lundi 22 avril 2013

La part du diable




L'enfer est une région de l'âme, nous dit David Patsouris, et le paradis un mirage. Cognac, au cœur de la crise entre viticulteurs et négociants, a perdu de sa nonchalance cossue. Magazins fermés, cinéma vide, la sous-préfecture ressemble à une ville fantôme dont le coffre-fort a changé de mains au profit des multinationales. Elle devrait donc sa misère relative à une poignée de prédateurs, peu soucieux de redistribuer localement le trésor des chais.
 
 
En laissant grincer son blues au-dessus des vignes, David Patsouris donne à voir ce que dissimule l'arrière plan bucolique des campagnes: une violence aussi dévastatrice que la nuit minérale des cités.
 
D'ailleurs rien ne pourrait distinguer Charly le tueur de ses copains de bistrot. Un long monologue intérieur nous entraîne à percer ses murailles et menace l'étanchéité du mal. 22 500 euros pour la mort d'un syndicaliste, fatalement, ça provoque le retour de bile. Charly enterre son dégout à Royan, encore une bourgade anesthésiée entre maisons de retraite et promotion immobilière. La sensation de rompre avec un déterminisme brutal pourrait venir d'une femme mais la rédemption se gagne au prix d'un purgatoire, cet entre deux du monde trop loin déjà du bonheur et de l'amour.
 
La part des anges n'est pas montée au ciel. Elle a couvert d'une suie brune les murs de la ville. Avec un pessimisme lyrique, David Patsouris nous restitue la part du diable.
 
Cognac blues – David Patsouris – Rouergue noir – 205 pages – 18,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 21 avril 2013