vendredi 23 février 2018

Mourir à l'ombre




À 7h du matin, la fraîcheur est une notion toute relative dans cette mine du Nord-Ouest de l'Australie. C'est pourtant le seul moment à 35° où les gens ordinaires peuvent mettre le nez dehors. Les mineurs qui y travaillent sous des chaleurs infernales ne restent là que pour les 150 000 dollars que leur promet la société minière. Nouvelle série intéressante autour d'un personnage journaliste et fouineur, Anthony Argos. Ravage des amphétamines et corruption meurtrière pour le héros d'Hervé Claude.




Crystal City – Hervé Claude – L'Aube noire – 218 pages – 19,90€ - **
Lionel Germain




jeudi 22 février 2018

Science et SF





Plus fantaisiste que "Star Trek", plus grand public également, la saga initiée par George Lucas, bien que située dans un lointain passé on l’oublie parfois, fait souvent joujou avec la science. Nature de la Force, lien entre Étoile de la mort et trous noirs, propulsion ionique ou sabre laser, tout passionne l’auteur, astrophysicien au CEA et vulgarisateur de talent. Même s’il n’apporte pas de réponse à toutes les questions, préservant la part du rêve.





Faire des sciences avec Star Wars - Roland Lehoucq - Le Bélial’- 161 pages – 7,90€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 29 octobre 2017




Fiction régulatrice





Nadir est un jeune réfugié syrien. Dans la vraie vie, c’est le héros d’un livre qui circule et fait débat dans une classe en Alsace. La violence des mots, souvent très crus, et des gestes, choque parents, profs et élèves, et questionne sur la littérature et le réel. L’auteur, enseignant, a vécu la radicalisation de deux de ses élèves il y a quelques années. Un roman choral qui ne laisse pas indemne mais dont "les phrases sourient parce qu’elles sortent du noir".





Un sale livre - Frank Andriat – Mijade - 141 pages - 7€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 30 avril 2017




mercredi 21 février 2018

Tous les chemins mènent aux Roms



Léa Ribaucourt, lieutenant de police à Mâcon, vit une histoire compliquée avec Gustave Bastogne, un juge de Dijon. La mère du juge, très envahissante et mondaine, ne se satisfait pas de cette relation avec une petite "fliquette" de province. Avec Aurel, son coéquipier en phase de divorce, elle enquête sur l'assassinat d'un jeune homme près d'un camp de Roms qui facilite la désignation d'un coupable idéal.



Alfred Lenglet (encore un policier qui troque le Sig contre le Bic) dispose habilement les éléments de procédure pour approcher par petites touches la vérité de l'investigation. Les interrogatoires trahissent une parfaite connaissance de l'exercice mais Léa reste le point fort du roman. L'emprise négative de la mère de Bastogne installe un climat crépusculaire dans cette relation pourtant naissante. Léa est la seule à en percevoir les limites. 





Par son côté "girl next door", mélange de compétence et d'humanisme, elle est le médium idéal entre le lecteur et la réalité de l'enquête. Elle ne cherche surtout pas à ressembler aux flics de "romans noirs, seuls, cabossés par la vie, l'alcool et la cigarette". Quand elle rentre à la maison, elle se plonge dans "Les Croix de bois" de Roland Dorgelès et autour d'elle, les équipiers ont l'épaisseur nécessaire pour que le roman l'emporte sur le fait-divers.

Un dernier conseil, un vin à découvrir peut-être en s'abandonnant au plaisir de la lecture. Un Saint-Véran, par exemple, "rond, tendre et doré" comme un coucher de soleil en bords de Saône.  

Jeux mortels en hiver – Alfred Lenglet – Calmann-Lévy – 288 pages – 19€ - ***
Lionel Germain




Du Lord en barre






Nouvelle héroïne et nouvelle série à succès, déjà vendue à plus de deux millions d'exemplaires. Erika Foster est flic et veuve. Robert Bryndza a écourté son deuil pour lui confier les clés de l'intrigue. La victime, une fille de Lord retrouvée congelée sous la glace d'un lac, filait du mauvais coton. Enquête dans les sales draps du beau linge londonien. Cousu de fil noir.






La Fille sous la glace – Robert Bryndza – Traduit de l'anglais par Véronique Roland – Belfond – 448 pages – 19,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 4 février 2018




mardi 20 février 2018

Noir de Noir


On connait Walter Mosley pour le personnage d'Easy Rawlins qui lui permit de raconter l'Amérique des années cinquante. Ce détective privé noir fut interprété à l'écran par Denzel Washington, et depuis 2009, c'est un autre privé noir qui lui permet d'inscrire son œuvre dans la période contemporaine.




Leonid McGill est un Bad Guy pas plus haut que trois pommes capable néanmoins de dissuader quiconque le prendrait pour un môme. Spécialiste du maquillage des preuves, il tente ici de se racheter auprès d'une femme condamnée pour le recel d'un braquage qu'elle n'a pas commis. Où l'on découvre sans surprise que l'Amérique n'en a pas fini avec le racisme.






Une erreur de jugement – Walter Mosley – Traduit de l'américain par Denis Baldwin-Beneich - Jacqueline Chambon – 302 pages – 22,80€ - ***
Lionel Germain




Serial dealer






Objets Littéraires Non Identifiés, les "séries" de Chris Simon sont des hybrides qui allient la forme du roman à la version high-tech du vieux feuilleton. Brooklyn Paradis réussit ce panachage avec une famille de New-York dont chaque personnage est une aubaine pour le scénariste. Effondrement du rêve américain dans les combines hilarantes de gangsters juifs, d'une mère collectionneuse et d'un ado serial dealer.





Brooklyn Paradis (saison 3) – Chris Simon – 150 pages – 12€ - version numérique – 3,99€ - uniquement sur le web - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 28 janvier 2018




Sur le site de l'auteure




lundi 19 février 2018

Dollars libyens






Corruption et complot au sommet de l'État entraînent journaliste et soldats perdus de la République dans une course folle autour des palais présidentiels et des grandes entreprises. Toute ressemblance entre classe politique et dollars libyens serait une pure coïncidence. 
En dépit du titre et d'une assomption un peu trop lente des personnages, Martin Rouz propose une intrigue assez convaincante.





Qu'importe la hauteur du saut – Martin Rouz – Autoédition – 324 pages – 17,99€ - **
Lionel Germain




Fausse monnaie






Le polar historique quand il est du niveau de celui de Viviane Moore, est un outil précieux pour annexer les territoires perdus du 16ème Siècle. Jean de Moncel enquête sur les mauvaises pratiques des alchimistes. Il est aidé par sa compagne, la jeune Sybille, initiée à la médecine contre toutes les règles de l'époque. Apprendre, comprendre, c'est le secret de cette série que devrait rembourser l'Éducation nationale.





Le souffleur de cendres – Viviane Moore – 10/18 – 379 pages – 8,10€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 février 2018




vendredi 16 février 2018

Concentré de polar à l'américaine



Près d'un siècle après la parution des premières histoires dans la revue Black Mask aux États-Unis, Samuel W. Gailey, lui-même producteur et scénariste, jongle encore avec les invariants du roman noir pour nous servir un cocktail sur mesure. Mettez un bled pourri, des portraits de petits Blancs, une galère, la promesse d'une rédemption, et vous n'aurez plus qu'à secouer le shaker.




Un concentré de polar à l'américaine qui doit beaucoup à la grâce improbable de son personnage féminin, Alice, et à l'insondable cruauté du méchant qui la traque, un nain bien décidé à récupérer le magot qu'elle a subtilisé. Le point de départ, c'est un trou à rats en Pennsylvanie, le Frisky Pony, où des filles aux yeux vides et aux seins siliconés se laissent mourir en glissant le long des poteaux de strip-tease. 





Alice travaille au bar, elle se noie dans l'alcool pour oublier son erreur de jeunesse, un ratage de babysitting qui a coûté la vie à son jeune frère. Une embrouille avec le patron du bar et la voilà au réveil d'un coma éthylique, près d'un corps sans vie et d'un trésor dans une mallette. Dans sa cavale où l'alcool mène la danse, Alice embarque une autre petite fugueuse à la recherche de ce fameux point de chute qui leur donnerait une chance de s'en sortir. 

On a beau connaître ses classiques, Samuel W. Gailey nous embobine. Par l'apparition de cet "Homme-Enfant" à la préciosité terrifiante, par la magie vénéneuse du décor, par l'obstination rageuse de cette gamine, par cette description d'un paradis tellement artificiel qu'entre deux gorgées de bière chaude, on s'y consume plus vite qu'en enfer.

Une question de temps – Samuel W. Gailey – Traduit de l'américain par Laura Derajinski – Gallmeister – 336 pages – 21,30€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 7 janvier 2018




jeudi 15 février 2018

La peste à Bordeaux





Dès que Hutter eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre, nous dit-on dans Nosferatu. À Bordeaux, près du fameux pont, c’est tout un passé qui resurgit, le XIVe siècle et ses affres, le Prince Noir, la Grande Peste. Et la galère pour deux ados qui s’intéressent de trop près de nos jours aux noyés de la Garonne! Le lecteur retrouvera avec plaisir les protagonistes et le cadre familier du précédent roman de l’auteur.




Les Disparus du pont de pierre - Jeanne Faivre d’Arcier – Castelmore – 409 pages – 10,90€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 29 octobre 2017




La meilleure amie de l'homme






La relation de l’homme à sa voiture est peut-être le mythe moderne par excellence, illustré avec brio par Jim Ballard ou Stephen King dans des livres ou dans des films. Constituée de matériaux organiques, la Blackjag, l’auto du futur, est la véritable héroïne de ce roman, elle vit, elle pense, elle aime peut-être. En tout cas elle parle. Le premier essai en SF d’un jeune libraire qui a fait ses premiers pas d’auteur au Québec.





Suréquipée - Grégoire Courtois – Folio SF/Gallimard – 161 pages – 6,60€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 23 avril 2017




mercredi 14 février 2018

Amours éphémères





Le projet de faire oublier le suspense de "Avant d'aller dormir" n'était pas tenable. Malgré tout, S.J. Watson est véritablement à son affaire dans la construction d'intrigues tordues. Une femme se bat pour élucider la mort de sa sœur agressée dans une rue parisienne. On explore les recoins sombres des réseaux sociaux où se nouent des amours aussi éphémères que dangereuses.







Une autre vie – S.J. Watson – Traduit de l'anglais par Sophie Aslanides – Sonatine – 446 pages – 21€ - **
Lionel Germain




Un chrétien à Karachi






Difficile, pendant la lecture de ce roman, de ne pas penser à Kamel Daoud, récupéré à droite et mis en examen à gauche à cause du statut ubuesque qu'on impose aux critiques de l'Islam. Au Pakistan, un chrétien est toujours un étranger. Comme l'un des héros de ce passionnant voyage au cœur de l'appareil sécuritaire pakistanais. La disparition d'un journaliste américain menace le pouvoir de Karachi.





Le prisonnier – Omar Shahid Hamid – Traduit de l'anglais (Pakistan) par Laurent Barucq – Presses de la Cité – 382 pages – 21€ - ***
Lionel Germain




mardi 13 février 2018

Justice de classe





Coproduction allemande et catalane, "La mort entre les lignes" pose la question de l'enquête policière en dictature. En 1952, le régime franquiste n'établit aucune frontière entre police politique et criminelle. Quand le meurtre d'une grande bourgeoise barcelonaise risque d'impliquer des dignitaires du régime, on demande au fusible du commissariat de couper la lumière sur la scène de crime. C'est donc un drôle de stratagème qui permettra à la journaliste de la Vanguardia de rétablir le courant d'une justice impartiale.




La mort entre les lignes – Rosa Ribas et Sabine Hofmann – Traduit de l'espagnol par Isabelle Gugnon – Seuil – 512 pages – 22,50€ - **
Lionel Germain




Triste biguine





Le roman a été publié une première fois en 2013 aux éditions La Branche sous le titre "Hypérion victimaire, Martiniquais épouvantable". Le texte réédité ne perd rien de sa flamboyance. Un tueur se raconte à un flic mais celui qui se met à table garde la main, une arme pointée sur son confesseur. Portrait terrifiant de la Martinique où, pour paraphraser Aimé Césaire, tous les diables ont quitté l'enfer pour s'y donner rendez-vous.




J'ai toujours aimé la nuit – Patrick Chamoiseau – Sonatine – 326 pages – 14€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 21 janvier 2018




lundi 12 février 2018

Police des rennes




Elle doit son nom au soleil couchant qui l'auréole d'un voile coloré. La Montagne rouge au sud de la Laponie est aussi le territoire de prédilection des troupeaux de rennes attirés par ses réserves de lichen. Depuis "Le dernier Lapon", Olivier Truc participe à la réhabilitation d'une présence et d'une mémoire indigène longtemps bafouées par les conquérants du Grand Nord. Ses reportages pour Libération et Le Monde en ont fait un documentariste avisé. Et le romancier ne manque pas de talent. 



La Montagne rouge – Olivier Truc – Métailié – 512 pages – 21€ - ***
Lionel Germain




Fleuve d'enfer





Grande ville, corruption, cupidité et prédation sont au cœur du roman de Pedro Garcia Rosado. Mais Lisbonne n'est ni New-York ni Paris. Le Tage est une métaphore ténébreuse de l'accès aux enfers. D'ailleurs le diable veille à la frontière du monde visible. Celui où les puissants s'arrogent le droit de vie et de mort sur leurs victimes. Une échappée furieuse dans la noirceur de la vie lisboète. 





Mort sur le Tage – Pedro Garcia Rosado – Traduit du portugais par Myriam Benarroch – Chandeigne – 402 pages – 20€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 28 janvier 2018




vendredi 9 février 2018

Dans la forêt profonde



Ça commence par une promesse. Promesse de ne pas franchir le seuil de certaines pièces dans Barbe-Bleue. Le thriller en général, et celui de B.A. Paris en particulier, fonctionne sur ce principe du conte: une promesse qu'on ne tiendra pas au risque de voir s'effondrer les certitudes sur lesquelles on a tiré sa ligne de vie. Cassandra, l'héroïne de ce roman, est une femme heureuse mariée depuis un an à Matthew, l'homme le plus charmant du monde.




L'orage scande les premières mesures du cauchemar un soir de juillet passé chez des amis où elle rompt la promesse faite à Matthew de ne pas traverser la forêt pour regagner leur domicile. La pluie battante et la ronde brutale des camions sur la quatre voies la persuadent de couper par les bois. Mais la forêt profonde n'est pas qu'un paysage. Le vent, les éclairs, la foudre, sont les accessoires d'un "gothique" annonciateur des plus grands désordres. 




Dans la forêt profonde, Cassandra aperçoit une femme terrifiée dans une voiture arrêtée au bord du chemin. Sa propre terreur lui interdit le geste solidaire et elle abandonne la naufragée à son mauvais sort. La police retrouve la naufragée assassinée, une amie que Cassandra n'a pas reconnue, et une série de symptômes lui confirme peu à peu qu'elle pourrait bien être victime d'une démence précoce. 

C'est la que ça se gâte. Si le "noir" du roman noir s'adresse aux adultes condamnés au désenchantement, l'obscurité de la forêt profonde dans laquelle Cassandra s'égare, est un flou passager. Écrit avec le pied gauche, le délicieux frisson de B.A. Paris s'épuise alors dans l'évocation laborieuse de Mary Higgins Clark.  

Défaillances – B.A. Paris – Traduit de l'anglais par Vincent Guilluy – Hugo Thriller – 400 pages – 19,95€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 janvier 2018




jeudi 8 février 2018

Littérature invisible




Le bulletin des Amis du Roman Populaire fête ses vingt ans. L’heure des bilans, de l’évocation de grands anciens avec en particulier un dossier consacré au critique Jean-Jacques Bridenne, mais aussi des perspectives passionnantes sur la  presse quotidienne régionale, support méconnu depuis plus d’un siècle d’une véritable littérature invisible, dont le dépouillement se poursuit. Un patrimoine culturel original est ainsi mis à jour.





La Vérité sur "Le Rocambole", revue Le Rocambole n° 80 – Encrage/Belles Lettres – 176 pages – 18€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 29 octobre 2017




On a couru sur la lune





Notre bon vieux satellite a vu les premiers pas de l’homme, mais est un peu délaissé par la SF aujourd’hui. Ce roman très hard science l’imagine dans un siècle, terraformé, ludique (on y entraîne des ados à y devenir coureurs de Lune) et en proie aux intrigues des grandes familles qui s’y partagent le pouvoir. Un concept qui a intéressé CBS: une série TV voit le jour, que nous découvrirons sans tarder. 





Luna - Ian McDonald – Traduit de l’anglais (Irlande du Nord) par Gilles Goullet - Denoël – 459 pages – 22,50€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 16 avril 2017




mercredi 7 février 2018

De Samedi à Dimanche





On l'appelait le "Baron Samedi" mais c'est "Fort Dimanche" que redoutaient ses opposants. Papa Doc était son deuxième nom, sinistre alias de François Duvalier dont Haïti n'en finit pas de payer la facture macabre. Fabienne Josaphat, elle-même originaire d'Haïti, nous retrace le destin de deux frères en 1965. L'un est chauffeur de taxi, l'autre professeur de droit et se retrouve dans la prison de Fort Dimanche. Une reconstitution historique sur fond de guerre civile en République dominicaine.





A l'ombre du Baron – Fabienne Josaphat – Traduit de l'américain par Marie-France de Paloméra – Calmann-Lévy – 288 pages – 19,90€ - ***
Lionel Germain




Secrets d'agents





Il est loin le temps où le roman d'espionnage français avec Coplan, le Gorille ou Malko Linge, consacrait la figure du héros solitaire. Aujourd'hui, DOA ou Vincent Crouzet réhabilitent l'aventure collective. Vincent Crouzet raconte le retour d'expérience, "retex", d'une femme du "service" rendue mutique après un enlèvement. Comment récupérer les secrets d'un agent qui revient de l'enfer?





Retex – Vincent Crouzet – Le Passeur – 576 pages – 21,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 28 janvier 2018




mardi 6 février 2018

Jaune Bleu Noir




"Ce n'est pas la ville qui a peur, pas Stockholm qui est une ampoule sur le point de s'éteindre. C'est moi." Lui, c'est Leo. Il appartient à la caste encombrée des flics à problèmes, carbure aux anxiolytiques, et entre deux nausées, s'évertue de résoudre une affaire de meurtre. De quoi brasser le fond boueux du paradis bleu et or de Suède. L'assassinat d'un professeur de sociologie fait ressurgir les taches brunes d'une ville pleine de "héros et de vilains".





Nuit blanche à Stockholm – Christoffer Carlsson – Traduit du suédois par Carine Bruy – Ombres noires – 384 pages – 21€ - ** 
Lionel Germain




Melun Mélo



Florian est un héros du néo-polar des années quatre-vingts. Dépressif mais hargneux, sans ambition mais insoumis, séducteur mais malheureux. C'est presque un hommage aux collections défuntes, "Engrenages" ou "Spécial Police".





Le Fleuve noir de Nicolas Duplessier coule à Melun. Florian, magasinier dans un entrepôt, retrouve un peu d'élan vital quand Roxane, son ex-petite amie, réapparaît dans le décor. Pour disparaître mystérieusement quelques jours plus tard. Eté pourri à Melun, où coulent la Seine et ses amours, victimes des turbulences politico mafieuses de la ville.






Été pourri à Melun Plage – Nicolas Duplessier – Atelier Mosésu – 260 pages – 13€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 janvier 2018




lundi 5 février 2018

Bourre pif






Harry Kvist a été boxeur. On l'a même connu chasseur de primes dans le Stockholm de la fin des années trente. Dans le deuxième épisode de la trilogie que lui consacre Martin Holmen, le héros sort de prison et rêve un court instant au-dessus de sa vie cabossée. La violence qui lui colle à la peau le rappelle à l'ordre violent du monde. Homosexualité assumée, misère et rêves déchus, le dur-à-cuire ne manque pas de charme.





Compte à rebours – Martin Holmen – Traduit du suédois par Marina Heide – Hugo – 352 pages – 19,95€ - ***
Lionel Germain




Fin de chaînes







Il a une certaine classe Erwan. Pas celle des beaux quartiers où la jeunesse trompe son ennui en refaisant le monde mais plutôt celle du monde en train de se défaire. Timothée Demeillers a planté son personnage en fin de chaîne d'un abattoir. L'assassinat des bêtes renvoie Erwan à la réalité de son propre anéantissement. Il en mesure la violence dans l'éloignement de sa jeune compagne étudiante. Puissant et désespéré.





Jusqu'à la bête – Timothée Demeillers – Asphalte – 149 pages – 16€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 14 janvier 2018



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vendredi 2 février 2018

Ne pas perdre la face



Longtemps journaliste judiciaire, Hidéo Yokoyama a obtenu dès son premier roman Le prix Matsumoto Seicho, l'équivalent japonais du Grand prix de Littérature policière. En 2016, son sixième roman "Six Quatre" est nominé pour le Gold Dagger Award anglais. Publié aujourd'hui par Liana Levi, le tirage international a déjà dépassé le million d'exemplaires.




Six Quatre, ce sont les chiffres qui symbolisent la 64ème année du règne de l'empereur Shôwa. Dans le jargon policier, c'est aussi la date à laquelle une petite fille de 7 ans a été enlevée et assassinée. Quatorze ans plus tard, ce crime non résolu empoisonne la fonction périlleuse du commissaire Mikami en charge des relations publiques d'un département régional de police judiciaire. 





Alors que son couple se délite après la disparition inquiétante de sa propre fille, Mikami interroge sa fidélité à une institution dont toute la chaîne hiérarchique semble étrangement compromise et où l'incompétence le dispute à la corruption.

C'est à travers les calculs et complots permanents des responsables de la police, un tableau de la société japonaise brossé avec une puissance et une précision clinique assez comparables à l'entreprise de James Ellroy concernant Los Angeles. Quand les courbettes à l'équerre et les marques de respect sont les boucliers qui protègent de la violence des rapports sociaux, la vérité vaut moins que le mensonge pour échapper au déshonneur.

Six Quatre – Hidéo Yokoyama – Traduit du japonais par Jacques Lalloz – Liana Levi – 616 pages – 23€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 17 décembre 2017




jeudi 1 février 2018

En attendant Godot





En marge d’une Amérique rurale, loin de tout et peut-être du monde, une étrange fratrie tente de faire le deuil d’un Père adoptif tout puissant qui vient de disparaître. Pas vraiment humains, mais "bibliothécaires", leurs catalogues ouvrent sur des abîmes de savoirs déconcertants. Au-delà d’un premier degré évident, une fantasy apocalyptique qui renouvelle agréablement le genre.





La Bibliothèque de Mount Char - Scott Hawkins – traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Daniel Brèque - Lunes d’encre/Denoël – 478 pages – 22,90€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 5 novembre 2017




Nouvelles de la fin du monde






Déferlante populiste, chaos migratoire et emballement climatique. Si l’on rajoute un conflit nucléaire limité et quelques horreurs biotech, on a le catalogue un peu convenu d’un genre tendance. Mais l’auteur de ce road movie post apo tire son épingle par ses qualités d’écriture, son page turner, et le sens d’un décor presque charnel, le sud, l’Espagne, la Méditerranée. "Il y a la mer, et qui l’épuiserait" disait déjà Eschyle.






Les Damnés de l’asphalte - Laurent Whale – Folio SF/Gallimard – 567 pages – 8,30€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 9 avril 2017