mercredi 26 avril 2023

Génération Andrevon


Né en 1937 Jean-Pierre Andrevon a marqué la SF française de son empreinte depuis plus de 50 ans. Romancier bien sûr, mais aussi peintre et dessinateur (à Charlie-Hebdo), musicien, homme de radio, critique de cinéma, il revendique hautement son engagement écologiste. 




La revue à laquelle il contribue depuis longtemps, lui a rendu un hommage décalé et plein d’humour, on en jugera par les "Fragments d’encyclopédie andrevonienne trouvés dans une poubelle". Andrevon y va de sa plume dans ce numéro spécial paru en septembre 2022, avec un pastiche de Sherlock Holmes et 8 micro-nouvelles inédites. Le témoignage d’une douzaine d’auteurs de la "génération Andrevon" ponctue l’ensemble.




Andrevon, enfin - Revue Galaxies # 79 - 191 pages - 11€ - www.galaxies-sf.com - ***
François Rahier





lundi 24 avril 2023

Défrayer la chronique


L'Affaire Alice Crimmins appartient à cette catégorie de faits divers qui ont "défrayé la chronique". Au sein d'une famille américaine d'origine irlandaise des années 60, une femme, "catholique" de préférence, n'a qu'une seule mission: s'occuper de ses enfants. Non seulement Alice ne coche pas les bonnes cases mais elle est délibérément scandaleuse. 




Dans ce quartier new-yorkais du Queens où tout le monde est à l'affût des mauvaises manières, elle sera la proie des flics, des voisins et d'un procureur malveillant quand ses deux enfants seront retrouvés assassinés sur des terrains vagues. Et c'est la contre-enquête d'Anaïs Renevier qui met en lumière les lacunes de l'instruction et la partialité de la police. 




Sans doute négligente, surtout trop belle et trop libre, la "jolie rousse" est une aubaine pour une presse misogyne. Le féminisme militant s'emparera de l'affaire en 1968 sans peser sur les résultats du procès. Mary Higgins Clark, Dorothy Unhak et plus récemment Emma Flint en ont donné leur version romancée mais le travail rigoureux d'Anaïs Renevier est aussi passionnant à lire.

L'affaire Alice Crimmins – Anaïs Revivier – Pocket Society – 192 pages – 7,50€ - ***
Lionel Germain



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vendredi 7 avril 2023

Maton mort





Derrière les barreaux, Léonie n'a commis aucun crime à part celui de plaire à son ravisseur. Raymond aime les oiseaux en cage et pendant cinq ans, onze mois et trente jours, il essaiera d'être un maton modèle, de pourvoir au couvert et surtout au gite dans lequel Léonie macère sa rage sous une soumission apparente. Que se passe-t-il quand le maton meurt et que les barreaux disparaissent? 




Marlène Charine nous prouve que la cage possède un pouvoir de nuisance qui survit à son gardien. Dans ce roman palpitant construit autour de personnages en liberté provisoire, la prison les menace de l'intérieur. Un véritable suspense.

Léonie – Marlène Charine – Calmann-Lévy noir – 324 pages – 20,50€ - ***  
Lionel Germain




mercredi 5 avril 2023

Un autre monde est possible

 

500 ans après Thomas More et son livre fondateur, "L’Utopie", le mot se confond souvent avec "dystopie" et l’on peinerait à recenser les livres qui depuis Huxley ou Orwell déclinent nos futurs à venir, tous plus cauchemardesques les uns que les autres. C’est oublier que More avait forgé un autre mot, "eutopie", à partir du préfixe grec "eu" qui signifie "bon" et du radical "topos", le lieu, l’endroit. L’utopie, c’est nulle part; l’eutopie c’est le bon endroit. 



Résolument optimiste, l’auteur a puisé pour ce gros livre aux sources du socialisme, utopique ou pas, s’inspirant aussi des travaux contemporains de Bernard Friot sur le salaire universel.

Eutopia - Camille Leboulanger – Argyll - 653 pages - 24,90€ - ***
François Rahier 





lundi 3 avril 2023

Abandonnez toute espérance


Si le roman policier obéit à des règles, la première et la plus importante consiste sans doute à les rendre invisibles. R.J. Ellory qu'on n'a jamais pu prendre en faute depuis "Seul le silence", nous offre une fugue en territoire hostile.





"Et ce lieu était Jasperville. Ce nom était en soi une ironie. J'espère-ville. Altéré petit à petit par des travailleurs immigrants non francophones. Désormais Jasperville de mémoire d'homme. Ville d'espoir, alors qu'il eut été difficile de trouver un lieu plus désespérant."





L'auteur britannique renonce pour une fois aux États-Unis pour nous balancer un courant d'air glacial en provenance du nord-est canadien. Une région minière que Jacques ou "Jack" Devereaux, personnage central de cette histoire, pensait avoir fuie pour toujours. Quand on l'appelle pour lui apprendre que son frère est soupçonné d'une tentative d'homicide, il est contraint au retour. 

Du père, sauvé de sa violence par une femme de caractère, au grand-père saisi d'une folie qui pactise avec certains mythes effrayants du Grand Nord, on accède à l'intimité d'une famille contrainte à l'exil. 

Dans les années 70, au cœur de ce désert glacé, les disparitions de jeunes filles ne suffisaient pas à convaincre les autorités fédérales d'intervenir. Les loups et les ours affamés étaient forcément coupables. Ce retour au pays des jours sans lumière et des nuits trop longues ravive le mystère de ces disparitions et les légendes qui les accompagnent. Mais Jacques demeure un homme en fuite. L'homme de tous les abandons, peut-être même dépouillé de lui-même comme le pense la dernière femme avec laquelle il a eu un semblant de relation. 

Autant de défaites et de renoncements qui nous mènent au plus loin des ténèbres, là où Ellory réussit le mieux à faire scintiller le "noir" du roman. Un lieu vide comme l'enfer parce que c'est bien connu, "tous les démons sont parmi nous".

Une saison pour les ombres – R.J. Ellory – Traduit de l'anglais par Étienne Gomez – Sonatine – 408 pages – 25€ - ***
Lionel Germain



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