lundi 24 décembre 2018

La Maison du Pain



Oublions un instant, voulez-vous, les turpitudes victoriennes de Londres où malgré les efforts de Thomas Pitt et de William Monk, le crime est triomphant. Il est l'heure de céder une nouvelle fois à la magie de Noël avec cette petite friandise d'Anne Perry à savourer dans la lumière déclinante de décembre. 




A l'aube du vingtième siècle, un couple vieillissant s'offre une escapade en Palestine. Il y rencontre un astronome qui lui laisse un fragment de parchemin avant de se faire assassiner. C'est un polar mais le ciel allume tous ses feux pour éclairer la route vers Jérusalem. Beit Lechem, la "maison du pain" en hébreu, c'est là dans la Via Dolorosa que le couple doit porter le précieux document. Au cœur d'un monde menaçant, il y a cette étoile dont les hommes n'ont cessé de trahir la promesse. Joyeux Noël.




Un Noël à Jérusalem – Anne Perry – Traduit de l'anglais par Pascale Haas – 10/18 – 160 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain




vendredi 21 décembre 2018

Noir sauce piquante






Fondu au Noir, c'est au départ une association nantaise constituée de passionnés de cinéma. Ils ont désormais élargi le champ de leurs investigations en direction de la littérature, celle qu'on qualifie de "genre" avec un petit sourire en coin. Le vaisseau amiral de ce groupuscule s'appelle "L'Indic". Une belle revue papier consacrée au polar d'Asie dans sa dernière livraison. 




L'Indic 35 (décembre à février) – Association Fondu au Noir – 48 pages – 7€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 décembre 2018




jeudi 20 décembre 2018

Aventures picaresques






Au XXIIIe siècle, la Compagnie solaire des épices et liqueurs entend bien défendre ses intérêts parmi les requins du business interstellaire. À sa tête, un infatigable bourlingueur de mondes, roi du négoce, roi des roublards, dont les exploits étaient encore inédits en français. Dépaysement assuré signé par un maître du space opera, ici plus près de Falstaff que de la Guerre des étoiles… 




Aux comptoirs du cosmos - Poul Anderson - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Daniel Brèque - Le Bélial’- 267 pages - 20€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 9 juillet 2017




mercredi 19 décembre 2018

A temps perdu






Tracy, flic de Seattle, revient à Cedar Grove où vingt ans plus tôt sa sœur Sarah a disparu. On finit par redécouvrir son corps, et le suspect condamné pourrait bien ne pas être le vrai coupable. Grâce à ce personnage de femme indépendante, l'intrigue sans grande originalité est néanmoins efficace pour combler les deux heures entre Paris et Bordeaux.






Le dernier repos de Sarah – Robert Dugoni – Traduit de l'américain par Hélène Amalric – Pocket – 576 pages – 8,30€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 décembre 2018




mardi 18 décembre 2018

Police politique




Le roman de David Young nous ramène plus de trente ans en arrière dans le monde glacé de l'ère soviétique où les frontières de l'empire traversaient la ville de Berlin. Indépendante et parfois en conflit avec le "Grand Frère", l'Allemagne de l'Est ne cultivait guère sa différence en matière de sécurité. Karin Müller, l'héroïne séduisante de David Young mène une enquête difficile sur des disparitions de nouveau-nés. La recherche de la vérité en pays totalitaire est une blague dont les auteurs émargent à la Stasi, la police politique. La seule vraie police, donc. Une reconstitution passionnante.




Stasi Block – David Young – Traduit de l'anglais par Françoise Smith – 10/18 – 384 pages – 7,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 décembre 2018




lundi 17 décembre 2018

Irish Coffin






Dante, pianiste toxicomane, et Cal, ancien flic alcoolique, forment un duo de personnages tellement usés par la littérature policière qu'il est difficile de convaincre les lecteurs du caractère singulier et pourrait-on dire essentiel de cet épisode consacré au Boston des années cinquante. Une incursion brillante dans les racines de la violence irlandaise.





Les brûlures de la ville – O'Malley et Purdy – Traduit de l'américain par François Rosso – 10/18 – 328 pages – 8,80€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 décembre 2018




vendredi 14 décembre 2018

Rugby d'honneur






Claudio Fava, député italien dont le père a été assassiné par la mafia, revient sur un épisode tragique de la dictature argentine en 1978. Comment mieux comprendre l'arbitraire de cette violence qu'en suivant l'épopée minuscule d'un championnat de rugby? Après l'assassinat politique d'un joueur, l'organisation exemplaire de la résistance.







Silencios – Claudio Fava – Traduit de l'italien par Dominique Manotti et Alexandre Bilous – J'ai Lu – 128 pages – 5€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2 décembre 2018




jeudi 13 décembre 2018

Mystères de l'Ouest






En 1876 Ulysse Grant termine son deuxième mandat à la tête des USA. Au cours d’un déplacement en Illinois il échappe de justesse à un attentat, grâce à l’intervention d’un jeune agent de sécurité du formidable complexe que le président s’apprêtait à visiter, deux immenses tours jumelles venues d’un futur incertain. Un savoureux mélange de polar et d’histoire, à la sauce steampunk.




La Cité du futur - Robert Charles Wilson - Traduit de l’anglais (Canada) par Henry-Luc Planchat - Lunes d’encre/Denoël - 367 pages - 22€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 2 juillet 2017




mercredi 12 décembre 2018

Presse papier




C'est une histoire de délai. Dans le monde de la presse, c'est souvent une obsession. On dira la "dead line" pour faire chic, ce qui n'est pourtant pas la préoccupation première d'Einar, le journaliste inventé par Thorarinsson. Il a treize jours pour trois défis: rejoindre son amie banquière en fuite, accepter de devenir le patron de son journal et résoudre l'affaire de cette jeune lycéenne assassinée dans un parc. La densité de l'intrigue laisse peu de répit au lecteur aspiré dans les bas-fonds pervers d'une île apparemment si calme.



Treize jours – Arni Thorarinsson – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Métailié – 304 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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mardi 11 décembre 2018

Secrets d'alcôve






Dans ce dix-septième siècle où triomphe une raison d'état totalement confondue avec la déraison intime d'un monarque absolu, Louis Fronsac, fils de notaire et enquêteur perspicace, est une invention aussi vraie que le monde des secrets d'alcôve animé par Jean D'Aillon depuis plus d'une dizaine d'années. Parricides et maîtresses fatales sont à l'affût dans les couloirs du palais.





Menaces sur le roi – Jean d'Aillon – 10/18 – 192 pages – 6,60€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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lundi 10 décembre 2018

Sans dent dansant



Impression soleil levant au sud de la frontière mexicaine. Jedidiah Ayres, fils de pasteur texan, a davantage été bercé par les variations de Peckinpah sur la "Horde sauvage" ou "Les Chiens de paille" que par la douceur évangélique du Nouveau testament. "Les Féroces", premier roman traduit en français, est titré en référence à un groupe de prostituées assignées à résidence dans un bordel du désert mexicain. Les hommes de main d'un patron de la mafia y cuvent leur ennui et mènent un étrange ballet à coups de batte de base-ball. Quand les femmes se révoltent, chacun compte ses dents.



Les Féroces – Jedidiah Ayres – Traduit de l'américain par Antoine Chainas – Equinox Les arènes – 126 pages – 9,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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vendredi 7 décembre 2018

Quelques nouvelles de la nuit



Vous les avez déjà rencontrés. Trois héros qui ont défrayé la chronique littéraire à plusieurs reprises. Quand John Harvey nous donne de leurs nouvelles, un sentiment familier ravive le souvenir. Charlie Resnick, Jack Kiley et Frank Elder sont des personnages que leur humanité rassemble et qui peuvent même se croiser sur la page l'espace d'une intrigue mais conservent leur propre épaisseur et leur propre tempo. 





Par exemple, à l'inverse de Resnick et Elder, Kiley n'est pas un héros de roman. John Harvey l'a conçu pour de brèves apparitions, "une petite enquête et puis s'en va." C'est un ancien flic, ancien joueur de foot. Après la police et les crampons, il s'est reconverti en "privé". On le reconnait dans les bars, sa clientèle appartient au milieu du sport, sa compagne provisoire, Kate, est journaliste. 





On le suit à travers quatre moments de sa carrière d'enquêteur: une joueuse de tennis victime de chantage, une jeune prostituée menacée par un ex brutal, un entraîneur pour gamins accro aux jeux de hasard et un dernier épisode sur un trafic de réfugiés.

Frank Elder, héros de trois romans, avait fait sa première apparition dans cette nouvelle, "Plein Nord", enquête sur un massacre familial mais surtout récit de sa propre déconfiture amoureuse.

La star incontestée, c'est bien-sûr Charlie Resnick. Son tempo à lui, c'est celui du jazz qui imprime sa couleur bleu nuit à l'univers du personnage, de ses chats Pepper, Miles ou Dizzy, de la dope qui ensemence le désespoir des marginaux. Deux nouvelles à la première personne nous renvoient dans ce monde du blues. Les harmonies y sont souvent mineures mais la prose de John Harvey est de première grandeur.

Une étude en noir – John Harvey – Traduit de l'anglais par Karine Lalechère et Jean-Paul Gratias – Rivages – 336 pages – 16€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 novembre 2018



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Dexter Gordon: "Round Midnight"






jeudi 6 décembre 2018

Retour du mythe





Ce brillant essai sur un des auteurs majeurs du fantastique au début du XXè siècle se lit aussi comme un "à la manière de". L’imaginaire morbide voire maladif de Lovecraft (1890-1937) fascine autant qu’il révulse. Le livre, richement illustré et doté d’un cahier couleurs, parcourt l’œuvre pas à pas, avec une seconde naïveté, qui mêle esprit critique, fusion-adhésion passionnée et complotisme ludique: si on jouait à faire semblant d’y croire ?




Cthulhu ! - Patrick Marcel - Les Moutons électriques - 220 pages - 19€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 25 juin 2017




mercredi 5 décembre 2018

Tueurs tristes




On est en 1963, l'OAS affûte les longs couteaux à l'intention des liquidateurs de l'Algérie française. Jourdan, l'officier putschiste en cavale, intéresse la CIA. Son recruteur, un pédophile à l'histoire familiale édifiante, est passé du sud esclavagiste aux valeurs yankees de West-point. Avec Norbert, flic français au destin d'espion, on a un trio plongé dans l'histoire contemporaine où se mêlent géopolitique et pulsions abominables. Un cocktail romanesque sulfureux.




Rouge parallèle – Stéphane Keller – Toucan noir – 400 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2018



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mardi 4 décembre 2018

Saumâtre






Le monstre médiatique avide de nouveauté occulte la permanence du drame qui se joue à quelques miles nautiques de nos côtes. Philippe Georget démarre son intrigue sur une de ces îles européennes en Méditerranée. C'est là que vit le journaliste Louka Santoro confronté à la tragédie des migrants. Roman sur les solidarités en œuvre et rapport accablant sur les trafics qui alimentent la machine du désespoir.






Amère Méditerranée – Philippe Georget – In8 – 464 pages – 22€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 18 novembre 2018




lundi 3 décembre 2018

Une douloureuse absence




Graeme Macrae Burnet est un auteur facétieux adepte de l'imposture dont Echenoz et Vilas-Matas nous détaillent la philosophie dans leur savoureux dialogue publié chez Meet en 2008. "La Disparition d'Adèle Bedeau", roman d'atmosphère de Raymond Brunet adapté au cinéma par Chabrol en 1989 existe au-delà de cette fiction éditoriale. Oublions Brunet et Chabrol qui ne servent qu'à épaissir la réalité du récit. Le roman réel nous présente un homme soupçonné du meurtre d'une serveuse dans une petite ville alsacienne. Roman morose que Chabrol aurait certainement apprécié.




La Disparition d'Adèle Bedeau – Graeme Macrae Burnet – Traduit de l'anglais par Julie Sibony – Sonatine – 384 pages – 22€ - ***
Lionel Germain