samedi 29 juin 2019

Sans laisser d'adresse


Est-on certain de faire gagner de nouveaux lecteurs à Elsa Marpeau en la réduisant au  désespérant "Capitaine Marleau" qu'elle a créé pour la télévision? Elsa Marpeau est une styliste. Son élégance, l'originalité de ses personnages, les nombreuses références littéraires, rien n'entrave la fluidité de ses intrigues construites avec une précision horlogère. Et son dernier roman est une petite merveille de manipulation.


Alex souffre d'une phobie sociale qui la contraint au repli domestique dans le gite rural qu'elle possède avec son mari. C'est là qu'un écrivain célèbre est venu terminer son œuvre dans le plus grand secret. Et c'est pour échapper à une tentative de viol qu'Alex le tue. Point de départ classique avec lequel Elsa Marpeau s'amuse à nos dépens. Le crime parfait n'existe pas sauf si le crime n'a pas eu lieu. Le passage de l'écrivain n'étant connu de personne, Alex le garde en vie après sa mort. On ne vous en dira pas plus. C'est du polar.


Ce qu'on peut vanter par contre, c'est la richesse des analyses sur la prédation du réel jamais innocente en littérature, sur ses tribus constituées autour des écrivains grâce aux "réseaux sociaux" où les "like" vassalisent les lecteurs, sur la dépossession dont les femmes sont victimes en permanence, de façon sournoise dans le monde du travail, ou violente dans la sphère privée. Autant de points de vue qui traversent l'œuvre sans jamais nous séparer du prodigieux destin d'Alex.

Son autre mort – Elsa Marpeau – Série noire Gallimard – 288 pages – 20€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 juin 2019



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vendredi 28 juin 2019

Astre mort





La Corée du Nord, dont le dictateur partage les pitreries américaines, atteint dans l'horreur des sommets inimaginables. Dans ce roman, disparition inquiétante, déclassement d'un homme du régime et folie abyssale des bourreaux, tout converge avec un sens impitoyable du détail vers la certitude d'une défaite de l'humanité.






L'étoile du nord – D.B.John – Traduit de l'anglais par Antoine Chainas – Equinox Les Arènes – 624 pages – 22€ - **** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 juin 2019



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jeudi 27 juin 2019

Parlez-vous le Lovecraft?





2017 n’a pas suffi, 81 ans après la mort du maître les commémorations continuent, témoin ce petit livre publié en mai 2018. En deux cents pages à peine, une mini-encyclopédie qui dit tout ou à peu près, avec des antisèches pour néophytes et le lexique ésotérique des hyperpros, la revue bien pertinente des idées reçues et d’utiles conseils de lecture. Une solide introduction à un auteur de talent qui a révolutionné la littérature fantastique.




Le Guide Lovecraft - Christophe Thill – ActuSF - 213 pages - 10€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 17 juin  2018




samedi 22 juin 2019

Se fourvoyer en l'air



"Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous", nous dit Paul Eluard. Michel Bussi programme son intrigue sur cette idée du destin qui sème des cailloux par deux fois sur le même chemin. 




Une hôtesse de l'air a vécu une belle histoire d'amour en 1999. Quatre escales pour retrouver un musicien, de Montréal à Jakarta en passant par San Diego et Barcelone. Mariée et mère de famille, elle a fait la promesse d'oublier l'incartade quand vingt ans plus tard, son planning de vol ressemble étrangement à cette parenthèse enchantée. Michel Bussi est l'empereur des illusionnistes. 






J'ai dû rêver trop fort – Michel Bussi – Presses de la Cité – 478 pages – 21,90€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 juin 2019



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Le Réseau et l'Infini




Roman d'anticipation, on est en 2058, "La Transparence selon Irina"  se contente de résoudre l'équation d'un monde contemporain totalement connecté. Internet est devenu le "Réseau" détenteur de toutes les données personnelles. On y évolue et on y est évalué en permanence. A travers le personnage d'une femme liée virtuellement à une intellectuelle nommée Irina, Benjamin Fogel décrit les points de rupture et l'émergence d'un système totalitaire qui s'appuie sur le renoncement individuel. 




La Transparence selon Irina – Benjamin Fogel – Rivages – 270 pages – 19€ - ***
Lionel Germain



vendredi 21 juin 2019

En chair et en bosses






Il y a du corps dans le polar. Parfois pas très vivant. La revue nantaise sonde la matière du délit chez Chainas par exemple ou chez les écrivains maniant les handicaps majeurs dont Jocelyne Hubert fait le détail. Quant à Sébastien Gendron, il s'étonne du silence critique sur la déplorable traduction du dernier Ellis. Avis aux amateurs.





L'Indic N°37 – Association Fondu au Noir – 48 pages – 7€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 juin 2019



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jeudi 20 juin 2019

Espace Année zéro





Avec son mari Charles elle publia dans les années 50 le premier roman français d’heroic-fantasy. Tous deux connurent très tôt la gloire de traductions aux USA. Puis elle fit son chemin et on découvrit le rôle éminent qui avait été le sien dans l’écriture de l’œuvre commune. Elle donna des ouvrages de plus en plus personnels, dont cet inédit qui pour nous se lit au passé et évoque sur le mode romanesque les tout débuts de la conquête spatiale.




Demain le ciel - Nathalie Henneberg - Éditions Sombres Rets - 208 pages -  14€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 24 décembre 2017





mercredi 19 juin 2019

Famille de coeur





Difficile de surmonter les obstacles à la conquête du bonheur conjugal pour Rose. Cheffe de famille en l'absence des parents, et malgré une grossesse qui la panique, l'animatrice culturelle du salon de coiffure "Popul'Hair" protège férocement sa tribu en pleine tourmente. Marin Ledun vagabonde autour de cette enquête avec un esprit frondeur et joyeux.





La vie en rose – Marin Ledun – Série noire Gallimard – 320 pages – 20€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 juin 2019



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mardi 18 juin 2019

Opéra bouffe


Imaginaire mais doté d'une personnalité très crédible, Reugny, un petit village de Belgique, est troublé par deux événements: l'assassinat d'un douanier et la disparition d'une jeune fille dont la mère assure le bon fonctionnement de l'hôtel du Grand Cerf. 




"Vous avez devant vous un homme qui vient de manger deux saladiers de frites et quatre cervelas." Ainsi pourrait se présenter Vertigo Kulbertus, le flic obèse et misanthrope chargé d'élucider à quelques jours de la retraite le meurtre du douanier. Dans les couloirs du grand hôtel rode également Nicolas Tèque, journaliste occasionnel dont la mission première est de réaliser un reportage sur la mort d'une grande actrice quarante ans plus tôt à l'occasion d'un tournage à Reugny. 




Franz Bartelt met l'exubérance truculente de son personnage, compromis entre Bérurier et Colombo, au service d'une vision de ses contemporains certes réjouissante mais politiquement très incorrecte.

L'Hôtel du grand cerf - Franz Bartelt - Points Policiers – 360 pages – 7,70€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 26 mai 2019



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lundi 17 juin 2019

Frissons d'Europe






Si le thriller est excellent, c'est sans doute qu'il décline certaines attentes en matière de secrets "bruxellois". On accuse le "machin" de mille complots pour défaire les nations. Les auteurs démontent celui d'un "diesel gate", sans démagogie mais avec une grande rigueur dans le casting et l'analyse des institutions.






Les Compromis – M. Calligaro et É. Cardère – Rivages noir – Préface de Daniel Cohn-Bendit – 288 pages – 19,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2 juin 2019



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samedi 15 juin 2019

Bouche cossue





C'est parce que le silence est d'or que la fortune sourit aux criminels. L'un des principaux rôles du roman de Marie Van Moere est celui d'une mère corse, veuve et en deuil d'un fils. Les lecteurs de la "Petite louve" savent à quel point l'auteure est soucieuse du destin des femmes. Vengeance, règlements de comptes, la bouche cousue est un trésor.






Mauvais œil – Marie Van Moere – Equinox Les Arènes – 416 pages – 16€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2 juin 2019



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vendredi 14 juin 2019

Poker menteur






En 1938, les accords de Munich entre Chamberlain, Premier ministre britannique, et Hitler, roi du poker menteur, n'ont rien réglé. Ils sont présentés ici avec une précision documentaire dans l'intimité des protagonistes qui transforment l'événement historique en roman à suspense. Avec des seconds rôles indispensables et bien campés.






Munich – Robert Harris – Traduit de l'anglais par Natalie Zimmermann – Plon – 364 pages – 21,90€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2 juin 2019



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jeudi 13 juin 2019

Hier, les Martiens



Avant d’être mis en ondes par son presque homonyme Orson Welles dans une émission radio qui défraya la chronique en 1938, et avoir inspiré plusieurs films, le roman de Wells intéressa très tôt les illustrateurs. 




Adoubés par l’auteur, les dessins hallucinés du brésilien Alvim Corrêa firent l’objet d’une édition de luxe à tirage limité en Belgique en 1905. La réédition de ce livre est un événement, salué en préface par Philippe Druillet, auteur de BD culte. L’album reprend le roman, tous les dessins originaux, et propose un important dossier historique et critique sur un écrivain qui a nourri l’imaginaire de notre temps.





La Guerre des mondes - Herbert-George Wells - Traduction de Henry D. Davray - Illustré par Alvim Corrêa – Omnibus - 255 pages – relié - 49€ - *****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 17 décembre 2017




mercredi 12 juin 2019

Dangereux libérateurs






Harald Gilbers égrène les heures crépusculaires de ce printemps 1945 où les Russes se présentent en libérateurs dans Berlin. Oppenheimer, commissaire juif en perpétuel sursis, se terre dans une cave avec sa femme et quelques rescapés de la débâcle. Viol, pillage, exécutions sommaires, et recherche effrénée d'un secret militaire qui fait "boum".  







Derniers jours à Berlin – Harald Gilbers – Traduit de l'allemand par Joël Falcoz – 10/18 – 522 pages – 8,80€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2 juin 2019



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mardi 11 juin 2019

Chemins de vie







Les "vieux" ne sont jamais les héros attendus du polar. Victor del Arbol s'empare du road-story pour mettre en mouvement deux personnages que le hasard a réunis dans une résidence pour seniors. A la recherche de leurs enfants en danger, ils mutualisent leurs forces déclinantes. Beau travail de mémoire pour le dernier projet d'une vie.






Par-delà la pluie – Victor del Arbol – Traduit de l'espagnol par Claude Bleton – Actes Sud – 448 pages – 23€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 26 mai 2019



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