mardi 15 avril 2025

Cauchemars démographiques


L’engouement pour La Servante écarlate est-il un signe des temps? Le livre de Margaret Atwood, publié en 1985 et traduit en français deux ans plus tard, a été adapté au cinéma en 1990 puis en opéra et en ballet; depuis quelques années, la série TV qui en a été tirée a conforté son succès, huit millions d’exemplaires dans le monde rien que pour l’édition anglaise. De quoi faire oublier tous ses prédécesseurs en matière de dystopie, Orwell ou Huxley en tête. 

Dans leur essai de "démografiction" sous-titré "Quand la fiction anticipe l’avenir des sociétés", Jacques Véron et Jean-Marc Rohrbasser leur rendent hommage, et commencent même par la République de Platon. 

Si Atwood occupe une place d’honneur avec son livre qui raconte comment la dégradation de l’environnement réduit dramatiquement la fertilité des femmes, les deux auteurs interrogent aussi la manière dont Soleil vert, le roman de Harry Harrison et le film de Richard Fleischer, imaginent New York confrontée à la surpopulation – ou encore la vie dans des tours de mille étages (Les Monades urbaines de Robert Silverberg) ou dans des immeubles aussi profonds que hauts (avec le roman moins connu de Nina Berberova, À la mémoire de Schliemann). 

Mais la littérature générale est aussi mise à contribution, avec Les raisins de la colère de Steinbeck qui raconte une migration climatique avant la lettre, ou le roman de Laurent Gaudé Ouragan, fiction récente sur la catastrophe de l’ouragan Katrina survenue en 2005 en Louisiane. Nombre d'œuvres littéraires, bien au-delà de la science-fiction en effet, ont abordé des questions démographiques. 



On le voit l’ouvrage est touffu et le lecteur peut avoir des difficultés à suivre le propos des auteurs, tant les très nombreuses références romanesques font du livre une quasi-encyclopédie des dystopies sur la population, le vieillissement, la ville, où l’on découvre des auteurs qu’on n’attendait pas, Jean Dutourd, Jean Raspail, à droite, Simone de Beauvoir à gauche, ou encore Émile Ajar




La population en effet est bien au cœur des utopies ou des dystopies; en trop grand nombre elle questionne la natalité et le vieillissement; conjuguée aux changements climatiques elle interfère avec le problème des migrations et celui du retour des grandes pandémies. Mais le pire n’est pas toujours certain, concluent les auteurs avec un certain optimisme....

La démographie de l’extrême – Jacques Véron, Jean-Marc Rohrbasser – Cahiers libres/La découverte – 292 pages – 22 € - ****
François Rahier