vendredi 27 avril 2018

Stop interdit




Une histoire de "privé" dans l'État de New-York, ce simple énoncé suffirait à décourager un bon nombre d'amateurs de polars. Cal Weaver a perdu son fils Scott, un suicide d'adolescent qui garde une part de mystère. Sa femme s'éloigne de lui. Bref, un "détective à problèmes" dont on redoute le caractère prévisible. Linwood Barclay relève tous les défis. Son privé prend une jeune fille en stop. C'est la fille du maire et une amie de Scott. Sa disparition le lendemain plonge le détective dans un paquet d'embrouilles suffisamment bien orchestrées pour qu'on s'y perde avec plaisir.




La fille dans le rétroviseur – Linwood Barclay – Traduit de l'anglais (Canada) par Renaud Morin – Belfond – 464 pages – 21,90€ - *** 
Lionel Germain




jeudi 26 avril 2018

Chorégraphie stellaire






On danse aujourd’hui dans des simulateurs de chute libre, et le parachutisme freefly a ses championnats du monde. Mais dans l’espace, affranchi de la gravité, c’est tout autre chose. Ce roman, devenu un classique outre-Atlantique, aborde ici un thème oublié des littératures d’anticipation. L’auteur écrit à quatre mains avec sa femme, danseuse et chorégraphe.






La Danse des étoiles - Spider et Jeanne Robinson - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mélissa Manchette - Hélios/ActuSF - 371 pages - 9€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 7 mai 2017



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mercredi 25 avril 2018

Danois au soleil




Étrange roman danois que cette errance alcoolisée dans les rues brûlantes de Fuerteventura. Balayée par le vent, assaillie par les vagues, l'île est aujourd'hui une province espagnole aux racines tellement métissées que le Danois de Thomas Rydahl se fond dans le paysage. C'est un ermite, chauffeur de taxi, accordeur de piano, compagnon de deux chèvres, ivrogne et détective privé amateur. À partir du corps d'un bébé découvert dans une voiture abandonnée, l'ermite va soulever les cailloux pour tenter de comprendre. Un premier roman onirique et passionnant.




Dans l'île – Thomas Rydahl – Traduit du danois par Catherine Renaud – Belfond – 528 pages – 22€ - ***
Lionel Germain




mardi 24 avril 2018

Ascendant Gémeaux






Anselme Viloc, le héros de Guy Rechenmann est un "flic de papier" soucieux d'écrire ses rapports "dans un français soigné", et très sensible au sens caché des choses. Dans ce nouvel épisode, on parcourt les rivages du Bassin d'Arcachon où la signature d'un viager a des conséquences fâcheuses. Feng Shui, magnétisme et même astrologie, Viloc ne recule devant rien pour déchiffrer l'invraisemblable.





Même le scorpion pleure – Guy Rechenmann – Cairn – 230 pages – 16€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 15 avril 2018




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lundi 23 avril 2018

Terreur noire






Troisième aventure de Ludivine, enquêtrice dans la gendarmerie, "L'Appel du néant" consacre ses premières pages à l'effroi d'un enlèvement dont l'héroïne est la victime. Maxime Chattam s'empare de l'islamisme radical: "Fais-moi peur et raconte-moi le monde", c'est le contrat qu'on exige d'un auteur populaire et humaniste.






L'Appel du néant – Maxime Chattam – Albin Michel – 516 pages – 22,90€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 22 avril 2018



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vendredi 20 avril 2018

Une histoire de brume



Ouvrir un Varesi, c'est s'exposer au parfum des sous-bois, à une certaine idée du bonheur inséparable de la maturation des choses et d'une longueur en bouche de la littérature. Auteur de onze romans dont celui-ci est le troisième publié par la petite maison bordelaise de Nadège Agullo, on l'a comparé à Simenon pour la qualité de ses atmosphères. Et c'est vrai encore ici où le commissaire Soneri ne fuit les brumes de Parme que pour mieux se dissoudre dans le brouillard du petit village de son enfance, perdu au cœur de la vallée des Appenins.





Une cinquantaine de pages après cette ouverture bucolique, les derniers souffles de l'automne trahissent des promesses de bolets. Soneri, lui, n'a fait qu'étrenner des rumeurs. Le roi du jambon de pays s'est fait la malle et les hypothèses de comptoir s'emparent de cette disparition. Bien qu'en vacances, on sait que le commissaire finira par les convertir en "affaire" et se retrouvera donc à enquêter sur le passé trouble de Montelupo. 




Valerio Varesi appartient à cette classe d'auteurs dont le "territoire" est un marqueur décisif sans qu'on puisse le réduire à un quelconque régionalisme. Comme chez Indridason en Finlande, il se caractérise par une gestion du temps indifférente au format du polar contemporain. L'ombre du titre est le voile derrière lequel se dessinent peu à peu les contours de cette histoire ancienne et tragique. Soneri y puise ses racines et le lecteur s'y abandonne avec bonheur.  

Les ombres de Montelupo – Valerio Varesi – Traduit de l'italien par Sarah Amrani – Agullo – 320 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 8 avril 2018



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jeudi 19 avril 2018

Dans la caverne






Dans un monde peuplé d’aveugles, seul un espace "mitoyen" existerait, peuplé de sons ou de sensations élémentaires… Le héros de cette dystopie recouvre un jour la vue, et entraperçoit l’espace lointain ou règnent encore liberté, beauté et infini. Ukrainien d’origine, l’auteur propose sa partition sur le thème immémorial de la vision, qui traverse notre culture de Platon à Jim Morrison.




Espace lointain - Jaroslav Melnik - Traduit du lituanien par Margarita Leborgne - Agullo fiction - 320 pages – 21,50€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 15 octobre 2017



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mercredi 18 avril 2018

Folle jeunesse


Le thème de la folie irrigue le catalogue du polar universel. Mais la folie des enfants, abondamment exploitée dans la littérature fantastique, est par contre plus délicate à manier dans ces fictions du réel que sont les romans noirs. 





Gilles Sebhan s'est intéressé à Tony Duvert et à la transgression dans ses précédents ouvrages. Pour son premier polar, il construit une intrigue ambitieuse sur la disparition d'un enfant de flic. Personnages tourmentés d'un réalisme saisissant, psychiatre borderline, tout s'articule autour de cette différence parquée dans les institutions. Un très beau roman noir. 





Cirque mort – Gilles Sebhan -  Rouergue – 160 pages – 17€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 8 avril 2018



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mardi 17 avril 2018

Ainsi choit-il





Dans ce deuxième roman de Malek Hlasko, on retrouve le narrateur qui sévissait dans "La Mort du deuxième chien". Arnaqueur, cynique, flambeur et bavard par procuration, ce personnage emprunte le parcours chaotique de l'écrivain polonais qui s'est suicidé en 1969. Avec Robert, le narrateur forme en Israël un couple d'escrocs fatal aux femmes d'âge mûr ou à ce pasteur venu convertir les juifs. 






Converti à Jaffa – Marek Hlasko – Traduit du polonais par Charles Zaremba – Mirobole éditions – 192 pages – 18,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 8 avril 2018



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lundi 16 avril 2018

Kids de survie





Le décor, hostile ou attirant, est toujours central dans les romans de Sandrine Collette. Mais "Juste après la vague" évoque moins les conséquences fâcheuses d'un raz-de-marée que l'exploitation de l'instinct universel de survie. Comment choisir dans l'urgence lesquels de ses enfants devront être sacrifiés pour sauver les autres? La mer monte, leur île disparaît et le couple n'a qu'une seule barque. Tension infernale.




Juste après la vague – Sandrine Collette – Denoël – 302 pages – 19,90€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 25 mars 2018



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vendredi 13 avril 2018

Coloscopie du corps social



Jacky Schwartzmann décape le fond de sauce du roman noir français, mélange d'indignation et de dénonciation du "système". Plutôt du style à pratiquer le bourre-pif idéologique, il plante sa caméra dans le ventre du monstre avec un personnage d'acheteur au service d'une grande entreprise modélisée pour le profit maximum. Gaby Aspinall "achète" auprès de fournisseurs dont il réduit la marge année après année. Dans la peau du narrateur, le lecteur devient cette ordure intégrale capable du pire pour se maintenir au top des prédateurs.




Véritable bombe fictionnelle à fragmentation, le roman bouscule par la virtuosité du monologue qui n'est pas sans rapport avec les coulées verbales de Céline. "Dans la hiérarchie des salopes, il y a les députés, les avocats, les banquiers, les assureurs, les agents immobiliers et les acheteurs. Je suis acheteur chez Arena." Avec des digressions qui tuent comme celle développée dans la salle d'attente du toubib à partir des affiches de "dépistage par le toucher rectal".





L'improbable transfert compassionnel du lecteur vers ce type abject s'explique par cette lucidité sans faille avec laquelle il s'analyse et qui le cloue au sol, victime de ses propres armes. Mépris des syndicats, des hommes politiques, de ce capitalisme du futur épinglé par la démonstration brillante d'une femme fatale, tout s'articule autour de cette violence du monde, de la hiérarchie des crimes, et du désir qui s'invente une impasse obscure. Cynique drôle, déroutant, révoltant, et selon la formule convenue: "impossible à lâcher avant la dernière page".

Mauvais coûts – Jacky Schwartzmann – Points Seuil – 216 pages – 6,70€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 8 avril 2018



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jeudi 12 avril 2018

Le point de vue de la sterne arctique






Il y a belle lurette que nous vient du nord quelque chose comme une vague-submersion dans les littératures de genre. Et d’Islande, où l’on ne cesse d’imaginer des futurs pas toujours politiquement corrects, nous arrive cet étrange hybride de Boris Vian et d’Orwell: une alternative écolo au tout électro via le langage des oiseaux, mais pas que. Et un remède peut-être pire que le mal!





Lovestar - Andri Snær Magnason - Traduit de l’islandais par Éric Boury - J’ai lu - 382 pages - 8 € - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 7 mai 2017



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mercredi 11 avril 2018

Blancs cuits


L'Hôpital Arthur Rimbaud pourrait livrer un indice sur l'identité réelle de ce paysage d'Afrique auquel Isabelle Sivan prête les couleurs asphyxiantes du "paradis colonial" universel.




Une petite communauté d'expatriés oscille entre le club nautique et des activités professionnelles dont l'intérêt s'est dissous dans l'alcool. Une série de morts étranges vient rompre le cycle routinier de ces personnages. Le consul se rêve romancier, le colonel a peur de la guerre, la femme du consul nourrit les chiens errants, et Achille, le clochard qui a fréquenté la Sorbonne, observe cette comédie humaine. Un regard poétique et ravageur sur le cauchemar postcolonial.





Dankala – Isabelle Sivan – Serge Safran éditeur – 277 pages – 19,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 18 mars 2018



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mardi 10 avril 2018

Sous occupation






Deuxième volet de la trilogie des "Ombres" dans laquelle Arnaldur Indridason s'attarde à retrouver l'atmosphère de Reykjavik sous l'occupation allemande. Flovent et Thorson sont les deux flics qui tentent d'élucider le mystère d'une disparition, celle d'une jeune femme au printemps 1943. Dans la tourmente de la résistance à l'oppression nazie, les actes posés révèlent le courage et la peur d'une jeunesse sacrifiée.






La femme de l'ombre – Arnaldur Indridason – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Métailié – 336 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 mars 2018



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lundi 9 avril 2018

Drogue story






Après un roman et une enquête publiée dans "le Monde", c'est un éditeur qui a suggéré à Alexandre Kauffmann ce document dans lequel il n'hésite pas à exposer ses propres failles. Une année entière en immersion dans le groupe "surdose" de la brigade des stups pour nous offrir cette chronique dont la noirceur est tempérée par la tendresse du regard posé sur l'équipe de flics. Le polar du réel dans ce qu'il a de meilleur.





Surdose – Alexandre Kauffmann – Goutte d'Or – 266 pages – 17€ - **** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 4 mars 2018



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vendredi 6 avril 2018

Fan des Sixties






"La mémoire est le meilleur des romans", confie Michel Embareck. Son Rôdeur de Minuit, scribe inspiré des années soixante, est un vieil animateur de radio au cœur de la Louisiane, et cette réinvention du monde réenchante l'âge d'or du rock. La jeunesse insouciante de Bob Dylan et son adoubement par Johnny Cash remodèlent nos propres souvenirs avant l'heure sombre où nous invitent tous les fantômes des disparus.






Bob Dylan et le rôdeur de minuit – Michel Embareck – L'Archipel – 256 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 mars 2018



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jeudi 5 avril 2018

Sans queue ni tête





La double vie d'un académicien, ce n'est plus aujourd'hui un motif de scandale. Pourtant quand l'un d'eux est assassiné, le journaliste Oxymor Baulay plonge dans une enquête où la littérature n'est qu'un accessoire. La double vie est alors un inextricable faisceau d'indices, prostitution masculine, utilisation de "nègres" et implication surprenante du marché de l'art. Érudit sans prétention.






Mort d'un académicien sans tête – Gilles Schlesser – I-City – 270 pages – 17,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 mars 2018



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Voyageur imprudent






Un premier roman qui renoue fort joliment avec l’humour déjanté d’un Fredric Brown ou le questionnement un rien angoissé d’un René Barjavel, grands concepteurs de machines à temps devant l’Éternel. Le narrateur-auteur est réparateur de ces fameuses machines. Prisonnier d’une sordide boucle temporelle il se mélange les pédales entre ses différents moi, l’un essayant de tuer l’autre…






Guide de survie pour le voyageur du temps amateur - Charles Yu - Traduit de l’américain par Aude Monnoyer de Galland - Folio SF/Gallimard - 336 pages – 8,20€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 15 octobre 2017




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dimanche 1 avril 2018

L'ennui du Morbihan





Les Bretonnes sortent de leur tombe et déambulent en habit traditionnel dans le petit  village du Morbihan pour réveiller la conscience des habitants. Yves y pipe Oura la sœur de Laure Hen, une poule de luxe qu'on a déjà croisée dans "Tarifs de croupe". En passant par là, Laure Hen avec Arlette Chabot improvisent un débat public. Les zombies se retirent sur le menhir montant, ce qui reste dans le dolmen du possible. Efficace, noir mais troublant. 




Quimper et manque - Yves Trouadec - Trident - 345 pages - 19 € - ***
Lionel Germain



La couverture est un tableau de Thige