mardi 19 février 2013

Rose, c'est la mort.




Dans un premier roman, on avance chapitre après chapitre à la rencontre d'une voix nouvelle. Peu à peu, on pose des balises pour tenter d'apercevoir la tribu à laquelle cette voix pourrait appartenir et assigner une filiation au texte. La collection est souvent un indice. Les auteurs français de la Série noire constitueraient par exemple un groupuscule pressé de solder l'héritage de Manchette. En publiant "Quai des enfers", Gallimard démontre l'ineptie d'une entreprise concertée mais valide l'émergence d'un ton et d'une thématique à chaque fois singulière.
 
 
 Ingrid Astier, c'est la reine de la nuit. Un zodiac, à l'ouverture, glisse sur les eaux ténébreuses de la Seine. A son bord, les flics de la Brigade fluviale auscultent les flots boueux et découvrent à l'escale du Quai des Orfèvres une barque avec le cadavre d'une femme. C'est bien-sûr la Brigade criminelle qui se charge de l'enquête mais les hommes du fleuve en restent les partenaires privilégiés. La victime a reçu des menaces accompagnées de roses déchiquetées et d'autres cadavres viennent bientôt s'échouer dans d'autres barques. Il serait vain de réduire l'intrigue à la résolution d'une affaire criminelle tant la séduction vénéneuse des eaux qui traversent Paris domine le projet littéraire. Le véritable secret est tapi dans les nappes de brume qui coiffent le fleuve, dans les terreurs nocturnes que chacun de nous adore avoir à redouter. Qu'importe le coupable, on veut naviguer entre les pétales de rose qui honorent la peau marbrée de ces cauchemars, se perdre entre réel et fiction dans les échos d'Apollinaire, de Rimbaud ou de Robert Desnos, espérant la délivrance de l'aube: "Si vous avez des peines de cœur, amoureux, n'ayez plus peur de la Seine."
 
Quai des enfers - Ingrid Astier - Série noire Gallimard – 400 pages – 17,50 euros - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 7 février 2010



Prix Calibre 47 décerné en 2013 pour  Angle mort