samedi 30 mai 2020

L'énergie du désespoir

On pourrait résumer l'affaire en quelques lignes en disant que les puits sont secs et que c'est l'histoire du "jour d'après". Un thème à la mode mais terriblement réducteur pour rendre compte des plus de 700 pages qu'Andreas Eschbach consacre au sujet. Le personnage de Markus Westermann est une belle trouvaille. Parti d'Allemagne pour conquérir l'Amérique, il rencontre un Autrichien qui prétend détenir la martingale. Quand il n'y a plus de pétrole, il y en aurait encore grâce à la chimie mystérieuse de l'or noir. Très bon client du roman d'aventures, Markus laissera un joli paquet de plumes dans ce scénario trop beau pour être complètement honnête.


 
N'espérez donc pas un miracle mais ne vous privez pas de cette ahurissante leçon d'histoire qui livre les secrets du leadership occidental. Reagan et la baisse du  prix du pétrole, l'Arabie saoudite que rien ne "distingue de la Corée du Nord ou de n'importe quelle autre dictature, mis à part le fait que nous remplissons les poches des Saoudiens aussi vite que possible parce que nous avons besoin de leur fichu pétrole", et pour quoi d'ailleurs le pétrole est-il encore si bon marché? Des sujets traités avec autant de pertinence que d'impertinence politiquement très incorrecte. 


Mais après la panne sèche, le retour à la vie primitive signe réellement la fin de cette mondialisation des prédateurs. "Chaque jour, une compagnie aérienne déposait son bilan. (…) Les agences de voyages ne proposaient plus que des trajets en bus ou en train. (…) Celui qui voulait se rendre à Majorque avait intérêt à prendre le bateau. (…) L'aéroport lui-même ressemblait à un train fantôme." Et voilà que se profile la consécration du rêve "Amish" où les journées sont rythmées par le grincement des calèches sur les routes défoncées de l'ancien monde. Ne riez pas trop vite. 

En panne sèche – Andreas Eschbach – Traduit de l'allemand par Frédéric Weinmann – L'Atalante – 764 pages – 25,50€ - ****
Lionel Germain




vendredi 29 mai 2020

Marseille qui saigne


Curieux premier (et apparemment dernier) roman d'un auteur qui reste avant tout un serial traducteur. La ville de Marseille y occupe une place centrale. Des cadavres sans langue, la femme du premier adjoint au maire plus trouble que les eaux du Vieux-Port, et toute la faune qui a pris racine sur les bords de la Méditerranée participent à cette murder-party sans tasse de thé pour deux flics improbables: le commissaire Tolila, juif pied-noir et Phan Trong Yen, rescapé des boat-people. 




Le roman multiplie les apartés mystiques avec renvoi codé au Talmud, s'abandonne au spleen aussi et ne nous épargne pas certaines facilités. Dans "L'Année du Polar" de 1985, Michel Lebrun soulignait l'influence un peu trop appuyée de Charyn. C'était en tout cas l'émergence d'une nouvelle école d'écrivains qui ne cherchait plus à dissimuler son ambition "littéraire". 






Mauvaises langues – Paul Bénita – Engrenage Fleuve noir (mai 1984) – 188 pages – à partir de 4€ sur les sites de vente en ligne - ***
Lionel Germain




jeudi 28 mai 2020

Retour de magie





Quand triomphe GOT, et que l’on sacre Tolkien à la BnF, la lecture de ce petit livre est bénéfique. La fantasy est bien fille de la modernité: le genre apparaît en Angleterre au début de la révolution industrielle, quand le pays fait l’expérience brutale de la mécanisation et de la pollution. Contrepoint critique au scientisme longtemps en vogue en SF, la fantasy est peut-être plus actuelle qu’on ne le croit.




Winter is coming: une brève histoire politique de la fantasy - William Blanc – Libertalia - 144 pages - 8€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 9 février 2020



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mercredi 27 mai 2020

L'amer à boire


Oublié à sa mort comme Goodis, Thompson est redécouvert périodiquement. Ce petit roman publié pour la première fois en 1953 a été proposé par François Guérif aux éditions Fleuve noir pour la collection Engrenage qui l'a mis dans son catalogue en 1984. Le titre a ensuite été repris en 1988 chez Rivages. C'est l'histoire d'un toubib qui se bat pour garder sa clinique de désintoxication. Les personnages en sont les malades et une étrange infirmière, un peu fêlée sur les bords.



 
Pour le docteur Murphy, la solution à ses problèmes se chiffre à 15 000 dollars. Un pactole qui pourrait prendre la forme d'un pensionnaire milliardaire, alcoolique et trépané, dont la famille aimerait bien se débarrasser. Victime de sa conscience, Murphy hésite à franchir le pas. Tout se passe en vase clos, dans ce monde d'ivrognes aux faiblesses tragiques qui nous renvoie au destin de l'auteur, mort en 1977, miné par l'alcool et la maladie.




Les Alcooliques – Jim Thompson – Traduit de l'américain par Isabelle Reinharez – Rivages (1988) – 192 pages - ***
Lionel Germain




mardi 26 mai 2020

Palestine introuvable


Il fallait oser, surtout pour un Allemand, raconter l'histoire d'Israël sous la forme d'un polar exubérant où les personnages réels, Sharon, Netanyahu, sont disséqués depuis leur enfance jusqu'à leur accession au pouvoir. Dans tout bon polar, il faut un maître du jeu, ce sera un journaliste qui ne maîtrise plus grand-chose après une séquence foireuse en Afghanistan. Tom Hagen se remet en piste grâce à des informations confidentielles sur un complot des services de sécurité israéliens.





Frank Schätzing n'élude aucun des épisodes fâcheux des guerres israélo-arabes, notamment le déshonneur qui entoure l'intervention de Sabra et Chatila. Pas de langue de bois sur cette paix impossible, sur les erreurs permanentes des Arabes en termes de stratégie et d'alliance, sur les contradictions allemandes aussi en politique étrangère et sur les tabous qui paralysent toujours la Bundeswehr.  





Breaking news – Frank Schätzing – Traduit de l'allemand par Olivier Mannoni – Piranha – 1024 pages – 26,50€ - **** 
Lionel Germain




lundi 25 mai 2020

Fièvre cathare




Le douzième siècle, avec ses interrogations sur les mystères de la foi et ses pratiques parfois ténébreuses, fertilise les rêveries du polar historique. François-Henri Soulié nous arrime au destin de Raimon de Termes, un jeune noble chargé de découvrir l'identité du meurtrier qui transforme ses victimes en "anges" après les avoir suppliciées. Énigme cathare, rivalité des abbayes, puissance des superstitions et immersion dans le monde féodal grâce à une langue superbe. Captivant.



Angélus – François-Henri Soulié – 10/18 – 522 pages – 16,90€ - ***
Lionel Germain




mercredi 20 mai 2020

A l'Ouest de nulle part





Dans un univers de western, avec saloons, cache-poussières et chasseurs de primes, les héros tirent leurs pouvoirs de l’allomancie – magie basée sur l’absorption de métaux. La géographie est déroutante aussi, mais l’aventure et l’humour sont au rendez-vous. L’auteur, comme Card ou Stephenie Meyer, est mormon. Il faudra se pencher un jour sur le lien entre la SF/fantasy et ce millénarisme très américain.




Jeux de masques - Brandon Sanderson  - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mélanie Fazi - Le livre de poche - 571 pages – 19,90€ - **
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 11 mars 2018




mardi 19 mai 2020

Matin pas si calme




La Corée a son rayon polar. Elle a même son chef de file avec Kim Un-su dont les Français ont déjà pu lire deux romans et un recueil de nouvelles. Et pour ce "Sang chaud" dans lequel se noient les victimes de la mafia coréenne, l'adaptation est déjà prévue par les fils de John Le Carré. Plus de 400 pages sur les liens historiques avec les yakuzas japonais et les matins pas très calmes des faubourgs de Guam.




Sang chaud – Kim Un-su – Traduit du coréen par Kyungran Choi et Lise Charrin – éditions Matin Calme – 476 pages – 22€ - **
Lionel Germain




lundi 18 mai 2020

Les Mystères de l'Est




Étrange comment une œuvre d'art résonne en écho dans un roman qui rend compte à son tour d'un moment plutôt tragique de l'histoire contemporaine. L'artiste de Paul Colize est un graffeur et une énigme. Accusé d'un meurtre dont il se dit innocent, son parcours nous ramène au siège de Vukovar, la ville croate convoitée par les Serbes en 1991. Passionnante excursion dans les mystères de l'Est. 




Toute la violence des hommes – Paul Colize – Éditions Hervé Chopin – 320 pages – 19€ - ***
Lionel Germain




samedi 16 mai 2020

Force précaire

Quatrième roman de James Lee Burke publié chez Rivages, "Une tache sur l'éternité" consacrait cet écrivain majeur des années quatre-vingt-dix, peintre de la Louisiane du sud, chantre des bayous perdus dans les méandres du Mississipi, sentinelle d'une langue enracinée dans les "paroisses" où vont des nègres patoisants.



Depuis "Prisonnier du ciel", Dave Robicheaux, ancien du Viet-Nam, s'affirme comme un policier de roman, c’est-à-dire un justicier dans un univers dominé par les flics. Héros positif qui ne suscite jamais le sarcasme tant sa force est précaire, il vit avec sa fille, Alafair, qu'il a recueillie, et sa compagne Bootsie.  L'alcoolisme chez lui n'est qu'un symptôme du mal généralisé qui l'entoure: les néo-nazis de la Fraternité aryenne ou le monstre qui torture ses enfants. Son désespoir n'est pas une feinte. Il est à la mesure des menaces qui pèsent sur chacun de nous.



Une tache sur l'éternité – James Lee Burke – Traduit de l'américain par Freddy Michalski – Rivages - 480 pages - 9,65€ (en format poche) - ***
Lionel Germain




vendredi 15 mai 2020

Piège électoral





Brian de Palma a sans doute apporté l'intrigue de départ et son sens du minutage, et Susan Lehman sa plume et son expérience de chef de rubrique au New-York Times. C'est en tout cas un bon scénario de polar. Une jolie fille qu'on utilise comme appât auprès d'un candidat se découvre des réserves insoupçonnées pour changer la donne. 






Les serpents sont-ils nécessaires? – Brian de Palma et Susan Lehman – Traduit de l'américain par Jean Esch – Rivages noir poche – 336 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain




jeudi 14 mai 2020

Platon, Pratt et les Atlantes




Une partie du destin de l’Occident se joua en 1453 avec la chute de Constantinople, dit-on. On sait moins que ce jour-là on a peut-être échappé au pire. C’est ce que raconte avec une étonnante maestria ce roman héroï-comique dans lequel quatre aventuriers, un Basque géant, le Minotaure des légendes, l’ancêtre de Corto Maltese et une troublante sorcière aux cheveux turquoise partent un beau matin d’un pas allègre sauver le monde.




Le Minotaure d’Atlantide - François Darnaudet - Nestiveqnen éditions -252 pages -19€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 23 février 2020



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mercredi 13 mai 2020

Mort fantôme




On le compare à Stephen King pour le mélange des genres entre polar et fantastique. Et c'est vrai que "La rivière de l'oubli" brouille les pistes. Un professeur est assassiné après avoir lui-même été suspecté du meurtre d'une de ses étudiantes. L'habileté de Cai Jun se manifeste dès les premiers chapitres où le mort a la parole. Enquête obstinée dans une Chine contemporaine dont les vieilles légendes s'invitent au cœur de la procédure policière.




La rivière de l'oubli – Cai Jun – Traduit du chinois par Claude Payen – Pocket – 600 pages – 8,30€ - ***
Lionel Germain 




mardi 12 mai 2020

Or blanc et piste noire




Dès le premier chapitre, on pense à Steinbeck, "Des souris et des hommes", dont un extrait ouvre le roman. George et Lennie, délocalisés dans le Massif alpin s'appellent ici Ludo et David. Quand David, bon géant au cœur simple, découvre un corps à moitié dévoré par les sangliers, Ludo devine que les ennuis vont rappliquer aussi vite que les mouches. Pour son deuxième roman, Johann Guillaud-Bachet réussit un parcours sans faute sur les pistes noires d'une station où l'or blanc trafiqué ne produit que du malheur.



La Soif des bêtes – Johann Guillaud-Bachet – Calmann-Lévy – 272 pages – 18,50€  ***
Lionel Germain





lundi 11 mai 2020

Oppression, soleil levant



Les frayeurs enfantines cimentent parfois le destin des adultes, et c'est le cas pour les quatre fillettes de cette petite ville japonaise. Kanae Minato nous raconte les conséquences du meurtre de leur amie dont elles vont finir par se sentir coupables. Elles paieront, parfois jusque dans leur corps comme Sae qui s'interdit la maturité sexuelle. Le roman éclaire les relations pour le moins surprenantes entre les hommes et les femmes au Japon.




Expiations, celles qui voulaient se souvenir – Kanae Minato – Traduit du japonais par Dominique Sylvain, Saori Nakajima et Frank Sylvain – Atelier Akatombo – 228 pages – 18€ - *** 
Lionel Germain




samedi 9 mai 2020

Ferments du désespoir


Le sens du drame, la violence (surtout sexuelle), la poisse, le flux marécageux des mauvais sentiments régurgités à la hâte pour des éditeurs pas trop regardants, il y a tout ça dans la trentaine de romans que Thompson a écrits. La Série noire en a publié une dizaine et Rivages a achevé la publication des inédits. "Avant l'orage" date de 1946. C'est le second roman de Thompson. 



Pas un roman policier mais plutôt une chronique régionaliste avec des personnages dignes du "Sartoris" de Faulkner. Une famille de paysans du Nebraska qui règne sans partage sur une petite ville se trouve confrontée à la mécanisation et au chemin de fer. Ces rustres ne résisteront pas aux assauts du progrès qui chassent leurs enfants des campagnes et les transforment peu à peu en épaves. 




Une thématique qu'on retrouvera dans "Le Texas par la queue" avec les puits de pétrole en toile de fond. On y trouve en germe tous les démons que Thompson se coltinera jusqu'à sa mort: l'alcool, le père absent, la maman putain. Ferments du désespoir qui lèveront dans "Nuit de Fureur" ou "Rage noire"(Rivages).

Avant l'orage – Jim Thompson - Traduit de  l'américain par Michèle Valencia – Rivages – ***
Lionel Germain




vendredi 8 mai 2020

Détention provisoire


Alain Dubrieu est mort en 2002 à Montpellier après avoir fréquenté les Centrales pénitentiaires. Gallimard a réédité "Le désert de l'iguane" paru en 1979 chez Ramsay et parallèlement, les éditions LGP proposaient un triptyque noir du même auteur composé de trois romans, "La Saison  du rebelle", "Rapt" et "Haine comme normal".



Trois destins déchirés racontés dans une langue qui ne se refuse rien. Pourquoi se priver du plaisir des mots quand on a cultivé le sens de la redite en tournant en rond dans une cage. Une gourmandise obsessionnelle pour les allitérations en rafales, avec dans "Le désert de l'iguane", des trouées de poésie pure: "oiseaux qui allumez les soirs, escarbilles duveteuses que lancent dans l'azur les frondes sèches des autans, je vous accueille entre mes plaies..."



C'est ça Dubrieu, une innocence captive moins du système carcéral que d'elle-même. L'iguane est un taulard dont la rédemption programmée est conditionnée à sa soumission au broyage institutionnel. La société des taulards n'est pas pire que la nôtre. On y observe à la loupe les mécanismes d'asservissement qui de l'autre côté des barreaux se diluent dans la banalité du nombre. Reste pour le lecteur, un sentiment partagé entre le malaise et l'éblouissement.

Le désert de l'iguane – Alain Dubrieu – Gallimard Noire (janvier 1994) – 304 pages – 13,95€ - ***
Lionel Germain





jeudi 7 mai 2020

Retour à Providence





80 ans après sa disparition, Lovecraft, raciste et misogyne, demeure toujours controversé. D’où l’intérêt de ce livre joliment illustré par Nicolas Fructus qui relève un défi: poursuivre  la quête de Randolph Carter, personnage central du roman inachevé du maître. L’auteure, entre amour et détestation, récrit l’histoire d’un point de vue quasi LGBT et retrouve la clé de la porte des rêves.




La Quête onirique de Vellitt Boe - Kij Johnson - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Florence Dolisi - Le Bélial’ - 190 pages – 17,90€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 18 mars 2018





mercredi 6 mai 2020

Héros sous héroïne


Tous les superlatifs sont au rendez-vous de la chronique pour saluer ce bouquin écrit par un jeune homme qui dort toujours (à l'heure où sont pondues ces lignes) derrière les barreaux d'une prison fédérale. C'est là que finissent les héros sous héroïne du cauchemar guerrier qu'on nous a vendu pour une croisade libératrice.



Nico est parti en Irak comme tant d'autres fils de la classe moyenne blanche, pétrie de convictions républicaines. Il est revenu en loques. Il n'y avait déjà plus de rêve à offrir à l'époque. Que des intérêts à défendre. Nico a fait le job sans illusion. Mais le job se fout de vos états d'âme. Il vous transforme en chair à canon pour la housse bordée du linceul national. 




Ce qui pourrait se réduire au fait-divers d'un braqueur héroïnomane devient grâce à la sollicitude obstinée d'un éditeur ce joyau noir littéraire, bientôt adapté au cinéma. Nico Walker va sortir de taule prochainement. Il est clean. C'est une belle personne. Et "Cherry" un grand roman.
   
Cherry – Nico Walker – Traduit de l'américain par Nicolas Richard – Equinox Les Arènes – 432 pages – 20€  – ****
Lionel Germain




mardi 5 mai 2020

Crise de régime



C'est parfois par les urnes que le diable s'invite à votre table. Dans cette fiction terrifiante, Asa Ericsdotter livre le menu basse calorie d'un régime totalitaire parvenu grâce au charisme d'un politicien à contrôler la masse corporelle des citoyens. Quand la chasse aux gros devient une affaire d'État et que l'État ne se prive d'aucuns moyens pour éliminer la surcharge pondérale, l'horreur est à son comble. Rien de burlesque dans l'approche de l'autrice mais au contraire un sombre avertissement des dictatures rampantes qui nous menacent.



L'épidémie – Asa Ericsdotter – Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy – Actes Sud – 432 pages – 23€ - ***
Lionel Germain




lundi 4 mai 2020

Parano, pur Arnaud


G.J. Arnaud est mort le 26 avril 2020. Dernier dinosaure du ro­man populaire, il avait commencé sa carrière dans les années cinquante en obtenant illico le Prix du Quai des Orfèvres. Avec plus de quatre cents livres parus sous divers pseudonymes (au début surtout pour marquer sa différence avec l'auteur du "Salaire de la peur"), il a écumé tous les genres: anticipation, espionnage et même érotisme avec la série des "Marion" publiés chez Eurédif sous le pseudonyme d'Ugo Solenza. Malgré cette production pléthorique, il avait gardé un savoir-faire d'artisan pour chacun de ses livres. Michel Lebrun disait dans un numéro de "L'Année du Polar" qu'il était sans doute le meilleur romancier populaire de notre époque.


Avec "Mère Carnage", il signait le numéro 2000 de la collection "Polices" (anciennement "Spécial Police") du Fleuve noir. Une clocharde alcoolique repentie et son fils handicapé mental de 19 ans viennent bouleverser la vie d'Elsa, une jeune avocate. Le père d'Elsa est un bâtonnier "confiné" dans sa chambre à cause d'une maladie. La mère d'Elsa, elle-même alcoolique, aurait disparu depuis plus de vingt ans. On pressent que cette clocharde, bigote inquiétante qui brûle des cierges à longueur de journée, a un rapport avec cette fameuse mère, Mais Arnaud manie les rebondissements comme un magicien jusqu'à l'effroi d'un dénouement pas catholique.


"La vie truquée" marquait son retour dans le polar en 1997 et coïncidait avec celui de la collection du Fleuve qui lui consacrait un grand format. On y partage les interrogations de Claudia, une gamine en quête d'identité capable de vous mettre les nerfs en miettes. Parano pur Arnaud.

Mère Carnage – G.J. Arnaud – Fleuve noir
La vie truquée – G.J. Arnaud – Fleuve noir
Lionel Germain