vendredi 29 mars 2013

Taiseux




 
 C'est grâce à son excellente maîtrise du contrechamp qu'Élisa Vix réussit à nous frayer un chemin jusqu'à l'intimité parfois rétive de ses personnages, une jeune vétérinaire et un fermier taiseux. Le couple se délite dans le souvenir du jour où une voiture s'est abîmée dans la rivière, laissant un homme mort sur la berge. Menace imprécise, paysage austère, sur une partition difficile entre silence et narration intérieure, Élisa Vix écrit un roman maigre et savoureux comme un saucisson du Cantal.
 
 
 
 
La nuit de l'accident – Elisa Vix – Rouergue – 142 pages – 16 € - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 20 mai 2012




jeudi 28 mars 2013

Enquête privée




 
 
 
 C'est toujours assez improbable de vouloir imaginer des enquêtes menées par des détectives privés dans la France du XXIème Siècle. Le modèle anglo-saxon, lui-même très daté, est une référence insoutenable. Restent l'hommage, la parodie ou le mélange des deux. En citant Fajardie, l'écrivain disparu en 2008, Patrick Amand évoque le néo-polar même si son personnage emprunte son côté fouineur et son invraisemblance au Nestor Burma de Léo Malet. Grégorio Valmy, apprenti détective, enquête sur la personnalité d'un disparu dont une partie de l'histoire se confond avec celle du Débarquement. Humour et fantaisie.
 
 
L'affaire du noyé de Poitiers – Patrick Amand - legestenoir – 181 pages – 15€ - **
Lionel Germain



mercredi 27 mars 2013

Cadavre exquis




 
 
En 1924, les hommes ont disparu dans un trou noir et les femmes sont un agréable mystère. Camille, reporter au "Petit journal", s'intéresse aux surréalistes après une série de meurtres apparemment inspirés d'un tableau de Max Ernst. Portraits sinistres et numérotés de Crevel à Gala, "Au rendez-vous des amis" conduira Camille dans l'intimité de Desnos et de poètes qui ne sont pas que de doux rêveurs. Surprenante description d'un cénacle d'artistes fascinés par le tranchant des guillotines.
 
 
 
 
 
La mort n'a pas d'amis – Gilles Schlesser – Parigramme – 120 pages – 8,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 mars 2013



mardi 26 mars 2013

Jazz à Berlin





Half-Blood Blue, empruntant sa mélodie de façon provocatrice au Horst Wessel allemand, dérobe 3 minutes 33 secondes de magie au réel qui affute ses crocs en 1940. Enregistré par deux Noirs de Baltimore et un métis mi rhénan, mi sénégalais, le trompettiste Hieronymus Falk, ce blues renforce sa légende après la disparition mystérieuse de Hiéro à sa sortie des camps. Esi Edugyan raconte avec tendresse l'histoire d'une trahison amoureuse et artistique aux terribles conséquences.




3 minutes 33 secondes – Esi Edugyan – traduit de l'anglais par Michelle Herpe-Voslinsky – Liana Levi – 368 pages – 22€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 mars 2013 


Berlin, 1940.
Sid, le narrateur, est un contrebassiste noir de Baltimore, fils de deux quarterons. 
Chip le batteur, lui aussi de Baltimore, a 15 ans d'héroïne dans le tempo. 
Hiero, le trompettiste, est un sang mêlé. Le côté rhénan de sa mère ne saute pas aux yeux.

Berlin 1992.
Un an plus tôt, Chip et Sid ont collaboré à un documentaire sur Hiéronymous Falk, le trompettiste disparu à sa sortie d'un camp autrichien de Mauthausen. Ce documentaire réalisé par un jeune cinéaste, Kurt Caspars, au style proche de celui de Falk, retrace la condition des Noirs dans l'Allemagne nazie. Beaucoup d'Afro-américains sont venus dans les années vingt pour échapper au racisme du Sud. Le vrai problème pour les nazis, ce sont ces métis allemands, symboles de la défaite et de la décadence du pays. Ils finiront d'ailleurs dans les camps.

La révélation terrible de Chip dans ce documentaire concerne le rôle qu'aurait joué Sid dans l'arrestation de Hiéro. Trahison provoquée par une jalousie amoureuse (cette Dalilah dont s'est épris Sid est aussi fascinée par le talent et la fragilité de Hiéro), et professionnelle (Louis Armstrong ne retiendra pas Sid pour tenir la contrebasse dans leur enregistrement commun).










lundi 25 mars 2013

Cinéma, cinéma




 
 
 Marin Ledun transforme Robert Wagner en caméra subjective et nous invite à le suivre sur son yacht, le 28 novembre 1981, en compagnie de Christopher Walken, de Natalie Wood, d'une cargaison de cocaïne et de 250 000 dollars. Un casting à ruiner le producteur et un coktail tellement explosif qu'on aura beaucoup de mal à croire à la thèse de la noyade accidentelle de Natalie Wood. Le réalisateur non plus qui nous propose un polar plus crédible que la version officielle.
 
 
 
 
No more Natalie – Marin Ledun – Polaroid In8 – 85 pages – 12€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 mars 2013



vendredi 22 mars 2013

Refroidissements




 
 A la tombola du bal des pompiers, le premier prix est un homard et il est pour Camille, le personnage insaisissable de cette histoire. Depuis qu'on lui a mis une vis dans la tête, son gentil mari n'est plus aussi gentil qu'avant. Il travaille dans l'immobilier mais sa femme est persuadée qu'il déménage. Et puis l'air iodé commence à manquer aux touristes qui meurent sur les plages bretonnes. Refroidissements définitifs et provoqués. Camille a peur. Peu à peu, nous aussi. Pas de son mari mais de Camille. De son affection pour les vide-greniers, les pics à glace et les homards.
 
 
 
Une grande maîtrise de la pirouette et du contrepied littéraire.
 
Le homard – Pascale Dietrich – Polaroid In8 – 93 pages – 12€ - ***
Lionel Germain



jeudi 21 mars 2013

Père de jumelles




 
 
 Découvrir la logique d'un crime soumise à l'habileté d'un enquêteur, c'est la "positive attitude" que le roman noir a dynamité. Élisa Vix installe un compromis réjouissant, une énigme à l'ancienne et un flic bien branché sur le chaos contemporain. Ses deux petites filles jumelles ne l'émeuvent guère. D'autant que la victime de son affaire est également née sous le signe des gémeaux. Méfions-nous des mous qui collent à leurs dossiers. Thierry Sauvage est très attachant.
 
 
 
 
Rosa Mortalis – Élisa Vix – Rouergue noir – 288 pages – 20€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 17 mars 2013



mercredi 20 mars 2013

Grand Sommeil





 L'assassin d'une crapule mérite l'indulgence du jury et on absout volontiers Manuel Gemoni. Il a tué Tobias Darbier, l'homme haï de Saint-Domingue. Le problème, c'est que Gemoni arrive de France, qu'il ne connaissait pas sa cible et qu'il est incapable d'expliquer son geste. Mallock va obtenir l'autorisation de le mettre sous hypnose et découvrir que l'âme de Gemoni est habitée par de drôles de témoins. Réminiscences douloureuses de la débâcle allemande après le débarquement.




Le cimetière des hirondelles – Mallock – Fleuve Noir – 432 pages – 19€ - **
Réédition remaniée février 2016 - Fleuve noir - 446 pages - 14,90€ - 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 mars 2013







mardi 19 mars 2013

Carnaval d'espions




 
 Le mauvais ange s'appelle Frankie. Manipulateur mythomane, sa fréquentation empoisonnée est fatale à ses victimes, quelques étudiants qu'il persuade d'une mission secrète contre le terrorisme. Privés de leur libre-arbitre, s'abandonnant corps et âmes à leur bourreau, ils finiront dépouillés, humiliés et traqués. "C'est quoi le réel après tout?". N'est-on pas construit et assiégé en permanence par des certitudes qui ne sont que des actes de foi? Inspiré d'une histoire vraie, le récit de Tina Uebel est glaçant.
 
 
 
La vérité sur Frankie – Tina Uebel – Traduit de l'allemand par Stéphanie Lux – Ombres noires – 384 pages – 19€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 mars 2013




lundi 18 mars 2013

Vol de guêpes sur fleurs du mal

 
 
 Mirobole éditions, nouvelle enseigne bordelaise, propose dès cette semaine le premier polar de son catalogue, avec une Danoise pour ouvrir le bal. Inger Wolf a d'autres atouts à faire valoir que son appartenance à la tribu très prisée des auteurs scandinaves. En 2006, ses débuts dans le thriller ont été récompensés par un prix au Danemark. Son quatrième roman, "Nid De guêpes", met en scène Daniel Trokic un flic d'origine croate qui opère dans la ville d'Arhus, une ville portuaire guère plus grande que Bordeaux.
 
 
 
 En vacances chez sa famille à Zagreb pour les fêtes de fin d'année, Trokic est invité par son chef à rentrer dare-dare mener l'enquête sur un homicide plutôt tordu. La police danoise a un taux d'élucidation d'affaires parmi les plus élevés au monde et les histoires de tueurs en série n'encombrent pas ses statistiques. Ce qui rend la mort de Mads Birks, la victime, d'autant plus surprenante. L'adolescent au corps supplicié est retrouvé entouré de guêpes mortes, les lèvres découpées au scalpel.
 
 
 
 
Le cœur plein des drames de Vukovar, Trokic est un flic solitaire dans une équipe très familiale. Tandis qu'ils traquent sans succès un assassin fasciné par l'acteur Kevin Spacey, un fou aimable barricadé dans ses mauvais souvenirs d'enfance essaie lui aussi d'échapper au vrombissement des guêpes.
 
Inger Wolf joue sur plusieurs registres: procédure policière, suspense et portrait d'un personnage, Trokic, lui-même à double entrée. Son intrigue à la tonalité  parfois baudelairienne est un beau coup d'envoi pour cette jeune maison d'édition.
 
Nid de guêpes – Inger Wolf – traduit du danois par Alex Fouillet – Mirobole éditions - 384 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 17 mars 2013



A lire également dans Sud-Ouest



vendredi 15 mars 2013

Un amour de banquier




 
 
 
 Dans "Le tailleur gris", un roman sans Montalbano où Camilleri décrit l'emprise d'une femme fatale sur un banquier à la retraite, la mafia rôde toujours dans les coulisses mais les premiers rôles s'affrontent sur la scène des amours contrariées. Récit d'une déchéance analysée de l'intérieur, ce texte d'une grande sobriété est un vrai diamant noir.
 
 
 
 
 
 
 
Le tailleur gris - Andrea Camilleri – Points Seuil – traduit de l'italien par Serge Quadruppani – 188 pages – 6,60€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 2010



jeudi 14 mars 2013

Camilleri: Mafia Blues



 De Calabre, nous parvient une bouffée nauséabonde sans rapport avec le scandale des ordures mais provenant du même puits ténébreux dont Leonardo Sciascia analysait les miasmes dans "Le jour de la chouette". Andrea Camilleri, qui a bien connu Leonardo Sciascia, se consacre depuis la fin de sa carrière de metteur en scène, à décrire dans ses romans une ville imaginaire de Sicile, Vigata, dont il a d'abord évoqué le passé avant d'en faire la chronique contemporaine avec les aventures du commissaire Montalbano.
 
 
 
 
 Vieux, gourmand et parfois frivole, Montalbano n'en est pas moins un enquêteur dans un pays où la collusion entre le crime organisé et le pouvoir politique est un secret de polichinelle. Si la Ndrangheta cherche à se débarrasser de l'immigration africaine qu'elle a contribué à installer à la pointe de la botte italienne, c'est sans doute qu'il y a davantage à gagner en délocalisant la main d'œuvre européenne de l'Est, plus soluble dans le paysage.
 
 
 
 
 
 
 "Les ailes du Sphinx" raconte entre autres la "collecte" et l'exploitation de ces jeunes filles russes avec la complicité d'une association parrainée par des éminences. Entre autres seulement, parce que Camilleri s'attarde avec bonheur sur l'humanité vieillissante de son personnage, ses problèmes relationnels avec sa compagne et ses confidences culinaires.
 
Les ailes du sphinx - Andrea Camilleri - Pocket - 256 pages – 6,70€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 2010



mercredi 13 mars 2013

Derniers feux




 
 
 Montalbano vieillit et s'interroge. Par quel miracle ou quelle malédiction doit-il encore éprouver la chaleur d'un feu adolescent pour les beaux yeux d'une responsable de la Capitainerie? Il enquête sur des trafiquants, prépare des rougets avec amour, croise des personnages de Simenon, brise les "roubignoles" du Dr Pasquano "et conclut amèrement que comme flic il était peut-être bon, mais que comme homme, il était une demi-chaussette." Et le charme doit beaucoup à la traduction exigeante de Quadruppani.
 
 
 
 
L'âge du doute – Andrea Camilleri – traduit de l'italien par Serge Quadruppani – Fleuve Noir – 248 pages – 20,20€ - ***
Lionel Germain



mardi 12 mars 2013

Pas orthodoxe




 
 En 1782, on meurt beaucoup et de manière peu orthodoxe dans les milieux frivoles à Paris ou à Saint-Petersbourg. Un comte russe exilé est même assassiné à Paris. Accusée de vouloir ruiner les soyeux de Lyon, cette pauvre Reine n'aura jamais le cœur des Français qui applaudissent le Vert-Galant au théâtre pour mieux fustiger Necker. Nicolas Le Floch et son ami Bourdeau aiment en découdre sur les vices et les vertus de la monarchie. On sait ce qu'il en adviendra et le lecteur apprécie ce regard décalé sur les préludes de la Révolution.
 
 
 
 
L'enquête russe – Jean-François Parot – 10/18 – 475 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain



lundi 11 mars 2013

Au pays des Inuits




 
 Découvrir de nouveaux horizons sans quitter son fauteuil, c'est bien-sûr l'un des grands privilèges du lecteur. Ici, l'Alaska nous offre l'immensité de ses paysages avec le Pôle Nord en point de mire. Pendant l'Iditarod, une course de traineaux de mille-huit-cents kilomètres, une jeune femme d'origine inuit, le guide Edie Kiglagut, découvre un cadavre d'enfant dans la forêt et mène l'enquête en laissant agir son pouvoir de captation des énergies bonnes ou mauvaises. Glacé.
 
 
 
 
 
Le garçon dans la neige – M.J. McGrath – Traduit de l'anglais par Cécile Deniard  - Presses de la Cité – 390 pages – 22€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 10 mars 2013




vendredi 8 mars 2013

Terreur irlandaise




 
 
 Quand un officier de la DST est assassiné à Marseille dans une cité réputée difficile, De Palma et les policiers de la criminelle voient ressurgir les fantômes d'une guerre sale presque oubliée. Xavier-Marie Bonnot raconte avec beaucoup de vérité l'émergence d'une vocation terroriste chez une jeune femme amoureuse d'un guerrier celte et nous fait découvrir les collusions entre nationalistes irlandais et fascistes bretons. Un roman passionnant sur les parts d'ombre de l'ère Thatcher.
 
 
 
 
Les âmes sans nom – Xavier-Marie Bonnot – Pocket – 8,10€ - ** -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 29 mars 2009
 
 
 
Biographie de Xavier-Marie Bonnot sur K-libre
 
 
Xavier-Marie Bonnot chez son éditeur Actes Sud
 
 
 
 

jeudi 7 mars 2013

Tristes totems




 
 "Je hais les voyages et les explorateurs". Cette phrase qui inaugure l'un des plus beaux textes de la littérature française nous incite à lire ou relire Lévi-Strauss. C'est également sur  "Totem et tabou" de Freud que Xavier-Marie Bonnot s'est penché pour construire sa nouvelle aventure du commandant de police Michel de Palma. Assassinat d'un ethnologue, vol d'un crâne d'ancêtre, l'enquête flâne au fil des pages du journal de bord d'une goélette empruntée jadis par l'explorateur. La fièvre de Conrad sous les lumières de "Tristes tropiques".
 
 
 
 
Le Pays oublié du temps – Xavier-Marie Bonnot – Actes Sud – 333 pages – 21 euros - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 29 mai 2011



mercredi 6 mars 2013

Et délivrez-nous du Mal




L'enfer n'est pas très loin et il n'est pas du tout pavé de bonnes intentions. Les haines recuites n'en finissent pas de se caraméliser dans ce chaudron du Sud de l'Indiana. C'est de là que Frank Bill nous envoie ses chroniques, pas vraiment des nouvelles puisque le décor et les personnages se retrouvent d'un texte à l'autre. La bière brûle comme de l'acide et la famille est un sac de crotales. Des clans néanderthaliens s'observent avec furie, certains vendent leur fille pour boucler les fins de mois. Des flics bourrés croisent des chasseurs de cerfs défoncés à la meth.
 
 
Dans ce fatras de tripes et de sueur émergent des personnages émouvants, comme ce vétéran halluciné qui collectionne les oreilles de ses concitoyens, héritage d'un cauchemar acquis auprès des talibans. Ou cet autre vétéran d'une guerre encore plus ancienne. Son petit fils n'est pas pressé de faire sa connaissance après le portrait qu'en a dressé sa mère: un abruti qui a passé sa vie à tabasser sa femme pendant que ses deux fillettes s'abreuvaient d'une violence simulée en regardant Tom et Jerry. Et pourtant, sans jamais s'excuser, le vieil homme a sa propre souffrance dont il voudrait se délivrer.
 
 
 
Un premier texte à découvrir, dans la grande tradition des auteurs du Sud.
 
Chiennes de vie – Frank Bill – traduit de l'américain par Isabelle Maillet – Série noire Gallimard – 247 pages – 21€ - ***
Lionel Germain



mardi 5 mars 2013

Flic de Staline




 Quand Paul Watkins, alias Sam Eastland imagine un flic qui a les faveurs de Staline, il prend le risque de mettre en scène une ordure de première grandeur. Très habilement, c'est aussi la curiosité du lecteur qu'il suscite avec ce genre de paradoxe. En fait, l'inspecteur Pekkala a d'abord été dans les petits papiers du Tsar et c'est sa connaissance de l'ennemi que Staline utilise. Témoin de l'ivresse permanente de Raspoutine et n'ignorant rien des commanditaires de son assassinat, Pekkala ira logiquement au bagne après la révolution bolchevique. Si Staline le rapatrie sur Moscou, c'est qu'il est le dernier à détenir des secrets précieux.
 
 Ce paradoxe du personnage fonctionne sur le principe du plus petit commun dénominateur. La proximité de  Pekkala avec le nouveau dictateur lui permet d'observer les masques, d'éprouver l'effroi devant le monstre et de ressentir à quel point c'est l'équilibre fragile de la terreur qui caractérise ses rapports avec lui. Malgré tout, il reste attaché à la défense de son pays et collabore avec le régime.
 
 On est en 1939. Autour du T-34, l'arme décisive des Russes, s'agitent toute une bande de saboteurs. Pekkala fait son boulot et retrouve sur son chemin les membres d'une Confrérie blanche, anciens fidèles de l'époque tsariste.
 
Une bonne introduction à la compréhension de cette ère du goulag.
 
Le cercueil rouge – Sam Eastland – Pocket – 410 pages – 7,60€ - **
Lionel Germain



lundi 4 mars 2013

Paléolithique fiction

 
 
 
 Le commandant de Palma prend sa retraite et il va nous manquer. Certes, le personnage qui nous fascine c'est le méchant de l'affaire mais sa traque nous passionne moins pour ses effets spectaculaires que pour les liens qu'elle tisse entre les événements survenus dans une grotte préhistorique et l'hérédité inquiétante de l'assassin. Premier Homme, c'est le nom qu'il s'est donné. Sa première leçon de crime est encore visible sur des fresques de plusieurs milliers d'années. Psychopathe mais très doué, l'étudiant.
 
 
 
 
Premier Homme – Xavier-Marie Bonnot – Actes-Sud – 416 pages – 22€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 3 mars 2013
 
 
 
 

vendredi 1 mars 2013

Cook en stock




Birmingham, Alabama, mai 1963, un certain King harangue les foules dans une église bondée à la porte de laquelle les flics montent la garde. Les flics sont blancs, les foules sont noires. Les quatre cents pages du roman sont entièrement consacrées à cet état de surchauffe qui va précéder l'assassinat du Pasteur noir. Pour mieux comprendre les événements, Cook nous présente un flic blanc, Ben, qui va enquêter sur le viol et le meurtre d'une petite fille noire en plein cœur du ghetto. Une affaire qu'on aurait habituellement classée parce que le ghetto a ses propres lois et le pouvoir blanc d'autres chats à fouetter. La conscience de Ben lui interdit d'accepter la règle du jeu et Cook dessine avec brio son personnage de tragédie.
 
Les rues de feu – Thomas H. Cook – Folio – 448 pages – 7,13€
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – Novembre 1992
 
 
 
 
 
 Frank, nouvellement privé à New-York, traîne un ennui glacé depuis la mort de sa fille à Atlanta, ville dans laquelle il était flic. Apparemment, plus personne ne peut grand chose pour lui et il déserte les attraits de Karen, sa compagne, pour fréquenter un bar de nuit sur Park Avenue, "un autre monde grouillant, immédiat, où les gens vivaient encore avec leurs tripes."
 
 Une amie de Karen lui confie quand même un boulot: retrouver la famille d'une couturière assassinée. L'enquête le conduira à recomposer le passé de cette vieille femme juive qui dans sa jeunesse était une lutteuse acharnée du syndicat avant de franchir la barrière et d'accéder à un statut social élevé. Frank s'implique totalement dans le destin de Hannah dont il cherche à comprendre les mystérieuses reconversions.
 
 "Si les gens savaient comment un manteau arrive chez Bloomingdale's, ça leur briserait le cœur."
 
 Le cœur brisé mais sans éclats, Frank vit désormais replié sur la mémoire des autres entre son bureau et le bar de Park Avenue.
 
Haute couture et basses besognes – Thomas H. Cook – Série noire 2210 -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 1990