vendredi 6 août 2021

Cyr accourt à Syracuse


On a aussi besoin d'eux, des héros moins cabossés que les poivrots du roman noir. Peut-être un besoin d'enfance, besoin de retrouver les vadrouilles que nous offrait Paul Kenny au Fleuve noir avec les aventures de Coplan, agent secret et cœur vaillant. 



Nash Gopler, le personnage de Pierre Gobinet a quitté la gendarmerie mais pas ses potes de St-Cyr. Moniteur de plongée aux Bahamas, il reprend du service officieusement pour inspecter un porte-conteneur coulé au large de Syracuse. Trafiquants d'armes, femme fatale et embrouilles secrètes de la France dans la géopolitique méditerranéenne, l'intrigue bourrée d'adrénaline offre un bon moment au lecteur.





La confrérie des espadons – Pierre Gobinet – Seuil cadre noir – 296 pages 19€ - ***
Lionel Germain


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Fièvre noire


Cette année-là, des hommes et des femmes de France ont jugé que le monde ne tournait pas rond. Pour ne pas mourir au fond de l'impasse, ils ont improvisé une ronde à nos carrefours et redonné des couleurs à leur vie. Jaunes. Les héros de Jérémy Bouquin sont les soldats perdus d'une colère légitime. 



Comme le meilleur des reportages, son roman raconte cette crise à travers le personnage d'une femme, Sandrine. Emploi précaire, désert géographique, toutes les cases cochées ramènent le constat sociologique à la chair meurtrie d'une femme bancale. On parle de soldats perdus parce que les guerres sans généraux convoquent un avenir de défaite. Jérémy Bouquin restitue la puissance du mouvement et l'impuissance des combattants réduits pour certains à une fraternité des chopines sans lendemain. 



Pour Sandrine, la fin du rêve coïncide avec le retour du cauchemar conjugal dont on ne cesse de faire la chronique scandaleuse depuis bien trop longtemps.

Colère jaune – Jérémy Bouquin – Éditions In8 – 256 pages – 18€ - ***
Lionel Germain 




mercredi 4 août 2021

Terreur au foyer


Sa "Maison hantée" passe sur Netflix, dans une série qui la met en parallèle avec "Le Tour d’écrou" de James. Auteure un peu oubliée des années d’après-guerre, l’américaine Shirley Jackson écrivait aussi pour des magazines féminins.




Ses romans et ses nouvelles dessinent les contours d’un univers clos où la famille et la maison ont une place prépondérante, et dans lequel le rêve américain tourne souvent au cauchemar, comme dans "La loterie", récemment adaptée en BD. Écrire, pour une femme, est alors la seule issue. Un dossier bien documenté, une étude passionnante signée du bordelais Jean-Daniel Brèque.




Shirley Jackson: hantée… - revue Bifrost n°99 - Le Bélial’ - 191 pages – 11,90€ - ****
François Rahier 



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Le troisième homme




Entre Barjavel et Jeury, le troisième homme était une femme. Gilles Thomas, qui signa aussi Julia Verlanger, était le pseudo d’Éliane Taïeb. Une vingtaine de nouvelles, autant de romans, marquèrent de son empreinte la SF française entre 1956 et 1982. Son écriture, âpre, renouvela le post apo en France avec "L’Autoroute sauvage". Ce dossier très complet offre en outre des extraits de sa correspondance inédite avec Michel Jeury.





Julia Verlanger - Revue Galaxies n° 56 - 192 pages - 11€ - ****
François Rahier 


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lundi 2 août 2021

Stage rédempteur




La culture de l'excuse est l'argument dont se prévalent les partisans d'une sanction du crime indifférente à la singularité du criminel. Jaxie Clackton, le héros adolescent de Tim Winton, n'est pas un ange. C'est pour ça qu'il prend la route après la mort accidentelle de son père. On pourrait bien l'accuser d'avoir abrégé la vie du bourreau de son enfance. Jaxie n'est pas un ange mais sa rencontre avec un vieil homme va transformer sa cavale en stage rédempteur. 



Le polar est affaire de décor. La baraque du prêtre défroqué est en tôle ondulée. "Sur le porche, à l'ombre, y-avait deux sièges. Qui provenaient d'une bagnole. (…) Plus loin, devant le mur de devant, y-avait un amas de bidons, d'outils rouillés et des cordes. Plus une brouette." C'est là qu'ils vont s'apprivoiser et prendre la mesure des dangers qui menacent chacun d'eux. Accroché au rêve d'un nouveau départ, Jaxie devra affronter la violence du monde, et c'est le beau roman de cette mue que nous propose Tim Winton.

La cavale de Jaxie Clackton – Tim Winton – Traduit de l'anglais (Australie) par Jean Esch – Gallimard La Noire – 304 pages – 22€ - ***
Lionel Germain