Hommage au carré

Pierre Barbet était docteur en pharmacie, ses recherches l’avaient amené à la bionique, aux frontières de ce qu’on appelle aujourd’hui le posthumanisme. Il a marqué la SF française pendant plus de trente ans. Son dernier roman, inédit, est accompagné ici de quatre nouvelles, deux articles et une préface de Jean-Marc Lofficier. Un livre qui rend hommage aussi à un autre grand ancien, puisque le titre est un clin d’œil à Verne!

Voyage au centre de la Lune - Pierre Barbet – Rivière blanche – 248 pages – 20€ - ****

François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 22 janvier 2017

Marne pleine

Elles sont encore des milliers non répertoriées en Haute Normandie, les marnières servaient de mine d'où l'on prenait la craie pour enrichir les terres agricoles. Géologue à Rouen, David Humbert connaît bien le sujet de ces nouveaux dépotoirs, sources de pollution quand on y enfouit les déchets toxiques. Menée par un flic sympa délocalisé du 36 Quai des Orfèvres, l'enquête conventionnelle se lit agréablement.

Karst – David Humbert – Liana Levi – 384 pages – 20€ - **

Lionel Germain

Modèles réduits

Ces huit nouvelles inédites d'Elmore Leonard consacrent son entrée en littérature au milieu des années cinquante et trahissent son admiration pour Hemingway. Dans "La coupe italienne", on y voit les rapports compliqués d'un couple dont le mari souffre d'un sérieux complexe d'infériorité. Ça le rend maussade avec sa femme qui lui présente sa nouvelle coupe de cheveux et aimerait bien lui annoncer qu'elle est enceinte. Dialogues pointus sans fausse note. Du grand art.

Charlie Martz et autres nouvelles – Elmore Leonard – Traduit de l'américain par Pierre Bondil et Johanne Le Ray – Rivages noir – 430 pages – 8€ - ***

Lionel Germain

Bleu, blanc, rouge, bronzé

Automne 1997, la coupe du monde, l'autre France dont les raccourcis peuplent les faits-divers. Hachim voudrait devenir journaliste, s'émerveille du hip-hop, se noie dans la grisaille de Saint-Denis où la thune fructifie sur la dope. Chester Himes de ces lieux mis au ban, Santaki orchestre le blues d'un gamin effrayé du destin qu'on lui assigne. La violence crache dans la sono de NTM. L'autre France, c'est aussi la France.

Les princes du bitume – Rachid Santaki – Jigal – 228 pages – 9,50€ - *** 

Lionel Germain

Rubrique embrouilles

Journaliste, cascadeur, séducteur, Fred pourrait enrichir son CV mais c'est finalement son boulot au "Soir" qui va lui permettre de valoriser ses talents de baroudeur. Paul Colize aime les ambiances électriques et les personnages sous tension. Son héros amateur de sensations fortes va être servi dans cette enquête aux enjeux internationaux. Un mélange des genres que l'auteur maîtrise avec un art irrésistible du suspense.

Zanzara – Paul Colize – Fleuve noir – 320 pages – 19,50€ - ***

Lionel Germain

Embrasser l'indicible

L’œuvre de Lovecraft a toujours été un challenge pour ceux qui ont voulu la transposer au cinéma ou en BD. Ce livre d’art qui conjugue les talents d’un romancier et d’un illustrateur, assistés du talent graphique de Franck Achard, relève le défi: les récits s’enchâssent dans ceux du maître de Providence, les dessins ou les montages photo s’essaient à dire ce pour quoi les mots se révèlent impuissants…

Gotland - Thomas Day et Nicolas Fructus – Relié, illustré, Le Bélial’ – 170 pages – 39€ - ****

François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 15 janvier 2017

Assurances sans frontières

L'auteur pakistanais est écrivain et cinéaste. Installé à San Francisco, il a réinvesti ses souvenirs pour ce premier roman qui met en scène Cash, alias Sayyid Qais Ali Qureshi, agent d'assurances de Karachi. Mausoof a été travailleur dans l'humanitaire au Waziristan. C'est aussi dans cette région explosive qu'il expédie son personnage chargé d'enquêter sur l'incendie d'un entrepôt. Intégrisme, ingérence américaine et corruption rythment une intrigue originale et documentée.

Nuit sans lune au Waziristan – S. Mausoof – Traduit de l'anglais par Benoïte Dauvergne – Éditions de l'Aube – 324 pages – 21€ - ***

Lionel Germain

Éteignez la lumière

"Je m'appelle Nathan Lucius. Je dors avec la lumière allumée." Ainsi se présente le héros de Mark Winkler. Nathan travaille au bureau des espaces publicitaires d'un journal. Il collectionne les photos d'anonymes, son rapport aux femmes est compliqué et sa vieille amie cancéreuse le supplie de mettre fin à ses souffrances. Voilà qui ouvre la boîte de pandore où nichent les vrais démons du personnage. Un magnifique hommage à l'humanité contrariée.

Je m'appelle Nathan Lucius – Mark Winkler – Traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Céline Schwaller – Métailié – 240 pages – 20€ - **** 

Lionel Germain

L’horreur à la Une

Avec tous les ingrédients du thriller, Michel Moatti prend le pari de nous offrir en creux une réflexion sur l'évolution du métier de journaliste. Le tueur qu'on traque dans le roman est l'héritier fictif d'un véritable fait-divers. Il est aussi l'enjeu d'une quête médiatique. Internet a bouleversé l'accès à l'horreur et Michel Moatti réussit le portrait de deux journalistes qui symbolisent le questionnement de la vérité à l'ère des "pure players".

Tu n'auras pas peur – Michel Moatti – HC – 304 pages – 19€ - ***

Lionel Germain