jeudi 31 janvier 2013

Retour de chariot

 
 
 Un Marc Behm libre de toute entrave et dont l'invention se calibre à l'ancienne, au retour de chariot. Le héros est né en Corse à la première page et flotte quinze heures après sa sortie de la maternité au large de l'île de Formentera. Recueilli par Lou­lou Saïd, le pêcheur de Sidi Ifni qui lui donnera le nom de son bateau, Fecunditatis, il échappera aux convoitises de sa belle-mère pour tomber perpétuellement entre les griffes de tous les prédateurs de la planète: Mafieux foireux, ter­ro­ris­tes en vadrouille. Un "dime novel" où le mot fin n'est qu'une pause d'artilleur.
 
 
 
Tout un roman! - Marc Behm - traduit de l'américain par Gérard de Chergé – Rivages noir – 368 pages – 9,65€ - **
Lionel Germain – Sud-ouest-dimanche – 9 mars 1997



 

mercredi 30 janvier 2013

Dégats de la narine

 
 
 
 Charpentier de marine et admirateur de Conrad, Jim Nisbet ne pouvait se refuser le plaisir d'un grand roman d'aventures maritimes. Comme il est aussi un auteur de polars, il a mixé les règles du genre pour obtenir cette odyssée d'un trafiquant de drogue en détresse sur son voilier bourré de cocaïne. Lorsqu'on aura précisé que l'une de ces briques de cocaïne contient l'ADN du président américain, on imaginera la curée des requins et le complot international qui se prépare. Érudit et halluciné.
 
Traversée vent debout – Jim Nisbet – Rivages – 570 pages – 25€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 27 janvier 2013
 
 
 
 

mardi 29 janvier 2013

Le passif, c'est du passé

 Il faut bien se mettre dans le crâne que le vingtième-siècle, c'est déjà de l'histoire ancienne. La preuve, le polar historique s'installe à l'époque où Giscard débutait son premier et unique mandat. Après avoir accusé Mitterand d'être l'homme du "passé", il allait devenir l'homme du "passif" en 1981 et rendre son tablier avec mauvaise humeur. Mais ce ne sont pas les tribulations politiques des hommes de pouvoir qui intéressent Jean-Pierre Allaux davantage soucieux de contexte et de culture. Son personnage principal est le conservateur des Monuments Français. Pour sa troisième enquête, il nous emmène à Reims. On inaugure les vitraux dessinés par Chagall quand une série de meurtres va bientôt gâcher la fête. Voyage au cœur de la bourgeoisie provinciale et des secrets de famille.
Et l'ange de Reims grimaça – Jean-Pierre Allaux – 10/18 – 212 pages – 7,10€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 27 janvier 2013

lundi 28 janvier 2013

Agent trouble



  
 Appartenir à la CIA expose à des clauses de confidentialité qui rendent la vie conjugale périlleuse. C'est le cas pour Kate, agent de terrain mariée à un informaticien sans histoire. Quand le mari se révèle beaucoup moins lisse que prévu, le couple expatrié au Luxembourg se retrouve au cœur d'une enquête pour détournement de fonds et la compétition du secret tourne à l'avantage de l'escroc. Sur le même thème, les Français avaient réalisé une comédie de boulevard. Chris Pavone, lui, s'enlise un peu dans le débat de conscience.




Les Expats – Chris Pavone – Fleuve noir – 490 pages – 20€ - 
Réédition Pocket janvier 2016 - 500 pages - 7,90€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 27 janvier 2013








vendredi 25 janvier 2013

Mood Indigo





Mood Indigo avec Teresa Brewer en 1973, un velouté de sourdines avec le vibrato singulier d'une chanteuse à l'opposé du trait mélancolique d'Ella Fitzgerald posant son souffle dans in a sentimental mood, petite musique de ring pour éclairer de sa lumière artificielle le monde réinventé d'Incardona. Quelque part ici tout près de chez nous, avec des bars, des dunes, une rocade sur le fleuve, des embruns sur la peau, maintenant, vraisemblable et rêvé comme un collage de vieux clichés sépias. 



Joseph Incardona convoque ses sources et elles charrient les sédiments d'un long voyage dans la littérature américaine. Il ne copie pas Djian, il est sur la même route.

Dans une dimension parallèle, Matteo Greco est un chanteur italien pour midinette. Le versant suisse d'Incardona n'ignore sans doute pas l'inconséquence d'une telle homonymie. Son Matteo n'est pas chanteur mais vigile-boxeur-écrivain. Il veille sur les parkings, boxe dans le vide et pianote sur sa Remington. Matteo prétend n'avoir pas les moyens de s'offrir un PC. Il est d'une modernité contrainte, là où Joseph Incardona démontre la sienne en rongeant son texte jusqu'à l'os. Il a lu F.X Toole avant que Clint Eastwood ne s'empare de la Fille à un million de dollars. 

Dans Adrénaline, une nouvelle publiée en 2003 chez Delphine Montalant, il décrivait la rage d'un boxeur déclinant. Matteo boxe dans le vide mais il a du punch, il veille sur les parkings mais une vieille comtesse italienne le prendrait bien comme gigolo, il épuise sa Remington mais trafique le manuscrit de sa collègue d'atelier d'écriture et le transforme en best-seller. Remington. La machine à écrire devient machine à tuer. 

Incardona ne porte aucun jugement sur le système de prédation absurde qui pourrait bien broyer son personnage. Quand on referme ce livre, on se sent au bord du ring, les yeux blessés par des néons désespérants, incapable de donner un sens à la brutalité des hommes. Et pourtant incroyablement heureux.

Remington - Joseph Incardona - Fayard noir - 315 pages - 19 euros - *** -
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 27 décembre 2008








jeudi 24 janvier 2013

"Subjugaison" du passé simple

 
 
 L'auteur est un scénariste qui s'est donné les moyens de faire son film sans se préoccuper des producteurs. L'intrigue est néanmoins d'une minceur maladive: une famille se retrouve un beau matin en 1980 sans savoir pourquoi. Plus de portables, plus de GPS et une ville rebaptisée Timeville dans un environnement où tout est pourtant conforme aux livres d'histoire (et aux souvenirs du père et de la mère). D'un côté donc une reconstitution parfois amusante du passé et de l'autre un polar exsangue dont la fin ne satisfera personne.
 
 
Timeville – Tim Sliders – Fleuve noir – 380 pages – 19,50€ - *
Lionel Germain
 
 
 
 

mardi 22 janvier 2013

Underground

 
 
 Des enfants, considérés comme des déchets, survivent dans les tunnels de Stockholm. C'est le bilan d'une privatisation de la misère confiée à des requins sans scrupule. Les petites filles victimes d'abus sexuels se terrent avec les malades mentaux abandonnés par la psychiatrie. Le commissaire Ewert Grens dont la femme agonise depuis vingt-sept ans dans une unité de soins intensifs est le symbole de cette défaite européenne. "Dans ce roman, tout ce qui est invraisemblable est vrai" disent les auteurs. Bonjour tristesse.
 
La fille des souterrains – Roslund & Hellström – Traduit du suédois par Terje Sinding – Presses de la Cité – 334 pages – 21€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 20 janvier 2013
 
 
 
 

lundi 21 janvier 2013

Ruine de l'âme

 
 
 
 Franck Thilliez est un auteur populaire. Ingénieur de formation, il s'empare des inquiétudes contemporaines pour les transformer en romans à suspense. Les miracles de l'hypothermie en chirurgie cardiaque, les poubelles de l'industrie, les ouvrières irradiées des années 20 et enfin l'apoptose ou suicide cellulaire transformé par l'hydre qui se régénère, tous ces thèmes convergent vers le mystère de la vie éternelle. Quand les méchants s'invitent au bal, science sans conscience n'est que ruine de l'âme.
 
 
 
Atom[ka] – Franck Thilliez – Fleuve noir – 598 pages – 21,90€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 20 janvier 2013



 

vendredi 18 janvier 2013

Moutard de Dijon

 
 
 
 
 Près de Dijon, la vie semble couler sans problèmes pour Charles Adam, musicien occasionnel et Pénélope Bovari, sa compagne professeur. Jusqu'au jour où Charles reçoit une lettre anonyme envoyée par une petite fille qui se présente comme "celle dont on ne doit pas prononcer le nom". La jeune correspondante annonce qu'elle va tuer son Papa qui est un monstre. A partir de là, on bascule dans un univers à la Boileau-Narcejac et nos deux enquêteurs amateurs vont se donner bien du mal pour élucider ce cauchemar.
 
 
Je vais tuer mon Papa - Jean-Paul Nozière - Rivages - 320 pages - *** - 8,50€ -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche  - 2008
 
 
 
 
 
 
 
Jean-Paul Nozière, fils d'instituteur et auteur jeunesse, a aussi obtenu le Grand Prix du roman noir français à Cognac en 2007 pour Le silence des morts  publié chez Rivages.
 
 
La biographie de Jean-Paul Nozière sur le site de l'auteur.
 
 
 
 
L'auteur s'est confié à Julien Védrenne pour le site K-Libre
 
 
 
Lire aussi sur ce blog Le chat aux aguets (Rivages)
 
 
 
 
 

jeudi 17 janvier 2013

Enfants chéris

 
 
 
 
 Deux enfants s'aimaient d'amour tendre. On ne peut pas rêver plus sympathique comme point de départ. Jean-Paul Nozière a le chic pour nous gâcher la fête, nous démontrer qu'elle est un prélude au chagrin et que le chagrin lui, a besoin de temps pour s'épanouir. Les deux enfants s'appelaient Mickey et Minnie, deux petites souris rapidement coincées dans le piège du chat, un grand-père prédateur. Pas difficile de fabriquer des tueurs en série: deux enfants s'aimaient d'amour tendre… .
 
 
 
Le chat aux aguets – Jean-Paul Nozière – Rivages - 350 pages – 8,65€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 13 janvier 2013
 
 
 
 

mercredi 16 janvier 2013

Folle stationnaire

 
 
 
 
 Une femme pilote d'hélicoptère, ça change un peu des détectives de série B ou des expertes en talons aiguille. Avec son arrogance de garçon manqué, Ellie Somers n'a pas que des amis dans l'équipe de garde-côtes qui tente de sauver les imprudents sur les rives de l'Alaska. Après une bavure mortelle pour son hélico, elle part en vrille avec un inconnu bien trop poli pour être honnête. Drogue, jeu, déprime, la voilà coincée au cœur d'un trafic où ses talents de pilote sont très prisés. Nerveux.
 
 
 
 
Sauvetage fatal – Kate Morgenroth – Pocket – 413 pages – 7,60€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 13 janvier 2013
 
 
 
 

mardi 15 janvier 2013

Au nom du fils




 Jane Casey, Irlandaise domiciliée à Londres, réussit un premier suspense où l'on retrouve pourtant figées les constantes du genre: disparition mystérieuse d'un enfant et retour du refoulé une vingtaine d'années plus tard. Le polar britannique s'inspire davantage du frisson américain que des vapeurs de Baker Street mais tout tient à la qualité du regard porté sur le personnage principal, une jeune femme professeur victime d'une mère qui n'a jamais fait le deuil de son fils.


Ceux qui restent – Jane Casey – Presses de la Cité – 458 pages – 22€ - 
                                 10/18 - 528 pages - 8,80€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 13 janvier 2013





lundi 14 janvier 2013

Une histoire de flics

 
Danielle Thiéry qui vit une partie de l'année dans le Sud-Ouest a obtenu le Prix du Quai des Orfèvres 2013.
 
 
 C'était le dernier titre qui lui manquait. Après avoir gravi tous les échelons (peut-être devrait-on dire: franchi tous les obstacles) d'une carrière policière commencée à une époque où les femmes n'étaient pas forcément les bienvenues dans les commissariats, Danielle Thiéry, Divisionnaire émancipée et auteure de polars à plein temps vient de décrocher le fameux Prix du Quai des Orfèvres. C'est en quelque sorte la reconnaissance de la Grande Maison envers un grand flic. Et c'est bien-sûr une histoire de flics qui nous est racontée dans "Des clous dans le cœur".
 
 
 Avec au centre la figure du commandant Revel, un flic à l'ancienne mais doté de tous les handicaps du héros moderne. Pagan a joué les précurseurs en France avec son flic en phase terminale dans "Tarif de groupe". On ne retrouve pas la poésie sulfureuse de Pagan chez Danielle Thiéry. Pas de compte à régler avec l'institution non plus même si Revel n'apprécie guère magistrats et gendarmes. Son obsession concerne une affaire jamais élucidée. Sa vie personnelle (une fille anorexique, une femme disparue et une vilaine tumeur aux poumons) est un désastre qui semble procéder de cet échec professionnel. Dans cette nouvelle enquête initiée après la découverte d'un chanteur assassiné, il va tenter de renflouer les vieux mystères, aidé par une équipe pleine d'entrain et le témoignage difficile d'un autiste. Cette bouffée de jeunes flics donne très habilement au roman l'élan vital dont Revel est privé.
 
Des clous dans le cœur – Danielle Thiéry – Fayard – 398 pages – 8,90€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 13 janvier 2013
 
 
à lire aussi dans: Sud-Ouest
 
 
 
 

vendredi 11 janvier 2013

Des plans sur la comète

 
 Les deux sœurs camouflées sous le pseudonyme de Claude Izner font rempiler Victor Legris et Joseph Pignot pour une enquête dans ce Paris de 1899 où les plus folles rumeurs circulent. Tout en tirant des plans sur une comète menaçante, le peuple de Paris si chaud, si réel sous la plume de ces deux magiciennes, doit faire face à un tueur en série que le feuilletoniste Joseph Pignot course avec gourmandise. Du milieu du théâtre au Cabaret du Néant, on se régale de cette machine à remonter le temps.
 
 
Minuit, impasse du Cadran – Claude Izner – 10/18 – 370 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain
 
 
 
 

jeudi 10 janvier 2013

Fou d'artifice



Suspense ou roman noir, Hervé Jaouen mettra tout le monde d'accord avec son dernier "polar". On commence dans le noir, façon Douglas Kennedy, pour le naufrage d'un cadre en train de devenir fou, avec des passages hilarants sur ses crises de paranoïa et le basculement soudain dans la tragédie. Le suspense  s'organise alors autour de la cavale meurtrière vécue dans la peau de "Schizoo". On peut préférer le roman noir mais dans tous les cas, Hervé Jaouen fait bien le job.


Dans l'œil du schizo – Hervé Jaouen – Presses de la Cité – 310 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain
lire aussi sur ce blog: Le Fossé d'Hervé Jaouen



mercredi 9 janvier 2013

Don du ciel


 
 
Dernier prix polar décerné en 2012 à Montigny-les-Cormeilles: "Un avion sans elle" de Michel Bussi. L'occasion de revenir sur son précédent roman, "Nymphéas noirs".

 
 Après le crash d'un Airbus en 1980, les sauveteurs récupèrent un bébé de trois mois indemne mais sans rien pour l'identifier. Enjeu d'une bataille féroce entre deux familles, à une époque où les analyses ADN ne permettent pas encore d'établir la paternité de l'un ou l'autre clan, le bébé "Libellule" va grandir dans l'incertitude. Le journal d'un détective assassiné au terme de ses 18 ans d'enquête apportera une réponse pour le moins surprenante. Michel Bussi excelle à distiller le doute et le soupçon.
 
Un avion sans elle – Michel Bussi – Presses de la Cité – 533 pages – 22 euros - ***
Lionel Germain –Sud-Ouest-dimanche – 4 mars 2012



Lire aussi sur ce blog: Nymphéas noirs



 
 
 
 

Traversée du miroir





A Giverny, petit village normand, tout tourne autour de Claude Monet qui y mourut en 1926. Sa maison est un musée et on peut traverser l'étang aux Nymphéas grâce aux ponts japonais. Au cœur de cet univers voué au souvenir, le temps s'exerce à contracter les passions amoureuses de trois personnages, une fillette de onze ans, une institutrice et une vieille femme. Cette dernière est la narratrice d'un crime qui nous entraîne à travers le miroir. Avec un épilogue surprenant, tendre et subtil.
 

Nymphéas noirs – Michel Bussi – Presses de la Cité – 438 pages – 21 euros - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 juin 2011
 
 
 
 

mardi 8 janvier 2013

Sauveurs-livreurs

 
 


 Deux polars pour le prix d'un. Bonne pioche si la "couture" est invisible et qu'on glisse sans s'en apercevoir d'un rapatriement de drogue mouvementé depuis le Maroc à l'organisation d'une évasion dans une prison suisse. Le type exfiltré est évidemment un boulet et la cohabitation avec ses sauveurs va s'avérer particulièrement tendue. Curieux roman criminel où les gentils sont quand même de fameux truands.


A l'arrache – Bibi Naceri – Toucan – 255 pages – 7,90€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 30 décembre 2012



 

lundi 7 janvier 2013

Le proc en croque

 
 
 Premier roman d'un procureur célèbre pour avoir été celui du procès O.J.Simpson, "Mauvaises fréquentations" s'inscrit sans surprise dans le flux des séries américaines. Une héroïne sympathique, Rachel Knight, procureur à Los Angeles enquête sur un viol de jeune fille et découvre sans y croire que son collègue récemment assassiné est fortement compromis dans une affaire de pédophilie. L'auteur connaît bien son métier et le polar est distrayant.
 
 
 
Mauvaises fréquentations – Marcia Clark – Albin Michel - 430 pages – 20,90€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 30 décembre 2012
 
 
 
 

vendredi 4 janvier 2013

Qu'un sang impur...

Pause hémoglobine avec Jeanne Faivre-d'Arcier, Marc Behm, Philippe Setbon et Thierry Jonquet.



 Il suffit de jeter un œil sur les programmes de la télévision ou sur les étagères réservées aux adolescents dans les librairies pour comprendre l'apparente facétie de Thierry Jonquet s'amusant à sonder le cœur exsangue des vampires. Sans le céder d'un pouce à la frivolité du temps, il confie à la fable le devoir d'explorer de nouvelles pistes et de transformer les prédateurs terrifiants du mythe original en victimes d'une malédiction bien contemporaine: l'exclusion et le rejet des différences.



 Marc Behm s'y est essayé dans les années 80 avec son roman la Vierge de glace tout comme, plus récemment, Philippe Setbon dont la savoureuse histoire de petite "vampire" riche séquestrée par des truands en manque de "veine" n'est qu'une des strates de son "Apocalypse selon Fred" (Buchet-Chastel). Thierry Jonquet nous désigne d'emblée l'origine du mal, ces banlieues de l'Europe qui harcèlent les lumières du centre. Quoi de mieux pour exacerber les inquiétudes des nations fortunées que ces cohortes d'immigrés roumains venus se partager les miettes d'un festin illusoire? Quand l'un d'eux découvre un cadavre empalé façon moldave, c'est le top départ d'une enquête au cœur de Belleville où se planquent les Radescu.

 Dans les années trente, ce dédale parisien abritait une véritable cour des miracles baignée des sonorités les plus cosmopolites. Artisans fourreurs ou casquettiers aux noms évocateurs, les Bornstein, les Schmulevitz, tous débarqués dans l'urgence d'échapper aux ghettos polonais de l'entre-deux guerre. Tous effacés du cadastre au matin du 16 juillet 1942 quand la fureur nazie avait pris le visage rassurant de la police parisienne.

 Le seul témoin du drame encore vivant s'appelle Alexandre. Il est le cordonnier qui a vu le retour en 1949 de cette étrange tribu au teint si pâle et aux longs habits sombres. Une bande de Gitans faméliques l'a aidée à poser ses bagages au fond de cette courette à présent désertée. Les Radescu n'ont pas bonne mine et ça ne date pas d'hier. Le patriarche va tout faire pour échapper à cette malédiction qui le condamne, lui et sa famille, à une éternité exigeante en hémoglobine. Comme personne ne croit aux vampires, c'est de la science qu'il va solliciter une réponse. Le mal des vampires n'est-il pas à l'opposé de celui, bien réel, qui consiste à vieillir en accéléré? Bannissant l'eau bénite et les crucifix, c'est donc l'ADN du monstre que Thierry Jonquet interroge dans ce roman inachevé, hélas, mais plein de cet humour noir qui nous avait enthousiasmés dans "Le bal des débris".
Vampires – Thierry Jonquet – Seuil – 185 pages – 18€ – Point Seuil – 6,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 6 février 2011






MAUVAIS SANG



Si dans le roman de Thierry Jonquet, le vampirisme était envisagé comme le contraire de la progéria, cette maladie du vieillissement accéléré, le dernier vampire de Jeanne Faivre d'Arcier est lui menacé par les multiples contaminations du sang humain moderne. Victime de la Terreur révolutionnaire, ce Girondin contrarié a traversé les siècles pour échouer sur le fantasme de sa première conquête, le capitaine Christine Deroche. Une immersion très érudite au cœur de la Révolution.


Le dernier vampire – Jeanne Faivre-d'Arcier – Bragelonne – 381 pages – 20€ - **
Lionel Germain



jeudi 3 janvier 2013

Nuit câline, nuit de Chine

 
 
 
 Sourcil de paon est une jolie jeune fille jugée pourtant trop vieille pour conserver sa place de dame d'honneur. Son amour avec Petit Brillant, eunuque auprès de l'empereur, est donc condamné. Pétale de moire, la fille d'un marchand cupide collecte en secret les graines de pivoines baptisées "Souffle divin". Le vingtième siècle s'ébroue et la dynastie des Qing ignore qu'elle agonise. Un suspense exotique, comme une bouffée d'air pur dans les miasmes contemporains.
 
 
 
Le cheval parti en fumée – Taiping Shangdi – Masque poche – 246 pages – 6,20€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 23 décembre 2012
 
 
Taiping Shangdi est le pseudonyme d'un auteur français.