installée en Israël. Elle exigeait de pouvoir récupérer les orphelins. Retour impressionnant sur les zones d'ombre de l'après-guerre, les compromissions de l'Église et les mauvais calculs de l'Espagne franquiste. Et la question: de quoi le baptême était-il censé protéger les deux enfants Finaly?



Comètes et perdrix – Marie Cosnay – Éditions de l'Ogre – 170 pages – 19€ - ***
Lionel Germain




lundi 15 novembre 2021

A couteaux tirés


Valentin Musso s'est désormais fait un beau prénom dans le "suspense psychologique". "Qu'à jamais j'oublie" s'ouvre sur une scène étrange et dérangeante. Nina Kircher, la veuve d'un photographe célèbre, quitte la piscine de son hôtel pour aller poignarder un homme dans son bungalow. Avec la même économie de pathos que l'Américain Grisham dans "La Sentence", Valentin Musso perce peu-à-peu la muraille de silence dans laquelle Nina s'est repliée en déléguant à son fils la charge de l'enquête. Celle-ci nous livre les secrets douloureux d'une enfance maltraitée et les étranges pratiques de certaines institutions en Suisse.


Qu'à jamais j'oublie – Valentin Musso – Seuil – 314 pages – 19€ - ***
Lionel Germain




samedi 13 novembre 2021

Enquête à contrejour


Comme l’impression d’abord de passer à côté de l'histoire par la faute d'une distraction coupable mais préméditée par l'auteur. L'histoire donc d'une disparition d'enfant au cours d'un vide grenier scolaire. Le vague indice d'un homme avec un ours en peluche et l'enquête de routine à laquelle on s'attend. Jan Costin Wagner s'emploie à nous perdre en livrant les échos fragmentés du réel à travers les points de vue multiples. Mais davantage qu'un roman choral, c'est un labyrinthe narratif dans lequel se croisent des personnages à contrejour.


Ben et Christian pourraient se réduire aux silhouettes stéréotypées qui fonctionnent dans toutes les séries. Les deux flics ne donnent à voir que des reflets d'eux-mêmes destinés à la bonne marche d'une procédure pénale. Ce qu'ils préservent à l'ombre du récit constitue le joyau littéraire de cet auteur allemand, maître des introspections bouleversantes. Une scène de crime fantomatique où des fils de lumière comme projetés de l'intérieur des personnages tissent peu à peu la trame du roman noir.




L'été la nuit – Jan Costin Wagner – Traduit de l'allemand par Marie-Claude Auger – Actes sud – 288 pages – 22,50€ - ****
Lionel Germain



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vendredi 12 novembre 2021

Mauvaises fréquentations


Une vieille dame vient voir Robert Flécheux, détective privé depuis vingt ans déjà dans une petite ville où les affaires sont rarement exceptionnelles, pour qu'il retrouve sa petite fille disparue. Flécheux va découvrir que Mouche, la fugueuse imprudente, a côtoyé des gens peu fréquentables dans le milieu du cinéma et de la prostitution. Le détective aura bien du mal à dénicher son "Arlésienne" et beaucoup de témoins disparaissent, victimes d'un assassin mystérieux.


 
Ce premier roman de la série "criminelle" de Demouzon s'éloigne volontairement des modèles américains dont le pastiche ou la copie servile était de rigueur à l'époque. On retrouve néanmoins l'action violente et l'atmosphère des romans noirs mais Demouzon nous persuade peu à peu que son "héros" a une histoire et que c'est cette histoire, celle de son personnage, qu'il est en train de nous raconter.





Mouche – Alain Demouzon – Flammarion J'ai Lu (1976) – *** 
Lionel Germain





mercredi 10 novembre 2021

Romances interplanétaires



Auteur de l’âge d’or, familier des "pulps" un peu oublié de nos jours, Kline est surtout connu pour ses démêlés supposés avec Edgar Rice Burroughs, le créateur de Tarzan. Coup de bluff d’un critique en mal de sensationnel sans doute: Kline n’a jamais plagié les cycles interplanétaires de son illustre contemporain, et ses personnages, d’ailleurs, visitent Mars, Vénus ou la Lune selon un protocole un tout petit peu plus scientifique. Mais Dumas ou Verne ne sont jamais très loin non plus, et le lecteur s’immerge dans ces récits d’aventures avec un plaisir régressif certes, mais bien réel. 


L’Aventurier de Mars - Otis Adelbert Kline - Traduit par Martine Blond - Introduction de Jean-Marc Lofficier - Rivière Blanche - 392 pages - 26€
François Rahier



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mardi 9 novembre 2021

Insécurité sociale



Les affaires de famille constituent la réserve inépuisable des intrigues de polar. François-Xavier Dillard y puise avec malice comme on pioche un sujet dans le chapeau d'un atelier d'écriture. Un gentil couple a perdu sa fille dans le naufrage d'un voilier. Quand débarquent de nouvelles voisines avec une fille qui ressemble à la leur, les signes annonciateurs de tempête narrative se multiplient. L'auteur s'en tire bien. Des errances de l'adolescente à la détresse de l'amour blessé, on fonce page après page vers une pirouette finale inattendue.



Prendre un enfant par la main - François-Xavier Dillard – Belfond – 336 pages – 19€ - ***
Lionel Germain



 

lundi 8 novembre 2021

Joli genou et vieux hibou


Autrice pour la jeunesse abondamment primée (on dit que ses tirages rivalisent avec ceux de la reine J. K. Rowling), Jacqueline Wilson a également écrit des polars pour adultes à ses débuts. "Truth an Dare" qu'a traduit Maurice Bernard Endrèbe a été publié dans la collection Littérature Policière des éditions Fleuve noir en 1984.



Un arrêt d'autobus sous la pluie, une jeune femme seule avec ses emplettes, une voiture qui s'arrête pilotée par un vieux monsieur déjà chauve. La jeune femme grimpe avec ses paquets trempés. Merci, bonsoir… et vogue la galère. Quand la main baladeuse atteint le sommet du genou, la jeune femme a presque envie de rire. Elle s'appelle Claire et le film d'Éric Rohmer est l'un de ses préférés. Mais les doigts ont bientôt une audace déplacée. Elle réussira à se débarrasser du vieux dégueulasse mais ses malheurs ne feront que commencer. 


Un mari impuissant et jaloux ameute la police pour venger l'honneur de sa femme, et l'inspecteur de la brigade criminelle, séducteur inquiétant, va paniquer la victime qu'il devait rassurer. Et puis "le vieux", qui rôde, et qui finit par retrouver la trace de Claire. Le drame va se jouer là où on l'attendait le moins. Portrait peu flatteur du rapport amoureux que Michel Lebrun exécuta littérairement dans sa recension des polars en 1985.




Pauvres de nous – Jacqueline Wilson – Traduit de l'anglais (GB) par Maurice Bernard Endrèbe - Littérature Policière Fleuve noir – ** 
Lionel Germain




samedi 6 novembre 2021

Mormones à foi basse


"On croise parfois ce genre de filles, les vraies dévotes, à Salt Lake City." Elles ont des tresses remontées en coussin sur le haut du crâne et ont besoin de près d'une heure pour le dresser. L'Amérique est culturellement une terre de contraste depuis les origines et le paganisme dépravé de Vegas cousine avec la ferveur paranoïaque de certains mormons.




Alors même que la polygamie est illégale, Rachel, Tina et Emily, les personnages de Cate Quinn, sont les trois épouses du dévot Blake Nelson. Quand ce dernier est assassiné, les enquêteurs découvrent que ses femmes ne sont pas des images pieuses. Chaque veuve a une histoire et a connu le monde "réel" avant le repli sectaire dans le ranch de Blake Nelson. 




Ce sont d'ailleurs elles qui se racontent au fil d'un excellent roman choral où les rumeurs sacrées du "temple" masquent difficilement le lamento de ses petites victimes. En désespoir de cette fin des temps qu'on leur promet et dans les coulisses du radicalisme religieux, les mormones à foi basse mènent l'enquête et retrouvent l'appétit de vivre. 

Les trois épouses de Blake Nelson – Cate Quinn – Traduit de l'anglais par Maxime Berrée - Presses de la Cité – 535 pages - 22€ - *** 
Lionel Germain



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vendredi 5 novembre 2021

Une histoire de femmes


Le roman de Amy Jo Burns fait surgir un décor d'un autre temps, coincé aux pieds des Appalaches, portion de cette Rust Belt où la rouille du désert industriel semble aussi corroder l'âme des hommes.



Wien est la fille d'un pasteur. Il élève les serpents, et la dîme ne suffit pas à nourrir sa famille. Ruby, son épouse, est cette femme sans histoire que convoque le titre, contrainte au silence comme sa meilleure amie Ivy, mariée elle à un ivrogne. Entre ces deux-là, l'amitié ressemble à l'amour. Et le magnifique roman d'Amy Jo Burns est une reconstitution de cette "histoire" dont Wien, bousculée dans son enfance et son propre assignement, va tenter de faire fructifier l'héritage.



Les femmes n'ont pas d'histoire – Amy Jo Burns - Traduit de l'américain par Héloïse Esquié – Sonatine – 304 pages – 23€ - ****
Lionel Germain




jeudi 4 novembre 2021

Promesses de murs


Lavie Tidhar vit à Londres. Son héros Lior Tirosh à Berlin. Les deux partagent leur destin d'exilés et le rêve d'une terre promise où des enfants bien nourris courent sans danger sur des plages baignées de soleil. Mais le titre du roman nous prévient: aucune terre n'est promise. 

Ni la Palestine sur laquelle s'est fondé l'État d'Israël, ni la Palestina fictive au cœur de l'Afrique qu'avait envisagée un ingénieur en 1904, ni même l'Altneuland utopique que projetait Theodore Herzl, le fondateur du sionisme dans la Palestine actuelle. Dans ce roman fantastique où le possible et le souhaitable se heurtent à la réalité de l'expropriation et du colonialisme, ce sont les murs qui finissent par triompher, et ce sont les murs que cherche à traverser l'écrivain accompagné d'un narrateur secret. Aucune terre n'est promise mais comment vivre sans cette promesse?


Aucune terre n'est promise – Lavie Tidhar – Traduit de l'anglais par Julien Bétan – éditions MU – 272 pages – 21€ - *** 
Lionel Germain





mercredi 3 novembre 2021

L'Alpha et l'Oméga


Le 8 avril 1378, dans une ambiance insurrectionnelle, un conclave élit à Rome Urbain VI, successeur du dernier pape d’Avignon Grégoire XI – et déclenche le Grand Schisme d’Occident. L’enquête que diligente au même moment Nicolas Eymerich sur la résurgence de cultes impies nous entraîne dans une dérive hallucinée au cœur de la Ville éternelle en proie à la pestilence, l’anarchie et la corruption. Le célèbre inquisiteur y rencontrera son double venu du  lointain futur. C’est la dernière enquête d’Eymerich. L’auteur y mêle, avec talent et pour le plaisir du lecteur, SF, roman historique et uchronie.


Le fantôme d’Eymerich - Valerio Evangelisti - Traduit de l’italien par Jacques Barbéri - La Volte - 289 pages - 20€
François Rahier



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