mercredi 31 mars 2021

En attendant Dune



Le film de Denis Villeneuve tiré du chef d’œuvre de Frank Herbert paru en 1965 sera l’événement cinématographique de l’année. Retardée par la pandémie, sa sortie suscite d’ores et déjà plusieurs parutions, une nouvelle traduction du cycle chez Laffont, l’intégrale des nouvelles du même auteur à paraître au Bélial’, et, chez le même éditeur, un passionnant ensemble où astronomes, physiciens, linguistes, philosophes se penchent sur cette fabuleuse saga qui pointait déjà, il y a plus d’un demi-siècle, deux questions cruciales aujourd’hui, l’impact du religieux, la crise écologique.


Dune. Exploration scientifique et culturelle d’une planète-univers - sous la direction de Roland Lehoucq - Le Bélial’ - 337 pages – 18,90€
François Rahier



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lundi 29 mars 2021

Offense de l'Art


Dans un polar innocent, le coupable est incarné. Ce n'est ni la société, ni l'abstraction malfaisante d'un "système". Katerina Autet a obtenu le Grand prix des enquêteurs 2020 décerné par Didier Decoin et Olivier Marchal pour cette intrigue "américaine" dans la tradition du "sang maudit". 




Qui a tué le patriarche d'une famille dont la fortune s'est bâtie sur le marché de l'art? L'avocat détective chargé de disculper le fils n'appartient pas au réseau des grandes fortunes et s'appuie sur le journal accusateur publié par l'une des filles. Mais l'innocence du lecteur consiste à ne pas voir le coupable dans la somme des indices qui s'accumulent.





La Chute de la maison Whyte – Katerina Autet  – Robert Laffont La Bête noire – 312 pages – 17€ - ** 
Lionel Germain




vendredi 26 mars 2021

Juste quelqu'un de "bien"


Aux éditions de l'Arbre Vengeur, celui qui traque les textes venus d'ailleurs s'appelle David Vincent. Gilles Verdet a lui déjà fréquenté la Série noire mais son "Nom de noms" ne pouvait pas trouver meilleure auberge. 



Trois fois rien, c'est déjà quelque chose, disait Devos. L'auteur donne à entendre la petite musique des patronymes, héritage parfois indésirable, comme le souligne le narrateur de la première partie de ce roman en cinq mouvements. Au prix d'une petite entourloupe administrative, monsieur Rien rêve de se rebaptiser en Bien et ne devra pas trop se réjouir de rencontrer Aimée et Désirée… Oxymores, non-sens et rire grinçant, de quoi sommes-nous le nom?




Nom de noms – Gilles Verdet – L'Arbre Vengeur – 256 pages – 13€ - ***
Lionel Germain 



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mercredi 24 mars 2021

Robots et Androïdes





Publié en 1836 dans les "Histoires grotesques et sérieuses", ce texte n’est pas un conte mais un essai dans lequel Poe s’attache à discerner le vrai du faux dans une affaire qui défrayait la chronique, le fameux automate de Kempelen. Démontant une fake-new de l’époque, il met aussi en évidence ce qui distingue l’intelligence humaine de celle d’une machine, anticipant le fameux test de Turing.





Le Joueur d’échecs de Maelzel - Edgar Poe - Traduction de Charles Baudelaire - Folio/Gallimard - 118 pages - 3€ - ***
François Rahier



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lundi 22 mars 2021

Brelan de dames dans le rétro

 
C'est en tapant à la machine pour les studios que Mary Hauenstein, née en 1919 et morte en 1971, a eu l'idée, planquée sous le pseudonyme ambigu de Marty Holland, de pondre son premier polar en 1945 à Hollywood. Ses "anges déchus" deviendront "Le Resquilleur" en 1955 à la Série noire. Le "bad guy" en question s'appelle Eric Stanton, jeune homme roublard et cupide, pas sympathique du tout. Il débarque sans un rond à Walton, une petite ville californienne en pleine guerre (la Seconde) après avoir échappé à la mobilisation grâce à ses pneumonies d'enfance. Il a très vite le projet d'escroquer une jeune rentière, Emmie, pour se faire la malle avec la serveuse, Stella. Mais Stella est assassinée et un super flic est convaincu de sa culpabilité.



Dans "Lourd de menaces", l'Australienne Estelle Thompson née en 1930, impose un cauchemar à son héroïne, Ann Kendall, victime d'un accident et persuadée à son réveil qu'il s'agit d'une tentative de meurtre. Une famille entière, charmante, riche et paisible, forme le lot de suspects autour d'Ann Kendal bloquée dans la maison. La peur nourrit un gentil suspense dans les faubourgs de Brisbane.



Britannique née en 1924 et morte en 2012, Margaret Yorke s'est illustrée dans sa jeunesse en s'engageant dans la Navy. Elle a publié plus d'une quarantaine de romans dont des polars qui lui ont valu un prix en 1999. Val McDermid a dit d'elle qu'elle "avait trempé sa plume dans l'acide". On peut le vérifier avec le titre français de cette série noire de 1979, "Ne vous y frottez-pas!". Une fille moche, plus très jeune, s'invente une autre vie mondaine pour rompre avec son existence auprès de sa mère infirme et exigeante. Au cours d'une de ses fugues, elle est le témoin d'un meurtre et va devoir échapper aux assiduités malveillantes de l'assassin. Pessimiste. Et forcément le meilleur des trois…



Le Resquilleur – Marty Holland – Série noire (1955) - **
Lourd de menaces – Estelle Thompson – Série noire (1970) - **
Ne vous y frottez-pas! – Margaret Yorke – Série noire (1979) - ***–

Lionel Germain




vendredi 19 mars 2021

Voyage organisé


Rien n'arrête Caryl Férey, après l'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande et l'Amérique latine, c'est au cœur du froid sibérien que ce grand voyageur a posé ses valises. 



En russe, "Lëd" signifie glace, et Norilsk, étoile polaire du paradis soviétique est une ville où le thermomètre peut descendre jusqu'à -60°. Dans ce lieu de bannissement stalinien, entre aurores boréales et ouragan meurtrier, même les flics sont des bagnards en rémission. Comme Boris, chargé de l'enquête sur la mort d'un éleveur de rennes. Jeunesse perdue, pollution, réchauffement climatique et corruption généralisée dans les mines de nickel. Sans feu ni flammes, bienvenue en enfer.



Lëd – Caryl Férey – Les Arènes thriller Equinox – 528 pages – 22,90€ - ***
Lionel Germain



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mercredi 17 mars 2021

Qui j'ose aimer


La SF ne s’intéresse pas qu’aux petits hommes verts et à l’exploration de l’espace. C’est aussi et surtout une formidable machine à penser. La question de la sexualité s’y est posée bien avant la période de libération des années ‘70. 




Déjà en 1952, à une époque où les mariages interraciaux étaient proscrits aux USA, Farmer faisait scandale avec une histoire d’amour entre un humain et une ET. La fiction jouait à fond la carte de la métaphore. Ce passionnant dossier explore toutes les facettes de ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler la question du genre, et de tous les genres – LGBTQI+ comme on dit…





Sexe et Genre en SF - dossier coordonné par Lucie Chenu - Revue Galaxies n° 69 - 189 pages - 11€. www.galaxies-sf.com/ - 
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 21 février 2021



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lundi 15 mars 2021

Délivrez-nous du mal



Assassinat très ciblé que celui dont l'inspecteur Carl Edson doit élucider les mobiles. La victime n'a pas succombé à ses blessures et c'est à l'hôpital que son bourreau finira le travail. Bo Svernström ne nous épargne aucune des mutilations et autre ablation des testicules que l'homme a subies, détaillées par le scalpel d'une médecin-légiste à la "gueule cassée". Bientôt d'autres exécutions capitales viennent pimenter le mystère tandis qu'un coupable transparaît pour mieux faire écran au véritable meurtrier. Gros suspense.  



Victimes – Bo Svernström – Traduit du suédois par Lucas Messmer – Denoël Sueurs froides – 520 pages – 23,90€ - ***
Lionel Germain 




vendredi 12 mars 2021

Chastity et Gros Minet


C'est dans une nouvelle collection des éditions nantaises de l'Atalante, Fusion, qu'est publiée cette "Nuit bleue" de Simone Buchholz. 


Dans ce deuxième roman publié en France, l'autrice allemande ramène les démons classiques du polar dans le port de Hambourg où Chastity Riley, procureure sur la touche, est chargée de la protection des victimes. C'est la figure la plus borderline de Hambourg, héritière d'un rêve de roman noir américain. Elle a du mal à lâcher sa canette, ses clopes et les griffes de son gros minet, le patron d'un bar de nuit. Hambourg, le port, les rue chaudes de Sankt Pauli, vrai personnage, porté par une musique et une voix singulière.



Nuit bleue – Simone Buchholz - Traduit de l'allemand par Claudine Layre – Fusion l'Atalante – 240 pages – 19,90€ - ***
Lionel Germain



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mercredi 10 mars 2021

L'espace infini des livres





Connu pour ses polars, l’auteur privilégie la forme courte quand il explore l’imaginaire. Ce recueil alterne avec talent brefs récits et novellas, contes horrifiques ou plus traditionnels. L’histoire de la Caxton Library ravira les amateurs de cabinets de lecture: beaucoup plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, elle occupe en fait un espace pratiquement infini.





Musique nocturne - John Connolly - Traduit de l’anglais (Irlande) par Jacques Martinache et Pierre Brévignon - Presses de la Cité - 428 pages - 21€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 10 février 2019



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lundi 8 mars 2021

Guerre de mômes

 


Un premier chapitre hallucinant de violence scatologique donne le ton de cet épisode du roman napolitain. Des mômes, lâchés dans la ville comme une horde de barbares, indifférents à la mort et à la souffrance, se livrent à des guerres de gangs pour contrôler le trafic de drogue. Ça donne à Gomorra le prolongement redouté, celui où plus rien même pas l'enfance, n'est épargné. À lire pour mieux comprendre les orages qui grondent dans les régions françaises.




Piranhas – Roberto Saviano – Traduit de l'italien par Vincent Raynaud – Folio Gallimard -  464 pages – 9,10€ - ***
Lionel Germain




vendredi 5 mars 2021

Amira de Lesbos


Le Baron, c'est le surnom de Michel de Palma, un flic de la brigade criminelle que Xavier-Marie Bonnot a réformé pour qu'il puisse enfin jouir de la musique et du grand large. On est à Marseille et le grand large charrie une moisson d'exilés que certains groupes "identitaires" aimeraient coincer dans leur filet. Après le suicide d'une psychiatre engagée dans l'aide aux migrants, Le Baron reprend du service avec cette élégance du héros récurrent qui laisse de la marge aux autres voix de l'intrigue. De l'île de Lesbos, Xavier-Marie Bonnot nous donne à entendre celle d'Amira, réfugiée syrienne qui a quitté l'enfer pour un paradis trompeur.


Les vagues reviennent toujours au rivage – Xavier-Marie Bonnot – Belfond – 304 pages – 19€ - numérique: 11,99€ - ***



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mercredi 3 mars 2021

Le Temps perdu retrouvé


Coutumier de gros thrillers qui ont nourri des séries à succès (Under the Dome), ou tutoyé le cinéma d’auteur (Shining de Kubrick), King revient régulièrement à la forme courte, nouvelles ou brefs romans parfois proches de la littérature générale. L’horreur, la peur ou la terreur n’ont pas forcément besoin du surnaturel pour s’épanouir. 




Ce nouvel opus propose quatre histoires bien différentes: un jeune garçon offre un téléphone portable à un vieil homme atrabilaire, un quidam sans importance meurt et le ciel et les étoiles l’accompagnent dans le néant, l’enquêtrice de "L’Outsider" revient aux affaires, et enfin, clin d’œil au métier d’écrivain pimenté d’autodérision, les affres d’un auteur de nouvelles qui n’arrive pas à mettre en chantier un roman. 




Parcourant ses territoires favoris, l’État du Maine en particulier, King revisite en même temps sa géographie intime, l’enfance, les blessures jamais guéries autour desquelles des vies se construisent – ou se défont. On peut s’étonner de sentir dans ces pages couler à ce point le lait de la tendresse humaine dont parle Shakespeare. Chaque homme contient des multitudes, les instants de vie les plus insignifiants sont ceux peut-être pour lesquels Dieu a créé le monde. 

Ces nouvelles, la première en particulier, sont le théâtre d’un adieu mélancolique à l’enfance, une manière d’automne de l’innocence atteignant presque le niveau d’incandescence du "Corps", le plus beau de ses récits, magnifié par le film de Rob Reiner "Stand by me" en 1986. Lorsqu’il franchit la ligne d’ombre l’avertissant que les parages de la prime jeunesse doivent être laissés en arrière, l’adolescent voit venir à sa rencontre des fantômes déconcertants: comment rester fidèle aux émotions, aux aspirations dont on a, enfant, senti qu’elles devraient être celles de toute une vie, en échappant à l’emprise mortifère du passé? Il s’agit ici moins de retrouver le temps perdu que de ravauder les mémoires: on écrit, alors, pour guérir le présent.

Si ça saigne - Stephen King - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch - Albin-Michel - 457 pages – 22,90€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 21 février 2021



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lundi 1 mars 2021

Nos monstres ordinaires





Sous le ciel argenté des Blue Ridge Mountains, Kathleen est serveuse dans un snack où débarque un jour "l'étranger". Il s'appelle Danïïl, il est ousbek et fuit une sale histoire. S'il y a plusieurs façons de se cacher,  Sarah Saint-Vincent nous prouve que l'hiver est un refuge. Dans cette Pennsylvanie où les forêts frissonnent, où les lacs ont des reflets trompeurs s'assoupissent les secrets de Tachkent et, sous le gel des blessures de Kathleen, "nos monstres ordinaires."



Se cacher pour l'hiver – Sarah ST Vincent – Traduit de l'américain par Éric Moreau – Delcourt – 384 pages – 21,50€ - ****
Lionel Germain