mercredi 31 octobre 2018

Machines à rêver






Version américaine de la mythique revue française de SF "Métal Hurlant", "Heavy Metal" continue à paraître trente ans après la disparition de son modèle. Cette histoire des deux rives permet de comprendre l’impact qu’a eu le magazine aux USA en transposant d’un bloc des styles et des normes venus de l’imaginaire francophone: une esthétique qui va bouleverser les codes de la fiction.






Heavy Metal, l’autre Métal Hurlant - Nicolas Labarre - Préface de Gilles Poussin, SF Incognita/Presses Universitaires de Bordeaux - 236 pages - 25€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 18 juin 2017




mardi 30 octobre 2018

Pères et fils






Comment se fait-il qu'en 2018, on parle encore de l'Algérie avec le sentiment d'une plaie à vif? Les Français n'ont fait qu'un travail partiel de deuil et l'armée algérienne a converti le rêve d'indépendance en cauchemar sécuritaire. Adlène Meddi observe le destin tragique des fils de héros. La réponse à la question initiale, poétique et rageuse, n'est pas toujours politiquement correcte.




1994 – Adlène Meddi – Rivages – 348 pages – 20€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 21 octobre 2018




lundi 29 octobre 2018

Étroit et à l’œil






Sébastien Gendron écrit des romans pour la "jeunesse" qui ne sont pas interdits aux vieux lecteurs. L'histoire d'un pays pas plus grand que "le quartier central d'une grande ville comme un œil", encerclé par une dictature. Résistance au totalitarisme et jeux de dupes pour l'adolescent qui croit mener le bal des espions. La question centrale héritée d'Orwell est celle de la vérité vraie: "ce que je sais, c'est ce que je suis."




Kaplan – Sébastien Gendron – Syros – 256 pages – 15,95€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 octobre 2018



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vendredi 26 octobre 2018

Cavale de nuit dans les Rocheuses



Avec Benjamin Whitmer, auteur de "Cry Father" et de "Pike", deux romans dont on avait salué la rage froide, le noir est une couleur qui vient du ciel. "Évasion" vient confirmer l'inclination de l'écrivain pour les saisons glacées. Une histoire de cavale dans la grande tradition du roman américain. Une prison, douze évadés, des chasseurs d'hommes, journaliste et pistards professionnels, pas de prologue, ni de plan large en ouverture, le réel qui vous harponne dès la première phrase.




Si les chants désespérés sont les plus beaux, alors on peut dire que le roman de Whitmer est magnifique. Pas une once de lumière pour éclairer ce paysage sur lequel la neige amortit à peine les ombres. Quelque part dans le Colorado, Old Lonesome est une ville avec une prison. Et de ce lieu d'enfermement, les habitants semblent puiser une énergie sombre qui réduit le "dehors" à un reflet du cauchemar carcéral.





Avec Jim, le gardien harcelé depuis l'enfance, Whitmer dresse le portrait fascinant d'une victime quasi mutique. Résigné à cette "mort lente et suffocante" que ce Noël de la fin des années soixante n'apaise en rien, il encaisse les coups et poursuit sans passion la traque des évadés. Parmi eux, Mopar, justicier renvoyé derrière les barreaux pour avoir corrigé un flic sadique. Le monde de Whitmer est une flaque de boue dans laquelle surnagent des spectres reliés entre eux par des lambeaux d'humanité. Superbe.

Évasion – Benjamin Whitmer – Traduit de l'américain par Jacques Mailhos – Gallmeister – 416 pages – 23,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 octobre 2018



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jeudi 25 octobre 2018

Vues d'une terre lointaine






La Terre est devenue une jungle tropicale brûlée par le soleil, recouverte sur plusieurs centaines de mètres de hauteur par une gigantesque forêt; l’homme y survit, en compagnie d’araignées fabuleuses qui tissent leur toile jusqu’à la Lune. La meilleure manière de rendre hommage à l’immense écrivain britannique qui vient de nous quitter, c’est peut-être de relire cette fable visionnaire parue il y a plus d’un demi-siècle.





Le Monde vert - Brian Aldiss - Traduit de l’anglais par Michel Deutsch -  Folio SF/Gallimard - 336 pages – 8,20€ - *****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 3 septembre 2017




mercredi 24 octobre 2018

Frères d'âme




Le sens du tragique est définitivement dans le camp de ces auteurs américains qui ont échappé à la poisse urbaine des fondateurs pour enraciner le désespoir en zone rurale. David Joy inscrit le destin de ses personnages dans la froide majesté des Appalaches. Thad Broom, de retour d'Afghanistan, et Aiden McCall, orphelin en cavale, sont des frères d'âme sur lesquels pèse le poids d'un monde chargé de ténèbres.





Le poids du monde – David Joy – Traduit de l'américain par Fabrice Pointeau – Sonatine – 310 pages – 21€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 octobre 2018



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mardi 23 octobre 2018

Sans confession





Adeline Dieudonné a trempé sa plume dans l'encrier du diable pour ce roman tonique, déjà sur la liste de nombreux prix. Sa narratrice de 10 ans est la fille d'un chasseur qui accumule les trophées dans la "chambre des cadavres". Sa mère, une "amibe", encaisse les coups sans jamais susciter l'empathie. Et le petit frère qu'elle protège comme une louve va basculer du côté des prédateurs. Poignant mais saignant.




La vraie vie – Adeline Dieudonné – L'Iconoclaste – 266 pages – 17€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 14 octobre 2018



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lundi 22 octobre 2018

La nuit des herbivores


Du polar marocain, le regretté Driss Chraïbi est le seul auteur dont on garde en mémoire l'humour et l'ironie. Chez Actes Sud, c'est un Africain qui s'empare de Casablanca pour en faire une scène de crime. 




Le paradoxe du Maroc, terre d'émigration, est parfois d'accueillir les recalés du rêve européen. Le Congolais In Koli Jean Bofane a su trouver le juste équilibre entre cynisme, effronterie et tendresse pour décrire le désenchantement de Sese le "brouteur". Associé à la belle Ichrak, il éponge le déficit commercial entre le Nord et le Sud en exploitant la crédulité des Européens esseulés. Mais l'assassinat de la jeune femme le renvoie aux pièges de la nuit casablancaise.




La Belle de Casa – In Koli Jean Bofane – Actes Sud – 208 pages – 19€ - ***
Lionel Germain



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vendredi 19 octobre 2018

Nuances de gris







Le petit arpent du bon dieu américain a été le premier à délivrer les démons d’une humanité qui se rêvait jusque-là angélique. Dans ce deuxième roman de Joe Meno publié par Nadège Agullo, le cadre faussement bucolique d’une petite ville de l’Indiana offre toutes les nuances du désespoir social. Un père, sa fille et son petit-fils s’abiment dans le vide existentiel jusqu’à l’arrivée rédemptrice d’une jument.





Prodiges et miracles – Joe Meno – Traduit de l’américain par Morgane Saysana – Agullo – 376 pages – 22€ - ***  
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 30 septembre 2018



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jeudi 18 octobre 2018

Géante rouge




Une histoire de fin du monde, encore. Mais sans guerre ultime ni catastrophe écologique. Simplement un immense corps céleste qui se rue sur le système solaire, colorant tout en rouge et noir. Une humanité du futur qui a inventé le voyage dans le temps et essaie de se jouer des paradoxes. Un homme et une femme enfin, qui s’aiment et tentent de conjurer le sort en s’installant dans un passé où ils rencontreront Philip K. Dick. Un clin d’œil mais pas que.




Le Temps de Palanquine - Thierry Di Rollo - Le Bélial’- 280 pages - 15€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 18 juin 2017





mercredi 17 octobre 2018

Swing de crime





On peut adorer un auteur de polar et frôler le malaise cardiaque en découvrant ses goûts musicaux. Pas de noms ici, mais dans l'Indic N°34. On peut redécouvrir son âge à chaque playlist. Jazz, rock ou java, la bande son des polars est aussi un indicateur spatio-temporel, une façon d'élargir le petit monde des lettres à celui où une blanche vaut deux noires. Harmonies criminelles.





L'Indic N°34 – Polar et Musique - Association Fondu Au noir – 48 pages – 7€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 23 septembre 2018




mardi 16 octobre 2018

Mère amère






C'est la force de l'absence qui caractérise ce roman de Jérémy Fel. Elle se déploie sur le destin des personnages perdus dans le décor déjà très anxiogène du Kansas. Absence de la mère pour Hayley. Absence du père pour Tommy. La première est coincée après une panne dans ce cul de sac dont les abattoirs fréquentés par le second laissent présager du pire. Et quand elle est présente, la mère est dévorante.




Helena – Jérémy Fel – Rivages – 736 pages – 23€ - 
Réédition septembre 2019 - Rivages poche – 736 pages – 9,20€ ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 septembre 2018



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lundi 15 octobre 2018

Sa zone occupée






L'inspecteur principal adjoint Léon Sadorski dont les aventures romanesques sont hélas inspirées par celles d'un vrai flic de l'Occupation, revient nous raconter les sinistres événements de la zone occupée en 1943. Même s'il "protège" une jeune juive, il reste un de ces monstres ordinaires immergés dans un Paris où contrastent la veulerie des collabos et la rigueur esthétique du cinéaste Robert Bresson.





Sadorski et l'Ange du péché – Romain Slocombe – Robert Laffont La Bête noire – 680 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 septembre 2018



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