samedi 31 août 2019

Vérité officielle



Ni polar, ni roman noir, ni même vraiment roman d'aventures, "Les Mains du Che" réunit toutes les séductions de la littérature de genre en nous promenant autour d'une énigme que l'auteur avait déjà évoquée dans un précédent livre, "Castro". L'énigme concerne la mort du Che, le 9 octobre 1967 en Bolivie. Alors qu'il tentait vainement d'organiser l'insurrection en Amérique latine, le révolutionnaire argentin a officiellement été exécuté sur ordre de la CIA. Ses deux mains avaient été tranchées pour permettre l'identification.




Serge Raffy avance l'hypothèse d'une mystification et il faut avouer que l'administration cubaine a tout fait pour la rendre crédible après le rapatriement en 1997 d'une dépouille identifiée comme celle du Che. Aucune expertise ADN n'a confirmé l'information et les mains ont disparu. Plus grave, l'homme en charge du dossier Guevara à La Havane est mort étrangement dans un accident de voiture alors qu'il venait de démissionner et qu'il s'apprêtait à écrire ses mémoires. 




Serge Raffy s'empare de toutes ces interrogations pour enrichir une intrigue dont le héros est un journaliste d'origine espagnole mêlé par un père qu'il n'a pas connu à la destinée romanesque du Che.
On est au début des années 80 et c'est aussi l'occasion, à travers le personnage du jeune Hector Mendez, de retrouver les parfums d'encre de Sud-Ouest. Au moment où Hector "qui écrit sur le rugby dans Sud-Ouest" envisage de partir pour une enquête improbable en Bolivie, il fait une halte à l'hôtel La Devinière à Saint-Jean de Luz. 

Le roman ressuscite alors l'élégance désinvolte de Pierre Veilletet sans jamais le nommer, la rumeur des rotatives quand elles étaient amarrées au journal de la rue de Cheverus, au cœur de Bordeaux. Les journalistes sportifs constituaient une aristocratie. Et le rugby était le roi des sports.

Les Mains du Che – Serge Raffy – Seuil – 304 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain



Pierre VEILLETET ®
ARCHIVES SUD OUEST




vendredi 30 août 2019

Marchand de sable




Après "Mauvais coûts", où Jacky Schwartzmann déployait un humour féroce de bad boy pour dynamiter le capitalisme financier, le lecteur de "Demain c'est loin" sera tenté de prendre l'auteur pour un filou. Ce qu'il assume dans cette comédie noire. Le narrateur au nom juif et à tête d'Arabe s'embrouille avec sa banquière pour un projet loufoque: importer la terre du "bled" et la refourguer aux immigrés en manque. Du rythme, du rire et un découpage calibré pour le cinéma.




Demain c'est loin – Jacky Schwartzmann – Seuil – 184 pages – 17€ - ** 
Lionel Germain




jeudi 29 août 2019

Le rêve des étoiles





Icône de l’anticipation britannique d’après-guerre dans le rayon populaire, Tubb est surtout connu pour ses space opera. L’adaptation pour l’ORTF en 1962 de son roman "Le Navire étoile" a constitué le premier programme de SF de l’histoire de la télévision française. Ce recueil qui ne comprend que des inédits, un roman, sept nouvelles, rend hommage à la mémoire d’un auteur injustement oublié.




Dimension E. C. Tubb 2 - Anthologie présentée par Richard D. Nolane - Traduction par Martine Blond - Rivière Blanche - 332 pages - 23 € - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 7 janvier 2018




mercredi 28 août 2019

Faussaires




Il est mort en 2008 mais François Guérif n'en finit pas de fournir le catalogue de Rivages avec les œuvres de ce "monstre" littéraire. Sous plus d'une vingtaine de pseudonymes, il a pondu une centaine de romans dont des polars bardés d'humour comme cet épisode consacré à Kirby, un escroc américain. Propriétaire d'un terrain en pleine jungle d'Amérique centrale, il exploite un faux temple et vend des antiquités produites sur place. Les problèmes surgiront avec l'arrivée d'une archéologue. Drôle et stylé.




Tous les Mayas sont bons – Donald Westlake – Traduit de l'américain par Nicolas Bondil – Rivages – 416 pages – 22,50€ - ***
Lionel Germain



mardi 27 août 2019

La transe de Salomé




Le roman de William Bayer ne surprendra pas les lecteurs du "Labyrinthe des miroirs" ou de "Trame de sang". L'art et le geste créateur sont toujours l'occasion d'un malentendu, d'un bruit malicieux qui brouille le message, comme cette photo de Lou Salomé réalisée en mai 1882 où en compagnie de Paul Rée et de Nietzsche, elle tient un fouet. Bayer voyage dans le temps, mêle Hitler et un curieux psychanalyste au projet de performance d'une jeune artiste contemporaine. 




La photographie de Lucerne – William Bayer – Traduit de l'américain par Pierre Bondil – Rivages – 281 pages – 23€ - ****
Lionel Germain




lundi 26 août 2019

Sixième sens et troisième âge




"Qui vivait là, dans ces éblouissantes maisons fortifiées bien au-dessus des rumeurs du monde? Conde se dit qu'en réalité, il y avait deux villes invisibles dans la ville visible: la fourmilière agitée des malheureux et les fabuleuses propriétés des bienheureux politiques et économiques." A la recherche d'une vierge noire, Mario Conde, le privé cubain dont la soixantaine fait grincer les articulations, garde ce regard désabusé et perpétuellement amoureux de La Havane.




La transparence du temps – Leonardo Padura – Traduit de l'espagnol (Cuba) par Elena Zayas – Métailié – 432 pages – 23€ - **** 
Lionel Germain




samedi 24 août 2019

Brume de cerveau





Brigitte Aubert avait déjà réussi l'exploit d'une enquêtrice tétraplégique et sourde dans "La Mort des bois". La Britannique Emily Elgar enrichit son suspense avec ce personnage enfermé dans son propre corps et voisin de chambre d'une jeune femme dans le coma après un accident. Sauf que l'accident n'en est pas un, que l'agresseur lâche des indices à chacun de ses passages et que le paquet immobile dans le lit d'à côté est une fabuleuse boite noire.





Une présence dans la nuit – Emily Elgar – Traduit de l'anglais par Carla Lavaste – Belfond – 400 pages – 21€ - **
Lionel Germain




vendredi 23 août 2019

En haut à gauche




C'est signé Jean-Luc Bannalec et ça renforce l'idée que tout ça se passe en haut à gauche sur la carte de France. La Bretagne, ses landes, ses ports, ses calvaires et ses légendes qui nous racontent des civilisations englouties sous la mer. Le commissaire Dupin évoque le parrainage prestigieux d'Edgar Poe. Il enquête ici sur les meurtres de trois femmes, à Douarnenez, sur l'île de Sein et la presqu'île de Crozon. Bannalec est le pseudonyme d'un auteur allemand. Mais il a aussi ses lecteurs en France. En haut et à gauche.



Péril en mer d'Iroise – Jean-Luc Bannalec – Traduit de l'allemand par Nadine Fontaine – Presses de la Cité – 360 pages – 21€ - *
Lionel Germain




jeudi 22 août 2019

Le climat change la fiction






Sous un titre un peu plombant, les textes contenus dans ce numéro montrent que l’environnement peut être un thème de SF stimulant et motivant.  Une réflexion sur la prospective, deux portraits contrastés de Jules Verne et Pierre Boulle, l’auteur de "La Planète des singes": l’un écolo, l’autre pas? des nouvelles, et une étude inattendue sur l’écohéroïsme au féminin dans un récent Disney, "Vaiana".




Environnement: Presque déjà la fin? - Revue Galaxies n° 52 - 192 pages - 11€ - www.galaxies-sf.com (pas de lien pour cause de sécurité du site à vérifier) - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 10 juin 2018




mercredi 21 août 2019

Castration chimique






Le premier roman d'Antoine Renand semble avoir été écrit pour cette "Bête noire". Un tueur en série sème la terreur chez ses victimes et le flic lancé à sa poursuite dissimule à sa hiérarchie les raisons de cette castration chimique à laquelle il se soumet discrètement. Quelques surprises sur une thématique très convenue. 







L'Empathie – Antoine Renand – Robert Laffont La Bête noire – 464 pages – 20€ - **
Lionel Germain




mardi 20 août 2019

Terreur contre terreur




Existe-t-il un "bon côté" de la terreur? Une légende solaire à plaquer sur la réalité glaçante des mises à mort? Oyana, fille de l'exécuteur de Carrero Blanco en 1973, est elle-même responsable de la mort d'une femme au cours d'un attentat. De Montréal au Pays basque, Éric Plamondon reprend son mode de narration éclatée pour tenter de répondre à la question initiale. La terreur n'engendre que la terreur mais comment s'affranchir d'un système totalitaire sans violence? Vous avez quatre heures.



Oyana – Éric Plamondon – Quidam – 152 pages – 16€ - ***
Lionel Germain




lundi 19 août 2019

Guerre du saumon




"Mieux vaut construire des ponts que des murs", c'est la belle leçon d'humanité que donne ce livre d'Éric Plamondon. Interroger le nationalisme permet de dépasser la monstruosité de certains de ses effets pour comprendre l'attachement à une terre. C'est l'arrachement, chez les Indiens Mi'qmaq du Canada, qui provoque le repli identitaire et la conscience de soi blessée par les envahisseurs. 



L'auteur affectionne le patchwork textuel où le fil du récit emprunte la trame d'une coupure de presse, d'une recette ou d'un point d'histoire. La narration froide de cette guerre du saumon opposant le système fédéral et les tribus est réchauffée par le personnage d'un garde-chasse en rupture de mission pour épouser la cause des indigènes. De ce polar épuré, on retiendra que notre rapport au monde est une affaire de représentation et que la nôtre est tributaire du mythe hollywoodien pour lequel l'Indien est un guerrier à cheval. 




Les Mi'qmaq ont été les premiers à préparer le sirop d'érable et le taqawan est le nom du saumon revenu de la mer pour épuiser ses dernières forces sur son lieu de naissance.

Taqawan – Eric Plamondon – Livre de poche – 224 pages – 7,40€ - ****
Lionel Germain