lundi 10 novembre 2025

La vie de Brayan


On l'appellera Monsieur J. C'est un instituteur modèle et le personnage grâce auquel Julien Fyot va nous inviter dans les coulisses de son école primaire. Tout va tellement bien dans le CM2 de Monsieur J. que le directeur n'hésite jamais en début d'année à lui proposer l'accueil supplémentaire de l'élève "à problèmes". Cette année, ce sera Brayan. 



Et bien sûr, Brayan, c'est le grain de sable dans la mécanique d'une classe d'ordinaire sans histoire. Si la vie de Brayan explique son inadaptation à la vie scolaire, celle du petit Tom est en revanche le fruit d'un modèle apparent de sérénité familiale. Brayan et Tom, ce pourrait être le feu et la glace. Mais rien n'est jamais aussi simple. Tom est le fils d'une institutrice qui a perdu un premier enfant. Malgré le drame qui a précédé sa naissance, Tom est un élève empathique et sérieux, quand Brayan est le roi des trublions. 


Julien Fyot multiplie les angles d'observation de cet espace où les enfants et les adultes sont assignés à une cohabitation dans laquelle les enjeux de pouvoir viennent sans cesse perturber la transmission des connaissances. Même monsieur J., le héros du roman, est un professeur dont l'armure se désagrège. Et quand Tom meurt dans des circonstances troublantes, le maître parfait et la mauvaise graine de Brayan se retrouvent prisonniers d'un pacte auquel l'auteur réserve une chute surprenante.
 
Mais le roman de Julien Fyot est avant tout la mise en scène d'un naufrage. Si l'Éducation nationale est le vaisseau amiral de l'administration française, sur les coursives, ça ressemble davantage au Titanic. Les démissions successives de l'instituteur s'affichent en contre exemples du discours officiel. L'inclusion y est une injonction sans cesse démentie par l'impuissance des enseignants à la mettre en œuvre. Professeur des écoles en éducation prioritaire à Paris, l'auteur dont c'est l'excellent premier roman connaît bien son sujet. 

Décrochages - Julien Fyot – Éditions Viviane Hamy – 392 pages – 21,90€ - **** 
Lionel Germain


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